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4,3

sur 451 notes
Ces derniers jours, j'ai eu l'impression d'être dans Les saisons de Maurice Pons. J'ai d'ailleurs profité d'un samedi apocalyptique pour faire la photo 🙃. Ce roman, il traine dans ma PAL depuis au moins 2021, et nous avons enfin trouvé une date avec @b.a.books 😉 !
 
Par où commencer ? Ce récit est totalement inclassable. Dans les premières pages, nous pensons être dans une dystopie, puis nous basculons dans une atmosphère teintée de réalisme magique, à la limite d'un conte, avec une fin digne d'une fable. Un univers kafkaïen, qui nous a également fait penser à L'homme qui savait la langue des serpents. Bref, j'ai été captivée du début à la fin! J'ai été complètement plongée dans ce village, ces personnages singuliers, aux moeurs étranges, des êtres hostiles et taciturnes, et pour quelques-uns estropiés. Malgré la saleté et la pourriture omniprésentes (et pourtant je suis plutôt Monk dans la vraie vie), j'étais hypnotisée. « Tout est vraiment pourri dans le royaume de Pourriture ! ». J'avais envie de savoir où l'auteur nous conduisait, et je n'ai pas été déçue avec cette fin comme je les aime (c'est-à-dire une vraie fin😆) qui illustre parfaitement que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs. « Quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change."
 
Nous suivons Siméon, un jeune écrivain arrivé de son désert, qui débarque dans un village inconnu, à une époque indéterminée. Oui, nous ne savons pas grand-chose, si ce n'est que nous sommes au seizième mois de l'automne en pleine saison des pluies, la saison pourrie pour les locaux. de toute façon, c'est simple, il n'y a que deux saisons dans ce royaume: la pluie et le gel bleu. Chacune avec son lot d'évènements et de traditions loufoques ( En y réfléchissant, leurs comportements sont peut-être le reflet d'un déficit en vitamine D, hypothèse à creuser 🤣). Autre particularité de l'endroit, il n'y que des lentilles qui y poussent. du coup, vous y retrouverez tous les dérivés possibles, alcool y compris.

Siméon est donc l'émigré, l'étranger qui tente tant bien que mal de s'intégrer. C'est dans son écriture que le beau transparaît parce qu'à côté tout n'est que laideur (lui y compris). Y parviendra-t-il ? Je vous laisserai le découvrir…
 
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Une dinguerie ce bouquin. J'ai été soufflée. Comment ai-je pu passer au travers ? Ce goût de pourriture investissant ma bouche m'a enchanté, le vent qui écrête les cahutes édentées, les pieds qui s'enfoncent dans la bourbe fangeuse ont ravi ma curiosité en manque d'obscénité.

J'ai suivi des yeux ce Siméon, semi-gueux aux allures de loqueteux, avec le même intérêt que mon petit neveu faisant ses premiers pas, telle une grosse fayotte particulièrement zélée, car l'auteur ne nous lâche pas à un seul instant d'un cran.

Je suis bon public ; les histoires de clodos délurés qui vagabondent dans une humidité au relent de merde liquide, ça m'excite. J'ai appuyé ma tête peinarde contre mon traversin et déjà je sentais les larves de mouches encrouter le coin de mes yeux, embrochée net dans ce patelin de bouseux pour le moins fascinant.

Qu'importe l'époque de l'année, jamais le printemps n'hésite dans ce pays maudit, la désolation embrasse la vue, notre district est devenu une sombre chiennerie où les saisons se tortillent d'agonie. Au choix, c'est la pluie qui transperce jusqu'aux os, le croupion humide baptisant une culotte de maronnasse, ou bien une neige à rétracter toutes burnes crotailleuses.

