Cet épais volume, on ne peut pas le qualifier de « roman graphique », car il ne s'agit pas d'une histoire continue et suivie.
Michel Rabagliati expose des tranches de vie de Paul Rifiorati, son double de papier qui, comme lui, est dessinateur, il publie aux éditions de la Pastèque des albums dont le héros se nomme Paul.
Je ne sais pas trop pourquoi l'auteur a choisi ce titre, car Paul ne reste pas souvent à la maison ! On le voit en consultation chez divers médecins en raison d'un gros problème d'apnées du sommeil, ou parce qu'il doit se faire poser un implant dentaire, en visite chez sa mère, ou rencontrant des étudiants lors d'une conférence sur son métier, un vrai cauchemar dont il pense ne pas sortir vivant ! Ce qui m'a rappelé une jeune auteure que j'avais reçue dans ma classe quand j'étais prof et qui nous racontait son horrible expérience d'une école où, comme Paul, les enseignants l'avaient abandonnée seule dans la salle des fêtes remplie, alors qu'eux allaient boire un café !
La bande dessinée est en noir et blanc et les personnages assez schématiques.
Paul est divorcé et vit seul avec Biscuit, la chienne. Il rêve de voir plus souvent Rose, sa fille de dix-neuf ans, qui a, hélas, décidé de partir vivre à Londres.
Au fil des pages, le lecteur va faire connaissance avec la mère de Paul, dont il raconte l'évolution, « sixième d'une famille de treize enfants » (!!!), qui subit avanies et quolibets à l'école, avant de devenir jolie et sûre d'elle par le miracle des lentilles de contact. Certains moments sont comiques, mais il y a également des passages dramatiques concernant la maladie, la vieillesse, la mort.
Paul a quelques démêlés avec son envahissant voisin, Tonio, qui, bien qu'Italien, ne lui parle qu'en anglais, a une vie réglée comme du papier à musique et un jardin semblable un parc. Aucun des « cadeaux » de Tonio n'est désintéressé. En échange d'une bouture, Paul doit élaguer un arbre qui fait de l'ombre aux tomates, reculer une haie que Tonio juge trop touffue, ou d'autres choses encore. Autant chez Tonio tout est pimpant et florissant, autant chez Paul tout périclite : jamais l'eau de la piscine ne deviendra claire et le vieux pommier ne sera bientôt plus qu'un tas de bois à brûler.
Paul peste contre les téléphones, smartphones et autre iPads qui empêchent les gens de communiquer. Tout le monde parle, mais pas à lui.
Le livre s'ouvre sur deux pages bizarres où douze vignettes présentent le même oiseau immobile, que Paul compare à un « croisement entre un pingouin et une mouette » et se ferme par treize pages blanches, ne comportant qu'un seul dessin et qui apportent une touche finale de poésie et d'espoir.
C'est un album aigre-doux que j'ai eu envie de lire après le passage de l'auteur à « La librairie francophone ». J'y ai retrouvé pas mal de situations vécues et bien observées et il m'a plu.