Les raisons qui m'ont amenée à lire
La Femme périphérique sont multiples. Déjà, le titre m'intriguait. Puis la première de couverture, avec cette illustration insolite d'un tableau déchiré où ne subsiste qu'un oeil effrayé ou menaçant selon l'intention que l'on y met. Surtout, il parlait de la RDA et de la place des femmes dans le monde de l'art. Ce premier roman était fait pour que je le lise.
J'annonce la couleur, j'ai adoré. Les premières pages furent pourtant laborieuses. La quantité d'individus impliqués et les brusques changements de cap de l'intrigue me faisaient perdre le fil. Au point que je fus tentée de noter les noms des protagonistes, leurs activités, alliances et antagonismes. Mais plus j'avançais, plus c'était compliqué. Alors, je décidai de me laisser emporter par le flux de la narration et l'humour dévastateur de
Sophie Pointurier. Bien m'en pris.
Le résumé est simplissime : pour l'anniversaire des trente ans de la chute du Mur de Berlin, des rétrospectives culturelles se mettent en place et quoi de plus symbolique, de plus émouvant, de plus vendeur que la mise en scène d'un couple d'artistes contemporains issus de l'Est – Peter, le peintre génial - et de l'Ouest – Petra, sa muse besogneuse ? Problème, Peter est introuvable et Petra mutique. Alors le monde de l'art s'emballe. Qui cache qui, ou quoi ? Les éditeurs, les galeristes et leurs agents sont sur les dents, la police s'en mêle et s'emmêle, la meute journalistique aboie. Chacun y va de son hypothèse, tous s'acharnent sur Petra, bientôt soupçonnée de meurtre.
Dès ce moment, le flux devient maelstrom. Un bref instant, je pense tenir l'extrémité du fil d'Ariane. Mais la ficelle est trop grosse et tendue trop rapidement. Il reste encore beaucoup de pages à lire dans cette histoire de "l'homme qui a vu l'homme, qui a vu l'homme, qui a vu l'ours" pour que ce soit si simple. Je lâche prise et reprends le courant. Ne comptez pas sur moi pour vous en dire davantage !
J'ai aimé ce roman pour de multiples raisons. Déjà, il a réveillé mon Ostalgie chronique. J'ai vécu deux ans en RDA dans les années 80 et la Stasi est alors une réalité tangible. Un pays entier vit dans la défiance. Un pays mutique où circulent cependant des flux vitaux, impatients de se libérer. Libre arbitre, liberté d'expression, dans un monde où les arts sont voués à la propagande.
Ensuite, j'ai découvert avec intérêt le monde de l'art contemporain. Fichtre ! Rapacité, vanité, orgueil et préjugés, coups bas et j'en passe. La causticité de l'auteure fait merveille, servie par une série de dialogues plus vrais que nature. Pour autant, rien de caricatural, chaque personnage est présenté dans toute sa complexité humaine, émouvante.
Si plusieurs axes de lecture sont possibles, le fil rouge du roman reste la place des artistes féminines dans le monde de l'art. Oui ou non, une artiste femelle peut-elle avoir la puissance créatrice d'un artiste mâle ? Quelle place peut-elle, doit-elle occuper ? C'est presque un marronnier. Depuis des siècles, se pose cette question existentielle.
Je souhaite plein succès à
La Femme périphérique, qui eut une première vie sous un autre nom (je l'ai appris grâce à Babelio) renaissance qui témoigne de la pugnacité de
Sophie Pointurier.
Et j'adresse un grand merci à Babelio-Masse critique et aux Editions Harper Collins pour cette belle découverte.