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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je referme ce livre un peu sonnée. Comme si j'avais reçu un uppercut. Si ce récit est autobiographique, j'aimerais bien que Maria Pourchet me contacte : nous avons vraisemblablement la même mère.
Difficile de s'épanouir quand on est une femme, née d'une autre femme qui ne voulait pas faire partie de cette condition. Une mère pleine de menaces : « T'as pas intérêt » et la suite fait partie des plaisirs, « T'aurais pu faire mieux », et autres « Tu me diras merci » ; qui regrette amèrement de ne pas avoir eu un fils pour briser le lien de la déception.
Certains passages m'ont coupé le souffle : trop proches de mon vécu ; je me suis sentie étouffer. Maria Pourchet a su mettre les mots sur certaines des douleurs que je traîne. Je la plains : « la honte d'être soi, par ma mère », je ne sais que trop ce que cela fait.
L'écriture haletante met le lecteur en apnée. Odeurs médicamenteuses, suintements des sabots : l'environnement d'Adèle, « nouvelle »né est palpable. Sa mère lui décrit son enfance de fille de lignée de femmes revêches en guise de discours de bienvenue.

Dieu merci : j'ai eu un fils.
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Elle vient d'accoucher, elle a mal, sa vie a pris soudain un virage en épingle à cheveux, elle n'a plus aucun repère. Tout est bouleversé par ce bébé qui hurle jour et nuit. La fatigue la terrasse, la douleur la ronge, elle a besoin de paroles douces, réconfortantes, d'entendre qu'elle y arrivera elle aussi, qu'il n'y a pas de raison. Infirmières et aides-soignantes entrent et sortent de sa chambre. Elle n'allaite pas ? Elle est sûre ? Elle ne veut pas essayer ? C'est pourtant tellement bon pour l'enfant ! Pourquoi n'a-t-elle pas de visites ? Elle a des amis, de la famille ? Est-ce qu'elle pense pouvoir tenir le coup ?
La narratrice n'a plus que l'écriture pour dire ce sentiment profond de solitude, d'abandon, cette absence de compassion, d'empathie entre femmes, entre celles qui auraient dû se serrer les coudes, s'entraider, se rassurer. Mais non, rien de tout cela. Au contraire.
Elle écrit pour prévenir sa fille, Adèle, pour la protéger de ce que la vie lui réserve. Pour la mettre en garde contre « la haine que les femmes vouent à leur genre. » Peut-être Adèle sera-t-elle ainsi mieux armée pour affronter le monde...
Il faut qu'elle sache, pense-t-elle, ce que les femmes sont capables de faire aux femmes : « Elles sont méchantes avec toutes les excuses de la Terre. Tu les entendras répéter les mêmes sentences, s'adressant à la défaite les unes après les autres, sans merci, sans relâche. »
Ici, ce sont les femmes de l'hôpital - même si la narratrice trouve tout de même quelque réconfort auprès de certaines - mais les plus dangereuses, ce sont celles de la famille, les mères, les grands-mères, les tantes.
« Regarde où tu mets les pieds, Ne réclame pas, Ne te fais pas remarquer, Tu la vois celle-là ?, Tu l'as pas volée, Ça t'apprendra… Qu'est-ce que tu crois ? » Ces phrases que sa mémoire n'a pas oubliées ont accompagné l'enfance de la narratrice. « Je suis depuis trop longtemps déjà la somme de leurs phrases» regrette amèrement celle qui se souvient encore des vêtements démodés, des moqueries de ses camarades, des garçons qu'il ne fallait pas fréquenter, des ami(e)s manqué(e)s, de l'adolescence gâchée.
Et depuis qu'Adèle est née, la jeune mère sait une chose : sa fille n'entendra pas ces mots, elle ne sera pas l'héritière de cette tradition violente et destructrice qui se transmet de génération en génération dans sa famille.
Ce texte, qu'écrit la narratrice, cette longue lettre qu'elle adresse à sa fille, est le rempart qui la protégera. Non, Adèle n'aura pas cette enfance ravagée par une mère froide, d'une exigence, certes louable sur certains aspects, mais dont on ne retient que la quasi-inhumanité.
