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En 1689, les pensionnaires de la maison de Saint-Cyr fondée par Mme de Maintenon jouèrent la pièce Esther devant la cour de Louis XIV. Après l'échec de Phèdre en 1677, Racine s'était retiré pendant un certain temps de la vie littéraire de son époque. Mme de Maintenon ambitionnait de faire de son institution un lieu qui n'eût rien à envier aux meilleurs collèges de garçons ; à cet effet, elle avait mis au point un programme pédagogique tout à fait différent de ceux en vigueur dans les institutions religieuses, puisqu'ils étaient très rudimentaires, et se concentraient essentiellement sur les devoirs moraux et pieux. À cette époque, le théâtre était considéré comme un art et faisait partie des cursus d'apprentissage dans les collèges de l'Université, notamment ceux des jésuites. La supérieure de Saint-Cyr, Mme de Brinon, avait déjà rédigé des pièces de théâtre sur des sujets pieux afin de faire de ses élèves des femmes éclairées. Toutefois, Mme de Maintenon jugea ces pièces si mauvaises qu'elle décida de faire appel à Racine. D'après les Souvenirs de la comtesse Marguerite de Caylus, Racine aurait hésité puis demandé conseil à Boileau, lequel lui aurait d'abord suggéré de refuser, avant de se laisser séduire par le sujet d'Esther. C'est un défi de taille pour le tragédien qui doit rédiger une pièce destinée à « divertir les Demoiselles de Saint-Cyr en les instruisant », dans laquelle figurent des intermèdes musicaux. La dénomination de l'oeuvre a d'ailleurs posé problème à certains universitaires qui hésitaient sur les caractéristiques exacte de cette pièce initialement désignée comme « un Ouvrage de Poésie […] tiré de l'Écriture Sainte et propre à être récité et à être chanté ». Mme de Sévigné hésite elle-même sur l'appellation à adopter lorsqu'elle en parle à sa fille dans l'une de ses correspondances : « On a déjà représenté à Saint-Cyr la comédie ou la tragédie d'Esther », écrivit-elle dans son épître.

Voici une pièce tout à fait somptueuse dans laquelle nous retrouvons l'épineux dilemme racinien auquel sont confrontés les héros nés de la plume du dramaturge : élevée par son oncle Mardochée, Esther est une jeune femme qui est récemment devenue l'épouse du roi Assuérus, puisque ce dernier a répudié Vashti. Toutefois, Assuérus ignore qu'Esther est juive. En dépit de ses prérogatives, Esther hésite à secourir son peuple ; son époux leur voue une inimitié redoutable que son vizir Aman prend plaisir à galvaniser. La reine vit donc comme une recluse entourée de jeunes israélites dont elle préserve le secret autour de leur origine. Mais le temps presse : au début de la pièce, quelqu'un annonce à Esther que le roi, circonvenu par Aman l'Amalécite (peuple ennemi des Hébreux), a promulgué un édit ordonnant de procéder à l'extermination de tous les Juifs vivant en Perses dans dix jours. C'est un choix douloureux que doit faire la jeune reine, car, quelle que soit sa décision, elle devra en souffrir : si elle révèle à Assuérus son origine, elle périra de la main du roi. Mais si elle garde le silence, elle ne vivra que dans les remords et les regrets. Esther est à mes yeux la tragédie qui illustre le mieux les canons de ce genre littéraire : nous découvrons un illustre personnage (Esther), qui doit choisir entre ses devoirs de reine, et les liens du sang. Et en dépit des règles de bienséance qui préconisaient jadis de bannir la violence et les sujets sensibles, il faut reconnaître que cette pièce est fait sans doute partie des plus sombres écrites par Racine : les souffrances qu'endure le peuple d'Esther, la menace imminente qui pèse sur lui... le climat de la pièce est propice à l'angoisse. le personnage du vizir Aman m'a frappé avec ses tirades dans lesquelles il déverse tout son fiel envers les Hébreux, et déchaîne toute sa hargne. Et que dire de la présence du choeur, témoin impuissant de la fuite du Temps et de l'approche de l'échéance décisive ! Et la déréliction qu'éprouve l'héroïne qui n'a aucun allié. Il est d'ailleurs très intéressant d'observer que l'intrigue est menée cette fois-ci par un personnage féminin. « C'était déjà le cas dans Phèdre », me diront peut-être quelques uns. Pas tout à fait ; Phèdre subit la fatalité et précipite le cours des événements, tandis qu'Esther se dresse contre le destin, et brise la loi de l'inéluctable par sa volonté de tenter le tout pour le tout.