À cet état de météorologie calamiteuse, ne songez pas à trouver réconfort dans ses habitants. Ici on ne reçoit pas et on ne pardonne rien. La populace, communauté tordue au raffinement de macaques qui s'épouillent, nous émerveille par son extravagance de va-nu-pieds moyenâgeux exerçant son crétinisme dans la clabauderie. Faut-il préciser que les moeurs se frottent à s'en déliter, du décadent au style impudique, un peau à peau à la lubricité sordide dans lequel nous longeons des épisodes de coïts sommaires, peu voluptueux, où matières fécales et organiques rampent originalement près des appendices sexuels.

Et tout ce petit monde se fait chier comme un rat mort. À tout heure, on s'écrase aux fenêtres en se dérouillant la nuque dans un communautarisme jaloux, on tourne en rond dans sa cabane délabrée, on bâfre ses lentilles, on se perce les points noirs en se léchant les lèvres, pas beau à voir, on picole, on se prémunit du froid avec des mulots callés sur le bide, je vous raconte pas la galère, bref, un grand ensemble, on peut le dire, qui nous fait garder les yeux grands ouverts.

J'ai respiré l'haleine de ce bouquin avec une curieuse docilité, objet fascinant, le machin m'a escorté tout entier dans une science-fiction oxydée, sorte de cauchemar à la paillardise malsaine lubrifiée au saindoux. Je recommande chaudement.
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« Il arriva par le sentier de la cluse, vers le seizième mois de l'automne, qu'on appelait là-bas : la saison pourrie. »

Ainsi débute ce roman d'une frappante singularité, mêlant de manière hypnotique le grotesque et l'absurde, l'humour glauque et l'exécrabilité. C'est dans un hameau de montagne lugubre, poisseux et habité par de pauvres hères repoussants, que le narrateur extérieur nous invite pour nous conter l'histoire de cet étranger nommé Siméon, qui voulut s'abstraire du monde pour raconter ses douleurs intérieures en écrivant un livre. Dans cette vallée étroite fermée par un verrou glaciaire, où le gel bleu d'un hiver interminable succède à l'automne diluvien, ne poussent que des lentilles dont les villageois tirent leur seule pitance ainsi qu'un tord-boyau parfaitement corrosif.

Bien décidé à s'établir dans cet outre-monde d'une affligeante laideur, Siméon est prêt à subir toutes les avanies et à consentir à tous les sacrifices. Rien ne peut dépasser en horreur les souvenirs du désert où il a tant perdu. Alors cette eau qui tombe continuellement du ciel lui paraît une bénédiction capable de le laver de son passé. Louana, fillette mongoloïde aussi délurée que colérique et à qui rien n'échappe, est la première à le voir arriver dans la vallée. Suivra toute une galerie de personnages dignes d'une cour des miracles : la veuve éléphantiasique Ham, tenancière de l'unique café-auberge, l'imposant Croll, borgne et rebouteux de son état, une paire de douaniers au zèle ridicule, le vieil unijambiste Raurque, et jusqu'à la maigrelette épouse Dogde dont Siméon s'éprendra. Mois après mois, saison après l'autre, l'étranger découvrira les usages de ces habitants aux moeurs répugnantes ou drolatiques.

« Quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change. » Alors quels prodigieux changements Siméon parviendra-t-il à impulser dans cette vallée oubliée de Dieu ? Un récit tour à tour ignoble et cocasse qui se lit entre répugnance et fascination. On se prend à frémir ou à faire la grimace, à sourire ou à secouer le chef, mais dans une telle narration, nulle indifférence. Un classique sortant à n'en pas douter des sentiers battus.
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Ce livre est indéfinissable, fascinant par son histoire, son phrasé, ses événements qui peuvent tour à tour vous dégoûter, vous surprendre, vous donner de l'espoir. Il ne laissera personne indifférent. Il a été publié la première fois en 1965.
Le récit se déroule dans un pays où les saisons sont rudes (après des mois de pluie, le gel peut rester présent trente à quarante mois), longues ; où la nature est difficile à maîtriser ; où la nourriture est rare et les occupations également….. Un homme, qui a beaucoup souffert, arrive dans un village au milieu de nulle part. Il veut s'installer quelque temps pour écrire. Les habitants, peu nombreux, sont soupçonneux et envoie les douaniers enquêter. Il arrive malgré tout à s'installer, dans des conditions précaires, chez une veuve qui tient ce qu'on pourrait appeler une auberge (mais elle ne ressemble en rien à un tel lieu).
Il pleut, tout le monde est hostile mais notre homme espère être avec son crayon, ses feuilles et les remplir. C'est son but et il le dit : « Je suis venu pour partager avec vous le pain des mots et le vin de la phrase ». (Oui, il y a quelques allusions à la Bible). Il essaie de surmonter chaque obstacle, d'avancer son projet mais toujours quelque chose se met en travers. L'auteur nous parle de la condition d'écrivain, des maux et des mots de ceux qui veulent transmettre, par un livre, un message, raconter une vie, des vies….
Un narrateur extérieur, parlant à la première personne et interpelant de temps à autre le lecteur, présente le quotidien de cet étranger, Siméon, qui a osé débarquer et surtout rester là alors qu'il n'est pas franchement le bienvenu. Il croit qu'on s'habitue à lui mais ce n'est pas si simple… Il fait tout pour apporter un peu de lumière, de chaleur, de printemps avec ce qu'il tente de transmettre.
La galerie de personnages est très riche, tous ont un petit côté burlesque qui s'explique par ce qu'on apprend sur eux, sur les traditions de ce coin du monde atypique, sur les relations que les gens entretiennent ou pas.
J'ai pensé à Kafka et « La métamorphose », un recueil inclassable lui aussi mais d'une force extraordinaire. Ce sont des textes qui restent dans notre mémoire, même des années plus tard. J'ai pensé à la cour des miracles et puis j'ai compris : « Les saisons » c'est incomparable.
C'est tendre, loufoque, décalé, hypnotisant. Maurice Pons a une écriture riche au vocabulaire soigné, aux tournures de phrases travaillées. La poésie est là même quand il décrit des moments plus ardus. C'est un sacré contraste d'utiliser un style qui magnifie chaque terme pour parler de la laideur (celle des autochtones, celle du paysage, celle des faits…..) J'ai été ébahi de la puissance de ce petit bouquin !
Rédiger ce texte a dû être aussi une prise de risque. Comment peut réagir un éditeur le découvrant la première fois ? Pense-t-il que l'originalité, la beauté du libellé, et tout ce qui fait l'unicité de cette rédaction, emporteront les lecteurs dans un univers qu'ils n'oublieront jamais, entre réel et imaginaire ?
C'est mon cas. Dire que j'aurais pu passer à côté de cette oeuvre magistrale et ne jamais la lire ! Je ne l'oublierai pas !

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Parcourant l'exposition « Les Saisons » de l'artiste Lionel Estève au Musée d'art contemporain (Belgique), j'ai entendu évoquer le roman du même titre de Maurice Pons.

Découverte pour moi de ce livre dit « culte ».
Un choc, un questionnement.
Des images qui surviennent brûlantes jusqu'à l'écoeurement.

Une impression de livre intemporel.
Miroir à chaque époque pour chaque génération.
La lecture à sa sortie en 1965 ne fut certainement pas la même qu'à notre époque.

Comment ne pas penser aux maux infligés par l'homme à son semblable?
Comment ne pas penser aux migrants?
Comment ne pas penser aux espoirs déçus d'une nouvelle vie imaginée et espérée autre que celle subie?
Comment croire en l'humanité?

Le livre est noir, violent, brutal, sans lumière.
Les saisons ne sont plus que deux.
Elles sont aussi noires, violentes, brutales que les êtres qui y vivent dans un présent qui les tue.
Pluies incessantes. Gel qui fige les hommes. Neige qui étouffe êtres et lieux.
Un homme y vit, toléré, détesté, coupable, soumis, sacrifié : il en faut bien un…
Il est un écrivain qui veut et ne peut écrire, obsédé par un départ qu'il ne peut dépasser, se heurtant à la laideur qu'il ne peut transcender.