Non, elle ne fera pas partie des pauvres femmes qui « sont penchées sur les éviers, la terre, les bites, les bassines, les mômes, les poules. »
« Une femme penchée sur un cahier, c'est un homme. C'est un homme et personne ne l'emmerde. Ainsi, depuis trop longtemps pour pouvoir désormais en guérir, je conçois ma vie dans une ahurissante limite qui, presque, m'interdit d'habiter ma propre chair. Mais toi, Adèle, mon enfant de la fin de l'hiver, tu sauras : une femme penchée sur son art, c'est naturel. » Elle ne sera pas soumise aux hommes, elle ne paiera pas pour les autres, elle ne vivra pas avec un sentiment de culpabilité permanent et un sens aigu du dévouement.
Comment ne pas transmettre ce que l'on a reçu ? Comment empêcher un héritage que l'on juge malsain, nuisible ? Comment ne pas reproduire, perpétuer ce que l'on hait? A-t-on cette liberté, ce choix ?
Ce texte puissant, incisif, tendu est un véritable cri du coeur : les mots sont crus, directs, violents. Ils dénoncent ce qu'au nom de la tradition, plus ou moins consciemment, les femmes subissent et font subir à leur tour à leurs filles - pensant même agir pour leur bien - dans un cercle horriblement vicieux. Or, la narratrice veut couper court à cela. Elle détruira, par les mots, cette chaîne infernale et fera don à sa fille d'un immense cadeau : la liberté.
Je viens de découvrir un grand auteur dont le propos très engagé, sans demi-mesure, servi par une écriture vive et nerveuse m'a profondément touchée.
Un indispensable !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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L'histoire s'inscrit en l'être à la mesure des temps. C'est un cercle, une roue. Vicieux plus que vertueux. le temps fait la roue, l'axe c'est la route. Les femmes, longtemps, n'avaient que leurs yeux, et une seule route. « L'époque, Adèle, c'est l'autre mot pour dire soumission »
...Les mots.. parole devenue mantra létal proverbial… Comment alors donner langage, le faire renaître ?
«  Je ne doute pas une seconde que tout, absolument toutes les phrases en italique prononcées par ma mère, lui était adressées par la sienne à qui la sienne parlait ainsi. Elle non plus n'a rien inventé. Je ne dis pas qu'elle se venge. je ne dis pas qu'elle y croit. Je dis qu'elle répète dans l'impossible conscience de la destruction qu'elle engendre, la répétition. Il n'est pas question d'amour mais de machines. ».
Elle écrit. Une longue lettre à Adèle. Sa fille. Qui vient de naître. Elle sait ce qu'il ne faudra pas reproduire. Donner naissance ce n'est pas se reproduire c'est créer, créer une possibilité.
La possibilité, c'est Adèle, maintenant dans son berceau.
Il faudra qu'Adèle entende toutes ces phrases vipérines et surtout qu'elle les oublie.
Adèle sera l'une de toutes les femmes sauf l'une,…ainsi sauvant l'une peut-on espérer qu'elles seront toutes sauver.
«  Si moi je ne dis par le « e » qui féminise les mots, elle, tu verras si tu la croises, ne dit jamais le « je » qui les assume ».
Lettre à Adèle, mais aussi et surtout lettre aux femmes, aux mères.
Pour briser le cercle vicieux des malédictions que les mères fond rouler, machinalement, avec le poids amer des mots, sur le corps et l'esprit de celles qu'elles engendrent.
Un récit juste et percutant. Maria Pourchet réactive, avec talent la voix du sens.
Astrid Shriqui Garain
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La narratrice parle à sa fille qui vient de naître et qui brisera le cycle des femmes de la famille.
L'histoire de cette femme m'a rappelé ma propre histoire et les injonctions de ma propre mère (qui sont des titres de chapitres) : Je ne suis pas ta copine, tu me diras merci, débrouille-toi, tu ne seras pas la dernière...
J'ai aimé que ce roman raconte que l'on peut se sortir de la souffrance de sa génitrice et ne pas reproduire sur son propre enfant le cycle de la douleur.
Une lecture qui m'a parlé et dont j'ai noté pleins de passages.
Quelques citations :
En attendant la maison j'en profite, c'est quelqu'un sur qui compter. (p.30)
Silence, pense au Sahel, aux Yougoslaves et surtout à elle. Elle, son enfance de merde à elle, le monopole de la souffrance qui la dispense de m'épargner. (p.47)
Je me materne très bien toute seule. Parce que la mère, c'est moi. (p.132)
L'image que je retiendrai :
Celle des dames roses (les aide-soignantes) qui sont seules à apporter de l'aide à cette nouvelle maman.
