Mauvaise nouvelle : Yvonne, la libraire de quartier est morte. Et voilà Abdel, Saïd, Zita ou encore Zerouane tout retournés. Car c'était une brave femme Yvonne, le coeur sur la main.
Et avec sa disparition, c'est maintenant l'histoire d'un quartier de Roubaix qui risque de s'éteindre. La petite librairie, déjà fort malade, est poussée vers le cimetière des petits commerces par la grosse artillerie de guerre commerciale de la vente à grande échelle bien impersonnelle. À moins que nos bonnes âmes ne se retroussent les manches pour la résurrection de la boutique. Et Abdel Duponchelle, l'orphelin, l'Arabe blond devenu prof de lettres et amoureux des livres grâce à Yvonne, va relever le défi, aidé par les fidèles de la défunte libraire.
Mais faire le tri dans les archives fera ressurgir le passé, les douloureux souvenirs des années 60. Ce passé que certains souhaitaient oublier, ce passé que d'autres s'étaient imaginé sous le plus bel angle, ce passé qui met à jour un présent bâti sur des non-dits, mensonges ou contre-vérités.
Ce roman n'est pas sans rappeler
Avec des mains cruelles du même auteur qui utilise les mêmes codes : un décès, des archives, un triangle amoureux, une enquête sur un passé flou et
L Histoire en trame de fond (ici la guerre d'Algérie) qui sert à rabibocher les ennemis d'autrefois et réveiller la belle humanité qui sommeille en chacun. Mais quand dans le premier, la confusion et l'irréalisme de certaines situations régnaient en maître, le style est ici largement simplifié. Ouf. Car j'ai craint un temps de retrouver ce fouillis historique qui m'avait fort déplu. Alors, certes il y a toujours de quoi se perdre dans les méandres de ce combat pour l'indépendance de l'Algérie. Entre MNA, FLN, OAS, messalistes ou harkis, nous sommes parfois noyés dans ce torrent de combattants. D'autant que
Michel Quint ne s'embarrasse pas à expliquer les tenants et aboutissants de ce conflit, là n'étant pas son objectif. Finalement quelque soit le camp choisi et les convictions d'antan, comme dans toute guerre, tous les coups bas étaient permis, et on retiendra simplement que personne n'est sorti indemne.
Sa plume s'attarde sur les séquelles et les stigmates d'après-guerre, toujours présents quelques cinquante ans plus tard. En laissant la place aux émotions, aux larmes, aux regrets, à la colère encore parfois. Mais la sensibilité et la générosité d'Abdel, tout à son amour des livres, de son prochain, dominent le récit. de solides liens se nouent alors, guérissant les blessures du passé.
Toujours dans l'économie de mots, mais au style incisif, l'auteur parvient en peu de pages à faire de ses protagonistes une famille, unie, soudée. Avec Roubaix et sa misère sociale en toile de fond, l'heure est à l'entraide et la réconciliation.
Apaise le temps renoue avec la tolérance, l'amitié. Place enfin à la noble richesse de cette France multiculturelle.
Babelio et Phébus, soyez remerciés de ce généreux envoi. Michel, sois béni pour ce puissant récit porteur d'espoir sur la bienveillance humaine.