À dénombrer tout ce qui se passe dans cet endroit hors monde, on y trouve des faits, des mots qui bousculent : analyser est presqu'impossible tant le livre fascinant serpente en nous de diverses manières et ne nous lâche qu'après le dernier mot et encore…


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L'eau coule de partout. Elle tombe du ciel, ruisselle, s'infiltre dans les murs et dans les os. Quand viennent les rigueurs de l'hiver, elle gèle, littéralement à pierre fendre, ou bien elle se mue aux flocons de neige dont la poésie n'apparente n'empêche pas le réel enfermement qu'elle induit. L'eau apparaît comme un poison quotidien - est-ce d'ailleurs le quotidien ? ou plus philosophiquement, la condition humaine ? - qui s'insinue insidieusement en chacun de nous, en chacun des personnages de cet étrange et puissant roman qu'est Les saisons. Paru en 1965, il détaille l'arrivée d'un homme seul dans un village de montagne, isolé naturellement et pauvre, dans lequel il n'y a que deux saisons. La première est la saison des pluies, la seconde est un hiver extrêmement rude et long. Ainsi celles et ceux qui vivent là ne sont jamais à l'abri. Leurs vies sont ternes, rythmées par la nature implacable et guère généreuse, n'offrant à ces braves que des lentilles comme nourriture mangeable et buvable. Toutes et tous se connaissent, détiennent un rôle social déterminé : ainsi les douaniers qui représentent une autorité molle avec les habitants mais dure avec l'étranger ; ainsi le Croll, sorte de rebouteux aussi utile que marginal, Mme Ham l'aubergiste ou encore Louana, une enfant terrible, messagère et colporteuse malicieuse. Quant à l'étranger, il se prénomme Siméon. de son passé, on devine qu'il fut terrible, qu'il perdit sa famille - dont sa soeur - dans des événements politiques qui font penser à l'univers concentrationnaire ou aux régimes fascistes. Siméon veut trouver la paix pour écrire un livre, un livre de paix qui parlera pourtant de guerre et de souffrances. Mais son installation au village sera marquée du sceau de la suspicion, et rien ne lui sera épargné. Brillant par son inventivité qui le fait ressembler à certains romans du réalisme magique sud-américain, Les saisons est pourtant un roman sombre où la noirceur de l'homme laisse à peine entrevoir l'espérance.

Les saisons se passe dans un environnement littéralement pourri. La météo est infecte, ne laissant pas même le soleil se refléter sur les pages que tourne le lecteur. La pluie succède à la neige, qui elle-même suit la glace. Les corps gèlent, les maisons disparaissent sous les couches de neige, la boue dévale les rues et, comme la glace, rendent les ascensions et les descentes pénibles au plus haut point. le narrateur évoque des saisons de quarante mois, pendant lesquels même les plaisirs de la table sont inconnus. L'environnement paraît désespérément fantastique et, tout au long du récit, Maurice Pons glisse des éléments qui font penser au réalisme magique des Gabriel Garcia Marquez ou Juan Rulfo. Ainsi l'âne du Croll qui dévore le pied pourri de Siméon, ou encore ces animaux que l'on garde au plus près de soi, telles des couvertures vivantes, pour supporter les rigueurs de l'hiver. Il y a encore cette main qui pourrit et ressemble à un immense cactus noir, et cette grenouille qui prolonge un coït public particulièrement humiliant et douloureux. Ce monde est fictionnel, et pourtant il existe : les maisons basses et ternes des villages montagnards, les regards lourds qui se posent sur l'étranger dès qu'il entre quelque part, la croix monumentale qui imprime la place des hommes dans le paysage, les rêves d'un monde meilleur, ailleurs, l'alcool que l'on boit par automatisme pour tromper l'ennui. Tout paraît vrai, et pourtant le récit a les apparences d'une fable triste qui vient montrer au lecteur le vrai visage de l'humanité.