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J'ai déniché ce titre dans une boîte à livres. Et je voulais remercier tous ces gens qui laissent tous ces livres dans des boîtes à livres. Je fais quand même bien souvent de belles découvertes. Je n'avais jamais lu Maria Pourchet, mais son nom m'était familier, et je craque souvent pour ces romans qui parlent de femmes et de maternité. Ce petit poche rose me tendait donc naturellement les bras… On retrouve donc Marie, dans une maternité, elle vient d'accoucher. Elle est seule et adresse ces mots à sa fille Adèle, allongée dans son berceau transparent (que l'on peut avoir peur de renverser). le papa n'est pas là mais la mère de Marie non plus. Elle a bien trop à faire, et puis la route, la météo… Des blouses, roses ou vertes, et blanches, rentrent dans sa chambre et s'adressent à elle avec plus ou moins d'empathie. Marie s'accroche au lien fragile qui l'accroche désormais à Adèle et lui raconte les femmes de sa famille, sa conception, les colères et les envies de liberté. La voix de la mère, dont Marie ne sait se défaire commente beaucoup de ses gestes, même hors de sa présence. Au téléphone, après l'accouchement difficile, quand elle a su que Marie avait demandé la péridurale, elle lui a dit : « J'en étais sûre. Tu as raté ça. »… Dans ce livre, Maria Pourchet explore le lien à la mère et ceci m'a particulièrement touché. La sienne n'est pas piqué des vers (comme on dit) et n'a de cesse de laisser des phrases s'échapper de sa bouche, des phrases assassines, l'air de rien, mais qui agissent comme des serpents. Marie espère être une mère différente, une mère que les mots et la lecture ont peut-être sauvée. C'est un roman cru, qui n'oublie pas la crasse des relations et n'enjolive rien. J'ai beaucoup aimé.
Lien : https://leslecturesdantigone..
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Sa fille, tout juste née, ne s'appellera pas Marie comme toutes les femmes de sa famille avant elle, mais Adèle. Avec énergie, avec colère, avec passion, la narratrice raconte à sa fille, son enfance tiraillée entre une mère qui aurait voulu tour à tour l"emmener sous l'eau avec elle, tour à tour sauver", qui souhaitait simultanément que sa fille s'élève socialement et ne le supportait pas car, elle-même , qui aurait pu devenir institutrice, avait été retirée de l'école trop tôt.
Elle dit la soumission, la langue "domestique", le"vocabulaire émacié de votre langue", qui justifie la vie bridée, finie avant d'avoir même commencé ; cette langue qui s'inscrit en italiques dans le texte et au fer rouge dans la mémoire, devient un vivier où puiser des formules toutes faites pour justifier les vie brisées et l'amour qui ne peut circuler.
La narratrice évoque aussi la violence larvée de la maternité où le personnel n'est pas toujours tendre avec la primipare qui refuse de se plier aux règles implicites, d'où des mesures de rétorsion larvées.
Alors, oui ,on est bien loin des relations apaisées entre mères et filles, mais ça fait un bien fou de lire ce texte rageur et libre qui fait fi de toutes les convenances. Un grand coup de coeur.
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Dans la famille, toutes les femmes s'appellent Marie, toutes sauf une, Adèle, le bébé qui vient de naître et qui recueille les aveux de sa mère...

Parler, écrire, c'est résister, avancer, malgré et contre tout, ne pas ressembler à son milieu, ne pas se soumettre. Marie, une débrouillarde délaissée par sa mère avare de gestes d'amour, grandit trop vite. Pas la peine d'attendre des conseils parentaux, il n'y en aura pas, sinon, que de la violence. Non désirée, dénigrée en permanence, elle finit par s'inventer une autre vie, avec plein d'amis, des rêves. Et un jour, elle devient mère...

Comment ne pas reproduire le schéma familial, celui des femmes froides, pas tendres, comment lutter lorsque les souvenirs douloureux vous envahissent ?
Marie lance un cri, une longue plainte contre sa jeunesse perdue et on comprend que sa fille ne sera pas élevée de la même façon.

Un texte très fort, sur le sens de la maternité. C'est tout un travail intérieur d'une jeune femme en souffrance, non entourée (même pas par la plupart du personnel de l'hôpital où elle accouche) qui se bat pour changer l'ordre des choses. Et qui réalise qu'un renouveau est possible, grâce à la liberté qu'elle a en elle, issue de la colère.

