"Ne vous méprenez pas sur mes desseins qui sont périlleux. Ce que je dois écrire n'est pas beau en soi. Je puis bien vous l'avouer, ce sont des horreurs que je dois décrire, des horreurs et des souffrances surhumaines - comme par exemple la mort de ma soeur Enina - et c'est à travers cette horreur que je dois atteindre la beauté, une beauté qui purifiera le monde, qui en fera sortir tout le pus, mot à mot, goutte à goutte, comme d'une burette à huile. Après quoi le monde sera meilleur, et vous-mêmes vous serez meilleurs dans un monde plus heureux. Voilà quelle est ma science." p.87
Maurice Pons nous a quitté, je me décide à ouvrir ce chef d'oeuvre qui dormait dans ma PAL depuis un certain temps déjà. J'en entendais parler et sa présence me revenait en mémoire.
Mais voilà, je n'ouvre pas facilement un livre dit "culte".
Des sensations m'habitent alors : peur d'être déçue, de ne pas adhérer, de ne pas partager les critiques dithyrambiques laissées par une foule de lecteurs sur la blogosphère, peur du rendez-vous manqué...inversement, c'est grisant d'avoir un livre culte dans sa PAL, savoir qu'une lecture hors du commun très certainement nous attend; qu'il est bon d'en retarder sa lecture, de garder ce soupçon de chance que l'on a par rapport à ceux qui l'on déjà lu, de faire durer cette attente encore un peu ...
Pourquoi j'ai décidé qu'il était tant cette semaine d'avoir rendez-vous avec "
Les saisons" et de partager mon temps avec Simeon, je n'en sais rien, tout ce que je sais c'est que j'ai refermé cet opus hier en tout début de matinée et que j'en ai eu le souffle coupé !
"On vous a dit, je crois, que je suis écrivain et, à ce titre, j'ai droit à vos égards, car comme vous tous, je travaille à mains nues. Je façonne mes mots, avec des voyelles et des consonnes que j'accroche les unes aux autres, un peu à la façon du vannier. Mais avec mes petits paniers, mes corbeilles, j'essaye d'attraper la beauté." p.85
Oh Simeon, que je regrette pour toi que les paniers ne t'aient pas apporté la beauté, le réconfort. Aucune beauté (excepté Clara peut-être) présente dans cette vallée, aucun répit pour toi, toi, qui envisageais de coucher sur papier les horreurs dont tu as été témoin, de te lancer dans une écriture thérapeutique si nécessaire à tes yeux. Tu nourrissais tous les espoirs, en arrivant dans cette contrée, de pouvoir enfin trouver le répit, mais c'est dans un enfer que tu as posé les pieds, dépourvu d'humanité, où règnent en Maîtres la Pourriture, la violence, la déchéance et la bêtise.
J'ai partagé ton espoir, et puis les pages sont devenues plus lourdes, l'humour (âpre bien entendu) s'est détaché petit à petit, abandonnant la partie, t'abandonnant sur ce territoire hostile qui s'enfonce dans les ténèbres, plongeant le lecteur dans une atmosphère apocalyptique.
Ce livre m'a percutée, ébranlée, révulsée, déroutée, impressionnée, remuée, bousculée ...
Une lecture fascinante, effrayante et douloureuse à la fois, voilà ce qui vous attend. N'hésitez pas une seconde !!
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