Née à Épinal dans les Vosges comme le lauréat du dernier prix Goncourt, la sociologue
Maria Pourchet entreprend à l'instar de
Nicolas Mathieu de radiographier la société française dans son nouveau roman, «
Les impatients ». Tandis que ce dernier s'intéresse à la France périphérique, aux perdants de la mondialisation,
Maria Pourchet s'attache à décrire avec un mélange doux amer d'ironie et de tendresse les élites françaises aussi tournées vers l'international que parisiennes, en deux mots les gagnants de la mondialisation. «
Les impatients » n'a pas l'ambition zolienne de «
Leurs enfants après eux », le roman est tout à la fois plus léger, plus court, plus ironique et forcément moins marquant que la fresque glaçante de réalisme qui a obtenu le prix Goncourt.
L'héroïne, la bien-nommée Reine, issue d'un milieu favorisé et sur-diplômée, a 32 ans ; mariée à Pierre, un avocat fiscaliste qui a provisionné les potentiels accidents de la vie pour les dix années à venir, elle a déjà occupé de nombreux postes à responsabilité, aux quatre coins d'un monde devenu ridiculement petit pour les élites cosmopolites qui le parcourent au pas de charge. Reine vient de prendre un nouveau job à fort potentiel afin de poursuivre son ascension fulgurante dans un grand groupe français spécialisé dans le luxe mais l'expérience tourne court, elle tourne le dos au salariat pour voler de ses propres ailes et créer son entreprise, écologique, urbaine, parisienne, forcément. Au cours de son virage entrepreneurial, Reine rencontre Marin, un spécialiste des algues beau comme un dieu grec et découvre sur le tard les affres de la passion amoureuse.
L'autre protagoniste du roman, Étienne, ami d'adolescence de l'héroïne, a réussi à échapper au déterminisme social cher à
Nicolas Mathieu, issu du monde ouvrier, il a quitté son corps d'adolescent obèse pour celui d'un adulte mince et habillé avec goût, sa culture encyclopédique bien que superficielle ainsi qu'un solide culot lui ont permis d'intégrer l'ENA et il s'impatiente à présent sous les ordres d'un PDG qu'il juge incompétent.
«
Les impatients » se lit vite, très vite, l'écriture vive de
Maria Pourchet nous emporte dans le tourbillon, certes relatif, de la vie de Reine, le début est très réussi, avec pour point d'orgue la satire au vitriol du monde des grandes multinationales établies dans d'immenses tours à La Défense, et de ses nouvelles managers au féminin en particulier. Pourtant, après un début prometteur, le livre ne cesse de décevoir, malgré le charme de l'écriture qui tient à son phrasé dynamique, à cette manière de prendre le lecteur à témoin, de lui faire des clins d'oeil, et à la tendresse parfois sarcastique que porte la romancière à ses personnages.
Le roman déçoit pour plusieurs raisons, la première est le caractère convenu de l'intrigue qui tente de se nouer, l'aventure entrepreneuriale s'avère tout aussi banale et archétypale que le salariat que vient de fuir Reine avec un certain panache, on nage dans boboland, ce mélange improbable d'appât du gain, d'écologie, de snobisme parisien et de narcissisme digitalisé. L'histoire d'amour qui se noue avec Marin est encore plus décevante, et finit par ressembler à un mauvais roman à l'eau de rose.
On referme le roman avec une forme d'amertume, cette impression de n'avoir au fond rien appris sur ces fameuses élites cosmopolites de la France d'en haut, aussi touchante qu'elle soit l'explication psychanalytique de la vie « trépidante » de Reine fondée sur le décès prématuré de sa jeune soeur, qui l'aurait conduite à vouloir vivre pour deux, est un peu courte. Aussi dissemblables que deux romans puissent l'être «
Les impatients» et «
Leurs enfants après eux» ont pourtant un point commun : la misère culturelle et l'absence d'intériorité de protagonistes qui finissent par lasser.