Merci à l'éditeur et à NetGalley pour cette lecture bouleversante.
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À la maternité une mère parle à sa fille qui vient de naître, entre le choc de l'accouchement et l'histoire entremêlée des femmes de sa famille. Une question se pose à la narratrice : comment rompre cette transmission ulcérée... On a dévoré le nouveau livre de Maria Pourchet ! Un roman majestueux sur la filiation, aussi violent qu'émouvant ! On retrouve l'écriture poétique, alerte et décapante de cette auteur dont les trois premiers livres nous avait déjà saisis ; urgence de dire et de lire Toutes les femmes sauf une !
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Dans une maternité, une femme, dont on soupçonnera peu à peu qu'il s'agit de l'autrice elle-même, vient de mettre au monde sa première enfant, une petite fille : Adèle. Elle stoppe, avec ce prénom, une tradition familiale qui veut que chaque première fille se prénomme Marie.
Un geste fort et symbolique, qui s'accompagne de souvenirs douloureux sur la place des femmes dans la famille de la jeune mère, et de la maltraitance psychologique qu'elle a vécu et vit encore de la part de sa mère à elle, parce qu'elle est de genre féminin. L'autrice dissèque la misogynie intra familiale et cherche à comprendre pourquoi sa mère n'est pas capable de lui témoigner de l'amour, ou au moins de l'affection, tout comme sa mère avant elle, et la mère de sa mère avant elle…Elle promet une chose à Adèle : avec sa naissance, cette répétition intergénérationnelle va s'arrêter. Avec elle, ce sera différent.

Ce court texte est fort et poignant, d'autant qu'on décèle une part de vécu derrière les mots de Maria Pourchet. Il est pourtant aussi porteur d'espoir sur la faculté de changement, de rupture avec une vision traditionnelle et destructrice de la supposée infériorité des filles puis femmes. Entre les lignes, on devine aussi bien sûr la jalousie maternelle, de voir sa fille réaliser ce qu'elle aurait rêvé d'être, mais aussi la dépression post-partum d'une jeune femme perdue dans ce nouveau rôle de mère, si difficile à endosser quand on n'a pas d'exemple bienveillant autour de soi. Peut-être un appel à la sororité…
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Une femme met au monde une petite fille, Angèle et c'est l'occasion pour elle de briser la malédiction familiale : celle des mères qui brisent leur progéniture femelle, comme une mécanique bien huilée sans violence physique, tout en dénigrement et en menace.Et se déroule l'histoire de Maria, petit puce mal fagotée, ballotée entre les mouvements d'humeur contradictoires de sa mère, toujours en décalage, et qui lutte pour s'évader.
Une lignée de femmes qui sont devenues des "machines" à reproduire, à s'oublier, à ne pas exister et qui se vengent sur la génération suivante. La jeune accouchée ne veut pas de cette "vie" là, encore moins pour celle qui n'a pas forcément demandé à venir au monde, mais qui est là et qu'elle veut comme une ardoise vierge, sans passif avec beaucoup d'actifs comme cette passion des livres qu'à sa maman, qui la guide et lui a permis de se construire contre vents et marées.
Entre la violence de l'accouchement (dans un univers de femmes, qui ne se rendent parfois plus compte de cette agressivité, car elles sont elle-même victimes de celle-ci) et la violence de son enfance, l'auteur établi des parallèles qui pourront résonner chez beaucoup d'entre nous : les injonctions aux futures mères et aux nouvelles mères, celles qui savent tout sur tout. On ne dira jamais assez la difficulté de porter, de mettre au monde et d'élever un être différent de soi, bien qu'issu de notre corps. On ne dira jamais assez l'importance d'accompagner les femmes sur ce chemin si étrange de la maternité, un accompagnement bienveillant pour devenir une mère bienveillante ou pouvoir passer le relais à un ou une autre personne quand ce n'est pas possible.
Je crois que j'ai déjà eu l'occasion de citer William Ross Wallace et son poème "The hand that rocks the craddle, is the hand that rules the world", c'est d'autant plus vrai ici que cette main peut changer le monde aussi. Finalement, ce livre raconte deux naissances : celle d'Angèle, mais aussi celle de Maria dont on peut espérer qu'elle a réussi à faire la paix avec elle-même.
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