D'une horreur à l'autre, Siméon balade son espoir. Il a connu les chaleurs du désert et les douleurs physiques, psychologiques et morales d'une guerre ou d'une détention, et peut-être des deux. Au village, il connaît l'isolement absolu - il loge au-dessus de la salle de l'auberge, sans véritable autorisation de Mme Ham, qui le tolère à peine - et le désaveu permanent. Les douaniers lui vouent une hostilité franche, les villageois le moquent et le briment. Son arrivée au village est placé sous le signe de la malchance : un crâne de mouton est jeté à ses pieds et, voulant s'en débarrasser par un coup de pied, Siméon se blesse méchamment au gros orteil. Suivront l'amputation dudit orteil, du pied, et même du pénis, sans compter la pourriture d'une main et l'aveuglement final : Siméon disparaît peu à peu physiquement, en même temps que son ambition littéraire et humaniste. Pons le dit dur au mal, et pourtant Siméon vit un véritable calvaire. Les deux cent cinquante pages du roman sont son chemin de croix. Mais Siméon n'a pas la carrure d'un messie. Tout juste souhaite-t-il écrire son livre où, relatant les horreurs passées, il espère s'en servir comme lumière pour les peuples pour un monde plus juste et plus apaisé. le livre ne verra jamais le jour. La méchanceté des hommes, d'abord, le prive d'assez de papier, dont la vue provoque une surprise dégoûtée chez les douaniers : la pureté blanche du papier, c'est sa richesse, l'indéfendable richesse, qui va de pair avec l'inutilité. Puis la pluie, la fonction de météorologue attribuée à Siméon par le conseil du village, le froid vont empêcher Siméon d'écrire
, sinon les rares mots de sa première phrase. Abandonnant le projet livresque et se muant, contre son gré, en Moïse emmenant le peuple élu à travers le Sinaï, Siméon adoptera finalement la figure christique, à ceci près que sa mort ne rachète rien, ne promet rien, et ne fait entrevoir aucune lumière.

Les saisons semble une farce grotesque, où l'on rit volontiers, y compris des scènes les plus terribles - du moins dans la première partie du roman. La vie de ce village est décrite avec férocité - Siméon n'est pas le seul marginal ; le Croll est aussi à l'écart, de même que Louana, cette enfant mongoloïde dont la curiosité et la vivacité permet à tout le village de s'informer des événements les plus marquants -, et il y a quelque chose d'obscène dans ces scènes nombreuses où l'on devine la bassesse des uns, la cruauté des autres. On rit jaune au défilé de ce veau mort-né, pourri et dévoré par les chenilles ; on prend en pitié ce rat fondu dans sa cage par la flamme du Croll ; on méprise ces gens rendus obséquieux par l'arrivée impromptue de deux jeunes et beaux cavaliers qui promettent le soleil, la richesse et la satiété. A ces mots, c'est l'espoir qui germe dans chacun des esprits et permettra, à la fin, l'exode pathétique vers un ailleurs hypothétique. L'espoir, c'est aussi ce qui anime Siméon, qui lui le porte en l'art. En cela, Siméon ressemble au Croll. Tous les deux sont des hommes de science, ou plus généralement de l'art. Pour cette raison, tous deux sont marginalisés, dénigrés et respectés à la fois - l'un pour ses savoirs médicaux, l'autre pour son art oratoire et sa culture supposée. Pourtant, si l'art médical trouve quelque grâce aux yeux des villageois, l'art de Siméon - la littérature, qui use des mots pour transcrire les émotions et la profondeur métaphysique des hommes - ne trouve quasi aucun écho chez eux. Ainsi le roman de Maurice Pons apparaît-il fondamentalement pessimiste. La nature des hommes les pousse à satisfaire leurs besoins essentiels, et les incline vers le confort - matériel, bien-sûr, mais aussi moral. Tout essentiel qu'elle soit, la littérature n'a que le rôle que les hommes veulent bien lui assigner. En d'autres termes, les hommes n'entendront que ce qu'ils veulent. Quant à celui qui voudra les éclairer, il pourrait bien devenir leur bouc-émissaire. Les hommes de l'art n'y peuvent rien. La condition humaine s'impose à eux.
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"Il arriva par le sentier de la cluse, vers le seizième mois de l'automne, qu'on appelait là-bas : la saison pourrie".

