Parfois on préférerait ne pas être né
Ou alors seulement
Pour se laisser vivre
Juste manger boire dormir
Sous les étoiles
Comme un animal
Ne pas rendre de comptes
Ni aux dieux ni aux hommes
être simplement
sans avant ni après
une respiration un souffle
et puis disparaître
sans laisser d’autres traces
qu’un pas sur les herbes
aussitôt effacé
Du fond du fleuve remonte l'ancienne mémoire
La mémoire de l'eau qui court
La mémoire de l'eau qui chante
Du ruisseau babillant
Du torrent rugissant
De l'ample rivière opulente
Et l'infinie patience des mille doigts de la pluie
Qui frappent en cadence la tombée de la nuit
Mais quand il reprend son souffle
pour chanter la victoire
devant tous ses guerriers
le jeune prince bé-bé
le jeune prince bé-bé
le jeune prince bégaie
Il perd en un instant
les effets de la gloire
et de la majesté
Son cœur frappe en cadence
jusqu’au bout de ses doigts
la courbe de ses bras
est une bannière de soie
Et l’antilope avance
pieds à pieds
pas à pas
dans le très grand silence
de cette langue nouvelle
qui refait la forêt
et le monde autour d’elle
et l’antilope apparaît
enfin pour ce qu’elle est
l’autre moitié du monde
la calebasse toute ronde
des tambours-boit-le-lait
Elle s'approche
Elle avance vers lui
Un doigt posé sur les lèvres
Chuuut
Ils ont tout le temps devant eux
Pour apprendre d'autres langues
La grâce d'un visage
La perle du regard
La soie de la peau
Et leurs cœurs battent ensemble
En se passant de mots