AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,06

sur 17 notes
5
3 avis
4
3 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
Quoi de plus banal pour débuter un roman ? L'annonce du décès d'une aïeule dans l'incendie de sa propriété, la demande express de venir reconnaître le corps, dont le visage a été épargné, un trajet en voiture jusqu'au domaine. Certes l'irruption d'une libellule géante sur le pare-brise pourrait étonner. Mais après de longues heures de route en solitaire, les sens ne sont-ils pas perturbés ? le doute survient aux premières touffes d'herbes rouges. La certitude advient lorsque le flic chargé de l'enquête arrive au domaine escorté de deux cerfs blancs…

Deux solutions à cette étape : faire une petite sieste et passer à autre chose, ou plonger sans hésitation au coeur de ce roman totalement déjanté, où il faut se méfier des tulipes furtives, et accepter que le trafic de lait de tiques constitue un négoce juteux pour la famille hors norme qui vit dans ce territoire incroyable.

Pire encore, Benjamin Planchon ne recule devant aucune traitrise, mêlant les vraies fausses références et les fausses vraies informations pour mieux nous perdre. de néologismes en créations délirantes que Boris Vian (L'écume des jours) ou Louis Malle (Black moon) n'auraient sûrement pas reniées.

C'est délirant, jubilatoire ! Un conseil, se laisser porter par la poésie qui se dégage de ce roman extravagant, et se laisser accompagner dans les créations hallucinées du récit. On peut détester : j'adore.

PS Même la couverture me séduit

256 pages millet Barrault 16 mars 2022

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          442
Incarner un imaginaire de Jérôme Bosch dans un récit contemporain baroque, hirsute, horrifiant, hilarant et dangereusement poétique, aux marges signifiantes de l'irréel : un pari fou et pleinement réussi.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/06/26/note-de-lecture-le-domaine-des-douves-benjamin-planchon/

« le domaine des Douves », publié en mars 2022 chez Mialet-Barrault, un peu plus de trois ans après l'impressionnant « Capsules » paru chez Antidata, commence doucement, mais par un drame pourtant, déjà : un peintre copiste contemporain renommé (qui estime toutefois n'avoir pas suffisamment de talent pour être artiste à part entière – et cela nous sera expliqué le moment venu), vivant et travaillant à Paris, apprend que sa grand-mère, qui vivait seule désormais sur la lointaine propriété familiale, est brutalement décédée dans l'incendie de sa demeure, et qu'il doit se rendre sur place, à Saint-Loup, pour l'identification du corps.

Alors que Clovis Cardinaud se dirige en voiture vers le domaine de famille et vers des souvenirs d'enfance soigneusement tenus à l'écart jusque là, le réel tel que nous le connaissons semble se déliter, presque tranquillement, du même mouvement, laissant s'infiltrer des mots et, par là, des objets et des concepts, qui ne sauraient pourtant être familiers : noms de constellations inconnues, falaises molles pouvant gigoter, chenilles-centaures aux poils crépus, pins siffleurs, pêchers venimeux, fauteuils Henri IX, officier de police se déplaçant accompagné de deux cerfs blancs, tulipes furtives, lait de tique géante, et tant d'autres témoignant au fur et à mesure d'une rare inventivité langagière et imagée. Peu à peu, une hilarante inquiétude gagne la lectrice ou le lecteur, en commençant à subodorer peut-être (très parcellairement, bien entendu) vers quoi pourraient bien nous entraîner ces mémoires enfouies émergeant peu à peu.

Ce n'est bien entendu certainement pas par hasard que la toile sur laquelle travaille Clovis, dans les premières pages du roman, soit une étude de Jérôme Bosch réalisée en préparation de son Circus Neantis. Campant, en quelques flèches d'autant plus acérées qu'elles ont d'abord l'air patelines, un décor provincial propice à la montée en mythologie (on songera sans doute au Jérôme Lafargue de « L'ami Butler » ou de « le temps est à l'orage »), Benjamin Planchon parvient très vite à mêler indissociablement une étrangeté insidieuse – mais pourtant acceptée de toutes et tous comme pleinement naturelle – digne de celle des « Saisons » de Maurice Pons, une verve rabelaisienne renvoyant sans ambiguïtés à un foisonnement tout bakhtinien, mais en lorgnant du côté du décalage spécifique pratiqué par le Mathias Énard du « Banquet annuel de la Confrérie des Fossoyeurs » ou par le Pierre Senges de « Cendres – Des hommes et des bulletins » (où Bruegel se serait substitué à Bosch en guise de carburant secret), une omniprésence des odeurs comme marqueurs et passages, tels que portés à leur paroxysme par l'Antoine Volodine des « Filles de Monroe », une abolition soigneuse des frontières entre l'humain, le végétal et le mécanique dont aurait rêvé à son tour le Christopher Boucher de « Comment élever votre Volkswagen », ou encore une volonté de repenser en profondeur le rapport entre le réel et les arts plastiques digne du Nicolas Rozier de « L'île batailleuse ».

