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3,33

sur 194 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Jean Seghers est le gérant d'une station-service qui est en cours de dépôt de bilan. Il suspecte sa femme Remédios d'entretenir une liaison avec le président du tribunal de commerce. Son employé Ousmane lui réclame son indemnité de licenciement. Sa mère Dolorès refuse de l'aider. ● Sur une intrigue très convenue, qui relève à la fois du roman noir et du vaudeville, l'univers très particulier d'Yves Ravey se déploie dans toute sa splendeur. Il est fait notamment de non-dits et d'inquiétante étrangeté. On a l'impression d'être dans un monde très légèrement décalé par rapport à celui que nous habitons. C'est incroyable de parvenir à faire cela avec des mots. D'une totale originalité à chaque fois les livres d'Yves Ravey me ravissent. ● Sa prose est serrée, il n'y a pas un mot en trop et aucun mot ne pourrait être retranché, peu d'auteurs arrivent à faire cela. ● Même si la fin vraiment trop rapide ne m'a pas plu, je recommande vivement ce livre et cet auteur.
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Finalement, rien n'est aussi mystérieux qu'un texte d'Yves Ravey. Précisément parce que tout paraît simple, évident, transparent. Jean Seghers, le narrateur, gérant d'une station-service en faillite, soupçonne sa femme de le tromper. Il l'observe, l'interroge, suit l'amant… Rien de plus banal, terriblement banal même...
Et pourtant…
Pourtant, on sent très vite qu'on pénètre dans un espace du leurre, du faux-semblant. Or, l'ancrage dans le réel et la simplicité formelle ne devraient pas donner lieu à cette étonnante impression d'étrangeté qui émane du roman, à ce sentiment diffus et insaisissable d'évoluer en réalité dans un univers onirique plutôt « hors-sol ». Si cela se produit, c'est justement parce que les apparences sont trompeuses : rien n'est vrai mais tout participe à nous donner l'illusion du vrai. Que nous dit l'auteur sinon que notre lecture du réel (de la réalité) est impossible, soit parce que le réel n'existe pas (il n'y a que des points de vue sur le réel) soit parce que notre appréhension du réel est sans cesse faussée par des signes-écrans qui nous empêchent de le déchiffrer et d'accéder à une éventuelle vérité des êtres et des choses.
Allez, si on avait le temps, on pourrait s'amuser à chercher le pourquoi du comment, tenter quelques pistes, histoire de voir où ça nous mènerait  : (ce que je ne vous dis pas, c'est que discrètement, je commence une recherche sur l'oeuvre de Ravey, enfin… si je trouve un généreux directeur de thèse prêt à consacrer un peu de temps à une jeune quinqua-étudiante !)
Bon, (ça commence bien, je ne trouve pas mes mots… je sens que tout va être raté : la chronique et la thèse), d'abord, (je vous rappelle que ma problématique est - vous suivez, hein?- «Réalité et étrangeté : vers une esthétique du leurre dans l'oeuvre d'Yves Ravey »), d'abord donc, les lieux chez notre romancier n'existent pas : on les pensait américains (oui, la station-service au bord de la route, ça ne vous rappelle rien?), on les découvre alsaciens-francs-comtois (ce qui signifie que jusqu'à la page 39, nous ne savons pas où nous sommes) (et la mère qui porte un maillot de Sochaux!) de toute façon, il n'est jamais question d'un paysage représentatif d'un espace géographique réel, les textes ne s'ancrent pas dans une géographie. On s'en fout de savoir où on est. C'est pas le problème. Dans le fond, je me demande si on ne serait pas plutôt sur une scène de théâtre éclairée par des projecteurs, au milieu de décors colorés en carton-pâte... Donc, l'absence de géographie pourrait nous mettre sur la piste…
Le lieu de l'action maintenant : certes, il est décrit avec beaucoup de précision, même l'orientation est mentionnée, mais plutôt comme si l'on observait un plan et non le réel. Encore une fois, une piste à creuser...
L'onomastique nous trompe aussi, nous égare… Jean Seghers est le narrateur, sa femme s'appelle Remedios, un nom espagnol (mais elle ressemble à une actrice américaine), Xavier Walden, le Président du tribunal a un nom américain, Dolorès, la mère de Jean et Salazare (avec un e?) son nouveau compagnon ont des prénoms espagnols. C'est quoi ce bazar ? J'ai comme l'impression que Ravey s'amuse à brouiller les pistes, me fait chercher là où il n'y a rien peut-être rien à trouver...