J'avais lu cette pièce à l'âge de quinze ans, lorsque j'étais en troisième, pour mon plaisir personnel, et elle m'avait procuré un vif émoi qui aujourd'hui encore, n'a pas perdu de son intensité lorsque je relis cet ouvrage.
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À la fin de sa vie, Racine avait renoncé à écrire des "spectacles frivoles" et s'était rapproché des jansénistes. Cependant, à la demande de Mme de Maintenon, maîtresse que Louis XIV a épousée en secret, il reprit la plume pour écrire une tragédie destinée à être jouée par les jeunes élèves de Saint-Cyr, l'école patronnée par Mme de Maintenon. Tout en étant une pièce de commande, Esther reflète les convictions religieuses de son auteur. Deux raisons qui auraient pu en faire une oeuvre lourde et indigeste. J'avoue avoir des préventions autant contre les textes de commande que contre les textes qui veulent évangéliser ou prêcher. Je les trouve souvent maladroits. Mais Racine est Racine et, de ce difficile exercice de style, il donne vie à une pièce d'une grande beauté.

Cette pièce s'inspire de l'un des livres l'Ancien Testament, le livre d'Esther. Celui-ci relate un épisode tragique de l'histoire du peuple juif : exilé dans l'ancien royaume des Babyloniens conquis par les Perses, il est menacé d'une extermination complète à cause de la jalousie d'un ministre du roi, Aman, contre le Juif Mardochée. Mais Aman ignorait, en poussant le roi Assuérus à signer l'arrêt de mort des Juifs, que la reine Esther elle-même appartenait à ce peuple...

J'aime beaucoup cette histoire de l'Ancien Testament. J'ai trouvé que Racine, grâce à la forme théâtrale, y insuffle une vie qui est un peu absente du texte originale. Esther, Mardochée, Assuérus, Aman deviennent, sous sa plume, des êtres vivants, doués de sentiments. Les pièces religieuses de Racine ne sont pas les plus connues et les plus étudiées à notre époque qui a tendance à gommer tout ce qui a trait à la foi. Pourtant, elles sont peut-être les plus personnelles, celles qui expriment le plus ce que pensait le grand tragédien. On peut même remarquer un certain courage dans sa manière de dénoncer les courtisans qui manipulent les rois. Racine n'a pas seulement cherché à écrire une pièce éducative pour jeunes filles bien nées. le roi Louis XIV lui-même pouvait en faire son profit...

Challenge solidaire "Des classiques contre l'illettrisme" 2020
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Une des dernières pièces de Racine et la première à avoir un thème religieux. Esther entre avec grâce et aisance dans le panthéon des héroïnes raciniennes. Ici la passion religieuse remplace la passion amoureuse. Grâce à l'héroïne, la pièce garde toute l'intensité des autres tragédies de Racine et aucune lourdeur didactique ne vient la gâter.
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J'ai relu Esther après avoir lu Madame de Maintenon, sous la plume de Françoise Chandernagor dans l'Allée du Roi, évoquer la création de la pièce. C'est donc une pièce de commande, ce qui a déterminé sa construction : un sujet d'inspiration religieuse, des jeunes filles innocentes et vertueuses, un roi clément loué pour ses conquêtes et sa piété - allusion transparente au Roi Soleil, la femme du roi qui protège les jeunes innocentes et veille sur elle - allusion à la Marquise qui a commandé la pièce.
Si le choeur des jeunes filles est une bonne idée, je n'ai cependant guère apprécié cette pièce, peut-être parce que je suis une amatrice " de spectacles frivoles et profanes". Je préfère les tragédies de Racine dont l'intrigue repose sur un amour impossible à l'issue dramatique.
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Une très belle pièce de Racine, très émouvante. J'étais un peu réticent à l'idée de lire les deux tragédies bibliques du dramaturge, craignant de ne pas y trouver la même puissance que dans une Phèdre ou une Andromaque. Or, il s'avère qu'à ce jour, Esther et Athalie sont de très loin mes pièces préférées de Racine. Quel dommage qu'on ait si rarement l'occasion de les voir jouées sur scène !
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Une piece commandée par Madame de Maintenon qui on peux le dire a ete bien payée en retour: cette oeuvre est magnifique et fait partie des incontournables du theatre francais ! Tout y est ici et on se regale vraiment devant le style genial de cet auteur hors norme !
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