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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Moi qui ai redécouvert Ramuz et qui en suis au neuvième roman lu, je ne m'attendais pas à être encore émerveillé et surpris à ce point.

Celui-ci n'est pas un roman, c'est un long et merveilleux poème, et l'amoureux de poésie que je suis a reçu ce texte comme une sorte de cadeau.

Passage du poète, ça dit la beauté des vignobles étagés sur les rives du Léman, le travail pénible et joyeux de la vigne au rythme des saisons.
La rudesse de l'hiver, les pluies du printemps, la vigne qui pousse et que l'on entretient, le raisin qu'on soigne, les jeunes filles qui viennent aider aux vendanges à la fin de l'été.
Ça dit les beaux villages, le vin qu'on boit ensemble, les fêtes que l'on fait après les vendanges, les beaux discours pour honorer la vigne et le vin, la fraternité des hommes, l'amour entre les hommes et les femmes.
Les montagnes, le lac, les vignes, les forêts, le ciel et l'eau, la nature domptée ou indomptée, toujours magnifique.

Et puis il y a ce « poète » qui passe, le vannier Besson qui s'est arrêté au village pour y proposer ses panniers, et qui s'installe sur la place du village pour y tresser son osier.

Et tant d'autres choses, il faut prendre son temps pour savourer ce texte, son rythme, la musique de ses répétitions, la beauté des images.

Une merveille, vraiment.
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L'âme reverdie

Le poète est venu, le poète a passé, traînant la lumière derrière lui ainsi qu'une charrue ; la poussant au devant de lui de même qu'un boeuf qu'on conduit aux labours dessus la terre nue. C'est qu'il a bien fallu la domestiquer cette lumière sauvage, pour ensuite la rendre aux hommes, la leur donner comme un baiser fraternel, la leur remettre en mains propres ainsi qu'un cheval dompté. le “poète”, c'est Besson, le vannier, qui tresse avec l'osier des corbeilles rondes, un peu comme un qui recréerait le monde.

Alors Besson a passé dans ces contrées suisses où fleurit la vigne, auprès de ces vignerons qui chérissent la terre ainsi qu'une femme aimée et qui leur en fait voir : tantôt fertile ou inféconde. Besson passe au milieu d'eux ainsi qu'un vent d'ivresse ; et sa route croise celle de Bovard : celui qui redit le monde dans son éternel commencement et qui peut enfin libérer le trop-plein de son coeur parce que le poète a passé parmi eux comme un miracle auquel on ne croyait plus car on ne le savait pas possible en vérité. Il y a des hommes et des femmes qui habitent auprès de ces vignobles suspendus et qui tous sont voués à faire vivre la terre dont ils vivent. Et c'est Mathilde et tous les autres ensemble, comme un seul bloc, comme une seule chair.

Besson, qui n'est pas vigneron, apporte pourtant dans son sillage le vin jaune de la lumière qu'on boit jusqu'à plus soif parce qu'on a la gorge sèche et parce qu'il faut bien se laver le dedans – qui est l'âme –, ainsi qu'on lave le dehors – qui est le corps. Et ça ruisselle dans chaque poitrine et ça rajeunit tout. En passant, le poète a libéré les mots : et la parole est sortie de chacun, comme le fruit tombant de l'arbre à maturité le déleste de son poids, et permet ainsi l'infinie continuation des cycles ancestraux.
Alors Bovard a dit que tout ce que l'homme “fait” pour accroître la floraison de la terre qui lui a été donnée, tout ce qu'il accomplit à la sueur de son corps afin que chaque chose se perpétue, “c'est ça qui est beau” – et véritablement, c'est oeuvre de poète.

Quand Besson est arrivé d'on ne sait où, soudain tout a refleuri. Et chaque bouche a remué sa langue pour réveiller les liturgies endormies et célébrer la présence de tout ce qui est au monde. Les choses et les êtres se sont réaccordés : lac et ciel confondus, terre et chair réunies. Enfin l'âme a fait bondir sa joie hors des poitrines qui ne demandaient qu'à s'ouvrir : cette joie qui était cachée dans le lent et inexorable pourrissement des feuilles mortes ; cette allégresse qui se dévoile enfin car tout reverdit et parce que la beauté est sur la terre comme l'eau fraîche d'une fontaine que le soleil enlumine de son or.

Besson a passé, Besson est reparti. Et la nuit s'est refermée derrière le poète en partance nouvelle vers d'autres hommes à qui redonner la parole. La nuit n'a pas disparu et qu'importe : chacun a fait peau neuve, tous se sont baignés au franc goulot du soleil quand sa pluie d'or a tombé. C'est comme du pain blond que tous ont mangé, avec le rire des blés dans la bouche enfin exaucé. Car tout recommence ce qui a fini et rien ne meurt jamais. Et quand le poète est parti, la nuit l'a suivi comme un chien noir et fidèle. Mais la nuit nichée en chacun ne fait plus peur depuis qu'on a fait connaissance avec le jour.

Le lecteur est une terre qui attend d'être ensemencée par la grâce du Verbe créateur, par la parole du “poète” qui ressuscite tout ce qui semblait être mort. Chez Ramuz, les mots c'est du miel qui sort tout liquide de la ruche blanche du papier. Et ça vous colle aux doigts et aux yeux et impossible de s'en défaire quand bien même on le voudrait. Ça vous décloue les paupières pour que vous puissiez mieux voir avec les yeux de l'esprit. Ça vous enfante littéralement et ça vous fait renaître : voilà ce que c'est que "Passage du poète". « En poète, l'homme habite sur cette terre », Hölderlin l'avait bien pressenti. Et, plus que jamais, le poète est là pour dire bien haut ce que d'autres voudraient taire.

© Thibault Marconnet
01/10/2014
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Quel livre ennuyeux pour ceux qui ne goutent pas la musique des mots.
Quel vaine trouvaille pour ceux qui recherchent plus l'avoir que l'être.
Je me délecte de chaque phrase ou presque.
Je savoure lentement humant l'arôme des images, examinant la couleur des pages à contre-jour, buvant les phrases à petites gorgées, et laissant revenir longtemps cet arrière gout de ces humanités partagées.
Le Poète est un photographe, son passage révèle le pays , éveille ses habitants, rend la lumière à tous.
Il y a quelques personnages, mais surtout l'emploi du pronom indéfini qui rend le récit si universel.
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Avec le poète surgit la lumière ; un livre tout simplement lumineux !
Lien : http://laperluete.blogspot.c..
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