Situé dans un pays imaginaire où la pluie n'arrête jamais de tomber, une contrée dévastée peuplée de gens hideux qui trompent leur ennui dans l'alcool de lentilles et la déviance, Les saisons raconte l'histoire du pauvre Siméon, pèlerin égaré en terra dolorosa sur un chemin de croix infernal. Les saisons est un grand livre malade. Jamais rien lu d'aussi noir, d'aussi cruel, d'aussi drôle. C'est le genre de livre qui n'arrive qu'une fois dans la vie d'un écrivain et je parle ici en connaissance de cause : les autres romans de Maurice Pons me sont tous tombés des mains, à part Mademoiselle B. Depuis sa parution, Les saisons est devenu un objet de culte, un secret d'initiés qu'un type un peu louche vous conseillera d'une voix blanche, dans l'arrière-boutique d'une librairie au doux parfum de moisi.
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Un récit comme je les a-do-re! inclassable. Dans la trempe de la Conjuration des imbéciles, j'ai bien l'impression que ça passe ou ça casse. Et là, Maurice Pons, ça vole au dessus de tout!! Un régal. Enfin...on est dans le monde de la pourriture, l'humour est effectivement désespéré comme le dit la 4è, on a du grotesque, du loufoque à s'en plier en deux, de la surprise à s'en faire écarquiller les yeux, des pourritures à s'en remplir les narines et une histoire qui ne peut pas se terminer mieux. Rien n'est envisageable, on se laisse ballotter dans cette espèce de contemplation de bas fonds, toujours retenu par un genre d'espoir mal placé. On croit à une petite pointe d'humanité et bam, l'auteur nous relance dans la boue, les mots sont détournés, les discours perdent toutes leurs splendeurs.

Et puis une écriture inclassable, écoutez ça : "Siméon, à bout de forces, assis comme un noyé au terme de ses épreuves, lorsqu'il a touché du pied un instant le fond de la mort et qu'il retrouve soudain, sur le brancard de quelque brigade fluviale, parmi les casques d'or, les lances d'argent et les blousons de cuir des sapeurs, l'étrange soleil noir de la vie." P245
C'est vraiment un drôle de bouquin!!

Merci à Chrystèle et William, et Marie Laure, ben fonce dès ce soir dessus ;-)

Quand après ça j'ai demandé à ma libraire quoi lire du genre? elle m'a proposé les Ferrailleurs, d'Edward Carey. Si vous même vous en avez déniché un autre, je vous en prie, partagez votre coup de coeur ;-)
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Conte fantasmagorique, fable monstrueuse ?

Ce titre va rester gravé dans ma mémoire.

Le grotesque côtoie le merveilleux, le burlesque le vulgaire, l'imaginaire à la sombre "réalité"

Vos émotions passeront par de multiples états. de la joie, la peur, l'horreur, le dégoût, le désespoir et bien sûr l'espoir

Pensez-vous qu'un âne puisse vous grignoter les doigts de pieds infectés par la gangrène ?
Et bien, dans ce fin fond du monde, c'est la méthode médicale du rebouteux local.

Et quel est le passé de Siméon ce voyageur solitaire venu s'isoler pour écrire ?
Dont la seule fortune sont des pages de papier ?

Lecture troublante mais surtout marquante.
Dois-je préciser que je vous en conseille la lecture ?
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Difficile de résumer en quelques mots cette oeuvre.
Et trop de mots ne lui rendraient pas justice.
C'est une perle, elle est inclassable.
Sur un ton absurde, drôle et caustique, toute la bêtise humaine y est exposée dans une fable oscillant entre le drame et la comédie.
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