Et puis, si l'on y réfléchit bien, les actions des personnages (notamment du narrateur) sont aussi assez étranges , certainement parce que seuls les actes sont décrits, nous n'avons aucune analyse psychologique. (C'est très fort d'ailleurs parce que même le « je » ne dit rien de lui, ce qui signifie que le point de vue interne est inopérant chez Ravey, il tombe à l'eau, il est un leurre, lui aussi, dans la mesure où il ne permet pas d'accéder à la vérité de l'être! Non, si vérité il y a, elle est ailleurs, où on ne l'attend pas, où on ne pense pas la voir.) Ravey s'en tient aux faits, aux gestes ou aux paroles. A nous de nous débrouiller avec ça, en tentant d'interpréter l'attitude des protagonistes, mais le risque d'erreur est grand. Ce qui fait qu'on a parfois le sentiment qu'il y a du Meursault chez le narrateur, une espèce d'écart entre lui et le monde, tout simplement parce que l'on n'a pas forcément accès à ses motivations, à sa conscience, ce qui peut donner l'impression qu'il n'en a pas, qu'il ne pense pas ou pas assez. Par exemple, tout se passe comme si, lorsque l'on veut se débarrasser de quelqu'un, on le tue et c'est tout. Pas de tergiversations, de tempête sous un crâne, pas de problèmes moraux... On agit et on espère ensuite que les choses vont s'arranger d'elles-mêmes.
Enfin, si l'on jette un coup d'oeil rapide sur la communication entre les êtres, on voit qu'elle ne se fait jamais vraiment directement : chacun semble en effet enfermé dans sa bulle, dans une sphère bien hermétique qui l'empêche d'échanger, d'accéder aux autres immédiatement et, à plus forte raison, spontanément, sans passer par des intermédiaires qui risquent de fausser le propos, d'altérer la communication voire de l'annuler. Et malgré cette apparente absence de communication, chacun semble étrangement exercer sur l'autre, en sourdine, je veux dire sans en avoir l'air, des rapports de force latents, silencieux et sournois, extrêmement puissants malgré leur invisibilité.
Bon allez, j'arrête là. L'univers raveysien est vertigineux et je risque fort de vous en reparler quelque temps (c'est trois ans une thèse, non?)… Promis, quand je donnerai mes premiers cours à la Sorbonne, je vous ferai signe...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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J'aime les romans d'Yves Ravey ! Parce que tout me semble tellement évident et que je suis toujours surprise, parce que derrière la normalité se cache une bizarrerie, parce que les certitudes se transforment en leurres, parce que c'est un auteur qui m'entraîne toujours plus loin que je ne le pensais. Dans Adultère, dès le tout début du roman, on apprend que tout va mal pour le narrateur. de la cuisine de sa maison qui jouxte sa station-service, il guette le retour de sa femme dont il est toujours amoureux : elle n'a pas changé en 10 ans, depuis leur voyage de noces à Venise. Et voilà qu'elle rentre au petit matin, raccompagnée par Walden, le président du tribunal de commerce. Pour un garagiste en faillite, l'amitié du président d'un tribunal de commerce peut se révéler précieuse, lui affirme sa femme… Et puis, il y a Ousmane, son employé, à qui il n'a toujours pas payé les indemnités auxquelles celui-ci a droit. Forcément il n'a plus un sou…
***
Quand Yves Ravey campe le décor de la station-service et du garage, on pense être aux États-Unis, impression renforcée par les noms des protagonistes, Walden et Seghers, mais on comprend vite, à la mention de l'hexagone et du Rhin, qu'on se trouve dans l'Est de la France et qu'on a été manipulé par l'auteur. Et cela va continuer… Adultère ou affres de la jalousie ? Et si adultère, avec qui ? Comme dans Pas Dupe, Yves Ravey s'amuse ici avec l'onomastique. Il choisit des noms anglophones pour certains personnages, Seghers et Walden, sans oublier l'inspectrice de l'assurance qui s'appelle Hunter, forcément… Pour leur part, les prénoms féminins de ses proches semblent avoir été retenus en fonction du rapport que le narrateur entretient avec chacune, je crois. Ainsi, sa mère s'appelle Dolorès et sa femme Remedios. Tout un programme ! Deux personnages masculins jouent les intrus : Lazare, le nouvel ami de la mère, et Ousmane, dont on comprendra le rôle au fil de la lecture.
***
Les descriptions minimalistes m'ont rappelé certains tableaux de Hopper. Chez Ravey, j'ai toujours l'impression qu'on peut compter les adjectifs : il y en a si peu… Je suis très admirative de sa faculté à instiller le doute, à camper un personnage sans lui attribuer de caractéristiques psychologiques, à susciter une certaine empathie envers de vraies ordures… Et puis le style de Ravey, les dialogues dans le corps du texte, le style indirect libre, le mot simple et juste, un phrasé reconnaissable entre tous. Il m'a pourtant manqué quelque chose dans cette pirouette finale que je juge infiniment trop abrupte.... Tant pis. Vivement le prochain !
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Ce livre est une démonstration que mes envies de lecteur ont beaucoup évolué avec le temps.
J'avais regretté lors de ma lecture du "Drap" du même auteur un manque de psychologie et de questionnement existentiel. C'est précisément ce que j'ai aimé dans "Adultère". (du coup faudra que je relise "le drap").
L'histoire se résume ainsi : Jean Seghers propriétaire d'une station service en faillite a fêté ses dix ans de mariage avec sa femme. La nuit suivante, il surprend sa femme dans la voiture d'un homme qu'il connaît à quatre heures du matin. Commencent les doutes, la suspicion et la réaction.