Comme dans les circonvolutions circassiennes des « Bosch Dreams » d'Abraham Per Mortensen (image ci-contre), il s'agit bien ici, en jouant à merveille d'une codification baroque et profuse de l'horreur (d'ailleurs, lorsque Clovis parvient au village voisin de la propriété familiale, ne tombe-t-il pas en pleine « semaine internationale du gothique » ?) et d'une aventure déterminée dans l'irréalité immédiate (pour reprendre le beau titre de Max Blecher servant de devise officieuse aux éditions de L'Ogre), pour bâtir une exceptionnelle métaphore à étages faisant de chacun de nous, lectrice ou lecteur, l'étrange collapsonaute (comme dirait Yves Citton) fantastique d'un autre monde en voie de possible dissolution.
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          100
Poétique, étonnant et détonant !
Clovis, restaurateur d'art en apparence banal, est issu d'une dynastie extraordinaire qui règnait sur un territoire à la frontière de notre monde, peuplé de créatures et de plantes mystérieux et effrayants. Son retour aux sources nous plonge dans cet univers où chaque détail contient une poésie noire. le style d'écriture précis et plein d'humour rend cette lecture très gratifiante, on en sort avec des idées plein la tête, on voit le monde différemment. Je conseille vivement ce livre inclassable, c'est une vraie découverte !
Commenter  J’apprécie          80
Attention, il émane de ce roman des effluves hallucinogènes. Signalez à votre libraire tout effet secondaire non souhaitable.
Tout commence comme une banale enquête. Clovis exerce avec passion son métier de peintre restaurateur. Il s'adonne au jogging dans le bois de Saint-Ouen quand un appel téléphonique l'oblige à replonger dans ses souvenirs d'enfance. le Domaine des Douves qu'il a quitté 25 ans auparavant a été ravagé par un incendie. On y a retrouvé un corps, probablement celui de Phéodora Portemer, sa grand-mère, qu'il est le seul à pouvoir identifier. Voilà pour les premières pages. Mis à part le détail de Bosch en couv, de très mérovingiens prénoms (et le fait que j'ai pioché ce bouquin-là à la Librairie Charybde), rien ne prépare à autre chose que de très ordinaire.
Et Clovis entame son retour au Domaine, s'immergeant peu à peu dans le territoire de son enfance. Très vite, ma lecture pantouflarde est chahutée par des métaphores audacieuses. La réalité semble factice et se peuple de figures féeriques, tantôt grotesques, tantôt cruelles. Ici, c'est un cheval échappé sur l'autoroute, là c'est le langage même qui se contamine. "Sirulgeineuse"? Ça existe? Dans ma grande naïveté, d'abord, j'ai cherché. de page en page, mes repères se brouillent, se fissurent, se fracassent de toutes parts, sous la pression d'une nature à la vigueur foisonnante d'ogresse.
Me voilà prisonnière d'un album de Claude Ponti ou d'une nouvelle de José Carlos Somoza. Au domaine des douves, on trait des tiques obèses, les méduses papillons fanent et l'alcool de larmes se récolte lors des funérailles.
L'imagination est bombardée de visions, de "rouges déments, de jaunes à dents, de oranges hérissés", le nez épuisé d'odeurs jusqu'à la nausée. Et quand on croit reprendre pied, c'est pour se laisser berner par un catalogue de références artistiques digne de la rabelaisienne bibliothèque de Saint-Victor. le faux contamine le vrai, plongeant la lecture dans une permanente insécurité intellectuelle. Les souvenirs se forment, se déforment, se confondent avec les rêves. Quelle idée, aussi, d'aller chercher la vérité dans la littérature!
Commenter  J’apprécie          50
Ce récit incroyablement original est à l'image de sa couverture: pleinement encré dans le fantastique et l'irréel.
En retournant sur le domaine dans lequel il a grandi, Clovis retrouve ses souvenirs d'enfance et nous entraîne avec lui dans un monde fantasmagorique rempli de bêtes effrayantes et de personnages hauts en couleurs.
Une grand mère qui trait des tiques de plusieurs tonnes, des arbres à viandes, des insectes qui nous font remonter le temps si on les écrase, un piano à oublier les mauvais souvenirs, un livre pour s'en créer de nouveau…
J'ai eu la sensation de plonger dans un roman tiré d'un album de Claude Ponti.
Une histoire que j'ai trouvée totalement loufoque et poétique. Mais derrière l'apparente hilarité de certaines scènes se cache le poids des secrets de famille et des enfances difficiles qu'on fuit.

