Quand Siméon arrive dans un village qu'il ne connaît pas, c'est la "saison pourrie" : il pleut, il pleut sans discontinuer. Tout est boue, humidité, noirceur, le ciel est lourd, bas... On apprend que c'est le seizième mois de cette saison. Vivement les prochaines!... Non : les prochaines seront faites d'un gel bleu qui glace la pourriture, puis de la neige, annonciatrice des futures pluies.
Le pays n'est pas nommé. Il se cache au creux des montagnes. Siémon, lui, vient des déserts trop chauds, d'une contrée où l'on assassinait, enfermait dans des cages, trainait les corps morts.
C'est le coeur léger et plein d'espoir qu'il arrive ici et se réjouit de cette pluie qu'il prend pour une bénédiction. Il apportera la beauté, créera son livre, son chef d'oeuvre, dans un grenier au dessus du café de la veuve Ham dont le corset est "crasseux, d'une crasse séculaire de cathédrale"(22).
Mais comment voir l'espérance, la bonté et la beauté en ces lieux, quand on est reçu dans une auberge sale, où la "Cinq Tonnes", la grosse mégère atteinte d'éléphantiasis, est à califourchon sur un homme dont elle presse le nez rempli de sébum pour en tirer les vermisseaux?
Dès qu'il arrive, un villageois tente de le chasser en lui lançant un crâne de mouton. Siméon a la mauvaise idée de donner un coup de pied dedans : il s'entaille l'orteil. La pourriture va pouvoir agir et sévir.
Parmi ces villageois, il y a le rebouteux, le Croll, dans une tanière effrayante. Il est une sorte d'ogre et, malgré ses pratiques barbares, il n'est pas un mauvais homme. On trouve aussi Louana, petite fille déjà vulgaire, qui aime se jucher sur une croix, au-dessus d'un tas d'immondices. Même la caresse est étrange : "cette main molle et rugueuse faisait à Siméon l'effet d'une caresse de pieuvre". (41)
Les Saisons, en trois parties, raconte par impressions le long pourrissement de la vie, des espoirs.
Dans la première partie, Siméon est agaçant, avec son optimisme, sa naïveté, on dirait sa bêtise car n'importe quel benêt se rendrait compte, dès les premiers instants, qu'il a mis les pieds dans un enfer. Cet aspect optimiste et candide aurait pu être un peu moins accentué.
Ce livre dit la vanité de l'écriture et de l'art. Il est d'un grand pessimisme et d'une belle noirceur.
“C'est pourriture! C'est pourriture et compagnie!” , dit le Croll en découvrant l'intérieur du pied de Siméon. Mais tout autour aussi : c'est le ventre des génitrices dont le foetus est mort-né, couvert de chenilles blanches. (143) Tout est pourriture, tout se gangrène...
Un jour, pourtant, arrivent deux cavaliers noirs, porteurs de rêve...
Souvent , l'atmosphère m'a fait penser à des clips comme Sans Logique, Désenchantée et au film Giorgino. Laurent Boutonnat pourrait adapter aisément ce roman pour le cinéma.
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