Pierre Rabasse héritier du domaine agricole Chantelouve, sur les contreforts du Ventoux, a fait fortune en cultivant une variété d'abricotiers qui produisent des fruits idéaux pour la confiserie (Apt, la capitale du fruit confit n'est distante que d'une cinquantaine de kilomètres )
A quelques lieux de chez lui, vivent, en reclus, Angelin et sa soeur Carmelle Beaumont. Lui, c'est un nabot, un demeuré, elle, une belle et farouche jeune-fille d'environ vingt-cinq ans.
Jacques, un mystérieux vagabond vient s'installer près de chez eux. Carmelle s'éprend de ce bel et ténébreux inconnu qui lui propose de s'engager comme servante chez Pierre Rabasse, il l'incite à devenir sa maîtresse et à récupérer ainsi la fortune de ce riche célibataire, peu appétant .
Avec beaucoup de réticence, Carmelle y consent, un sacrifice pour plaire à Jacques qu'elle considère comme son fiancé . Quand elle vient le rejoindre pour lui annoncer que le vieux a rédigé un testament en sa faveur, puisque qu'elle consent, le soir même, à partager la couche du maître , celui-ci lui apprend, sans ménagement, qu'il va s'unir à une riche héritière à qui il a fait un enfant. Dès lors, Carmelle ne songe qu'à se venger, de lui, de tous les hommes.
Rabasse qui boit beaucoup, au coeur fragile, meurt bien opportunément …
Carmelle hérite, libre, riche, elle nourrira toutes les concupiscences mâles, les hommes s’entre déchireront par jalousie…
Un témoignage fort sur le monde rural, rugueux, chauvin à la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur la condition féminine, des belles envolées lyriques sur cette région. Un village jamais nommé mais on reconnait, Malaucène d'où partent de nombreux cyclistes pour l'ascension du Géant de Provence, le Ventoux .
J'ai découvert ce livre en lisant une biographie (encore
une !) d'Albert Camus. J'ai découvert qu'il aurait rejoint Maria (peut être accompagnée de René Char) dans cette partie Nord du Vaucluse alors qu'elle tournait un film, sous la direction d'Henri Calef, dont le scenario est très précisément adapté de ce roman. Elle y incarne, bien sûr Carmelle. (Je n'ai pas eu confirmation en relisant leurs lettres datées de cette époque)
Camus écrit dans ses carnets (Carnet II 1948-1951) « Nuit sur le sommet du Vaucluse. La voie lactée descend jusque dans les nids de lumières de la vallée. Tout se confond. Il y a des villages dans le ciel et des constellations dans la montagne ». C'est aussi ce que décrit si bien Proal dans certains passages de cet ouvrage.
Un auteur oublié aujourd'hui, c'est bien dommage, une écriture poétique, sensible, pour raconter la Provence. Un style original mais avec des accents communs à d'autres romanciers comme Giono, Pagnol, Bosco…
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La-haut, la crête du Petit-Ventoux commence à se détacher sur le ciel où frémit un reflet ver. Le sentier a brusquement abandonné le bois. Il n'y a plus que l'odeur froide des pierres. C'est l'aube. Tout d'un coup, dans le ciel d'Est où se découpe en triangle la dernière échine du Ventoux il n'y a plus eu d'étoiles. Il n'y a plus de sentier : des lavandes, des genévriers bas, quelques touffes de fayards rabougris dans la pierraille, une herbe courte que le vent de l'aube fait trembler.
« Hier encore, le Ventoux était roux et noir, avec l’âpreté de ses crêtes, l’austérité dépouillée de ses plans. Aujourd’hui, la terre est blonde et sent la sève. Le ciel verdit lentement comme un lac tranquille. c’est beau, c’est calme à vous tordre le cœur. »
A 18 ans, elle se sentait parfois, au milieu de la terre, comme un noeud serré de muscles et de nerfs.
« C’est un soir de miel blond, où le ciel ne pèse pas sur la montagne, où la fine lumière caresse les crêtes et les arbres sans appuyer. »