Un roman à decouvrir pour les lecteurs souhaitant sortir des sentiers battus et découvrir un récit aussi hilarant que horrifiant. Un roman inclassable (dans le bon sens du terme).
Commenter  J’apprécie          40
Un récit pour peupler le monde. Quand le quotidien est d'une effroyable banalité, quand la réalité est terrifiante. Quand le réalisme est insupportable.
Remplir le paysage en noircissant les pages de mots délirants, extravagants, étourdissants, abracadabrants ; énumérés, agglomérés, accumulés, collectionnés. Inonder les vides en enluminant une toile d'une multitude de détails, d'éléments, de fragments, d'ornements, de broutilles indispensables. L'accumulation pour combler les fossés, avec l'enfance, avec la mère, avec son histoire. Dans un jaillissement de réminiscences, par une projection du passé.
Quand l'Art et la Littérature permettent l'abolition des frontières temporelles pour la genèse d'une nouvelle dimension, celle qui permet de retrouver ses fantômes ; pour la création d'un nouveau monde, celui qui permet d'exorciser ses démons.
Quand les mots et les signes consignent la fin d'un monde, archivent le désastre d'une réalité qui s'effrite.
Quand l'écriture et la peinture en relèvent les ruines, retenant malgré lui un passé qui se contracte et s'affaisse, révélant les secrets cachés au fond du domaine des douves.
D'où jaillissent dans une éruption de souvenirs refoulés, l'histoire et le passé du narrateur ; marqués par une succession prolifique d'événements fantastiques ancrés dans une réalité manifeste. Qui se les remémore comme il nous les évoque ; dans un récit épique, apocalyptique au ton léger et plaisant. Pour une chronique du temps et de l'oubli.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          40
Il commence tout à fait normalement ce roman, quoiqu'un peu tristement.
Clovis est restaurateur de tableaux, il apprend un beau jour que sa grand-mère qu'il n'a plus revue depuis des années est décédée dans un incendie ayant touché le domaine familial.
L'occasion pour Clovis de retourner sur les terres de son passé.

Mais à l'instant où il arrive au Domaine des Douves, l'histoire prend une autre tournure et nous entraine alors dans un monde fantasmagorique, digne d'un tableau de Jérôme Bosch, dont l'oeuvre orne d'ailleurs joliment la couverture.

Le commerce de lait de tiques obèses, un piano provoquant l'amnésie, un enfant faisant jaillir la vérité de la bouche de ceux qui parlent, une "guerre des voisins" sans répit, des peintures poussant au suicide, le roman regorge de phénomènes et d'inventions réjouissantes.

Inclassable, étonnant et servi par une jolie plume, le Domaine des Douves laisse une impression onirique très appréciable.
Commenter  J’apprécie          20
Voilà sans conteste un roman singulier qui nous emporte dans un univers absolument incroyable. Clovis doit quitter Paris pour retourner sur les lieux de son enfance à la suite de l'incendie de la demeure familiale dans lequel a péri sa grand-mère.
Ce village non répertorié par le GPS, et ce domaine où la maison maître est totalement détruite par les flammes.
Son enfance lui revient alors au milieu des cendres et il nous emporte avec lui au coeur de tout ce qu'il a voulu fuir.
Une histoire absolument originale qui peut être clivante mais que l'on ne peut pas oublier, pour moi une réussite.
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (33) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3724 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}