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Citations sur Aline (40)

Seulement, les enfants qui n'ont pas de père, ceux là, on n'osent pas les montrer ; on les garde à la maison ; on les fait taire quand ils crient ; ils deviennent grand et vont à l'école, les autres enfants ne jouent pas avec eux, on leur donne des surnoms. Aline pensait : " Ce n'est pas seulement moi qui suis punie, lui aussi sera puni " Pourquoi ? Et pourquoi est-ce que Julien ne serait pas puni ? Elle sentait qu'il y avait dans la vie des choses qui sont bien difficiles à comprendre.
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La vie a un visage qui rit et un visage qui pleure ; elle tourne, on la voit rire ; elle tourne encore et on la voit pleurer.
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Et Henriette de son côté, pensait : " Mon Dieu ! quelle peine ! quelle peine ! On souffre d'abord pour les avoir, ces enfants ; au commencement, ils sont si petits qu'on ne peut pas croire que çà pousse ; ils ont toutes sortes de maladies ; bon ! çà fait un peu plaisir plus tard ; et voilà, les garçons, il leur arrive de la barbe, les filles mettent des jupes longues, on a plus de soucis qu'avant ; heureusement encore qu'on est là. "
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Quand Aline vit son malheur, elle n'y voulut pas croire. C'est ainsi que les petites filles qui ont peur de la nuit se cachent sous les couvertures. Elle s'était accrochée à tous les petits espoirs qu'il y avait sous sa main ; ils avaient cassé l'un après l'autre comme des branches sèches. On n'a pas même le temps de bien s'aimer ; le temps de s'aimer est comme un éclair...

 À la fontaine, les laveuses lavaient le linge. Elles frottaient des deux mains sur la planche lisse, le savon faisait sa mousse, et l'eau était bleue et douce d'odeur. On a beaucoup d'ouvrage le matin. Une femme s'en revenait de la boutique avec une livre de sucre. Une autre balayait devant sa porte. Une grande fille menait un bébé par la main. On entendait le menuisier raboter dans sa boutique. Il faisait un petit temps gris un peu frais, et il soufflait un rien de bise. Le ciel avait des nuages blancs tout ronds qui se touchaient comme les pavés devant les écuries. Les vaches dans les champs branlaient leurs sonnailles de tous les côtés.

   Et une des laveuses, dit en rinçant le linge :
   - C'est le treize aujourd'hui.
   - Non, dit une autre, c'est le quatorze.
   - Tant mieux
   - Moi, reprit une troisième, moi je vous dis que c'est le treize.
   À ce moment Aline passa. Elles s'arrêtèrent toutes de causer.
   Julien coupait du bois près de la porte de la grange, derrière la maison. Des pigeons roucoulaient sur le bord du toit. À gauche, le verger rejoignait la campagne. On voyait par le trou des branches les pommes rouges d'un pommier tardif. Les autres n'avaient plus de fruits et presque plus de feuilles. Julien travaillait sans se presser, étant chez lui. Il avait ôté son gilet, parce que le mouvement donne chaud. Sa hache montait et retombait ; à chaque coup, il fendait une bûche. Et, quand Aline arriva, il resta une bonne minute comme il était, sa hache à la main.
   Un pigeon s'envola au-dessus de leurs têtes. Julien ouvrit la bouche comme pour parler, mais il ne dit rien. Elle non plus ne dit rien au commencement, mais ensuite les paroles lui vinrent aux lèvres comme l'eau dans une pompe ; elles jaillirent toutes à la fois.
   Tu ne sais pas, dit-elle, je voudrais bien que non... seulement... oui, c'est la vérité. Je n'étais pas sûre... C'est la première fois... Et puis il a bien fallu, n'est-ce pas ? Et puisque c'est toi, il valait mieux que je te dise tout de suite...
   Elle parlait en tâtonnant avec ses mots comme une aveugle avec ses mains. Elle tordait entre ses doigts les attaches de son tablier. Elle avait les pommettes rouges comme deux petits feux allumés. Elle avait un corsage de toile bleue, une vieille jupe brune.
   Julien dit :
   - Quoi ?
   Elle montra son ventre.
   Un second pigeon s'envola, Julien dit :
   - Charrette !
   Son coup s'enfonça dans sa nuque ; il avança la tête, comme un bélier qui va corner ; il se retint pourtant, pensant qu'Aline mentait peut-être ; il dit encore :
   - Tu es folle !
   Elle ne répondit pas.
   Il dit :
   - En es-tu sûre ?
   - Oh !  oui.
   - Sûre ? Sûre ?
   - Oh ! oui.
   Alors, il avança de nouveau la tête, et dit : 
   - Eh bien, tu n'es qu'une grosse bête ; ça ne ma regarde plus.
   Et, jetant sa hache, il s'en alla...
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Et, chaque soir, au soleil couchant, quand venait l'heure elle se sentait un peu plus triste, revoyant le petit bois, le pré et le ruisseau où sont esprit s'en retournait, car l'esprit a la liberté et il est rapide, mais le corps est attaché et l'esprit se moque de lui. Elle enviait les hirondelles qui sont libres dans le ciel.
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Et sa douleur revenait. Et un soir encore ce fut la musique au village. Aline était assise près du berceau. On dansait à l'auberge, et ses souvenirs l'entraînèrent en arrière jusque sous le grand poirier. Et une autre fois qu'elle fouillait dans un tiroir, ce furent les boucles d'oreilles que Julien lui avait données dans le petit bois au commencement de l'été. La boîte de carton avec les petits personnages peints dessus était encore enveloppée de son papier de soie. Les grains de corail ressemblaient à deux gouttes de sang pale. C'était tout ce qui restait de son amour, avec l'enfant. Elle se dit: « Et lui où est-il? Ah! il ne pense plus à moi. » Les larmes lui vinrent aux yeux et elle se moucha sans bruit.
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« Bientôt les vents de mars s’élancèrent d’au-delà les montagnes, bondissant par-dessus le lac qu’ils ont remué en passant. Alourdis d’eau, ils vinrent heurter les nuages dans un grand choc qui fendit le ciel; le ciel croula avec un grand bruit. Le soleil éclata, les primevères fleurirent. Il y a comme une voix qui encourage à vivre à cet endroit de l’année. Elle est dans l’oiseau qui crie, dans le jour, dans les bourgeons qui se gonflent. Le printemps saute sur un pied par les chemins. On voit les vieux qui viennent sur le pas de leur porte, ils hument l’air comme un qui a soif, ils font trois pas dans le jardin. »
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C'était la fin des cerises qui pendaient sèches aux hautes branches où les oiseaux viennent piquer autour du noyau qui blanchit. Le chemin descendait, les roues sautaient dans les ornières et les épis, dépassant la masse oscillante des gerbes, tintaient à chaque choc avec un bruit de métal.
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Puis elles parlèrent d'autre chose. Petit à petit, le sommeil les gagnait. Leurs pensées s'affaissèrent comme les branches sous la neige. Mais, à peine leurs yeux s'étaient-ils fermés, qu'ils se rouvraient d'eux-mêmes. Elles s'agitaient sur leurs chaises. Parfois elles échangeaient un regard. Elles sentaient la mort rôder autour d'elles; l'air en était comme épaissi.
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Seulement le monde est ainsi fait qu'à un bout, il y a les jeunes qui rient ou qui pleurent, parce que c'est l'âge où on rit et où on pleure beaucoup, et au milieu les hommes qui travaillent ; mais, à l'autre bout, les vieux qui regardent la vie, ayant vécu. Ils ont les yeux pointus comme des clous.

[C. F. RAMUZ, "Aline", 1905 - chapitre III - pages 13 de l'édition "La Pléiade", "C.F. RAMUZ : Romans", Tome I, 2005]
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