J'ai adoré l'ambiguïté des personnes, une ambiguïté qui ne permet pas de les définir comme bons ou mauvais mais plutôt pris dans des situations que tous regrettent un peu.
Il est passionnant de lire ce récit d'une grande fluidité et qui surprend à chaque page.
Le cadre semi urbain, la classe sociale moyenne populaire, qui sont des repères récurrents chez Ravey sont ici lourds et étouffants. Attention ce n'est pas du Franzen avec une critique des comportements de classe, pas du tout, tout au plus une mise en abîme d'un référentiel pour servir les péripéties. D'aucuns considèrent que Ravey, c'est Simenon sans la pluie, je dirais que c'est Simenon sans le kitsch.
Heureusement, d'ailleurs, le style est très sobre, presque clinique, sinon la lourdeur aurait été difficile à apprécier.

Un excellent roman.
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Ma première lecture d'un livre de Ravey, certainement pas la dernière.
J'ai été subjuguée par cette écriture qui apporte une touche d'étonnement continuel dans ce court roman.

Le narrateur paraît distancé de lui même, sans grande conscience du bien, du mal , de l'autre. Il glisse sur la vie sans affliction, sans grand bonheur non plus.

Jean a une mère qui se prénomme Dolores et une épouse..Remédios! Tout un programme déjà ! Sa mère s'est amourachée d'un vieux beau rencontré sur internet. Remedios assez énigmatique , semble aimer ailleurs, mais qui?
Leur station service est en faillite...
Un grand plaisir de lecture!!
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Belle révélation pour moi que cet « Adultère » de Yves Ravey, auteur reconnu que je ne connaissais pourtant pas, et dont il me tarde déjà de découvrir d'autres livres.
Dans ce court roman, j'ai apprécié :
L'écriture fluide, précise et serrée d'où tout mot superflu ou toute phrase trop alambiquée sont exclus ;
L'intrigue somme toute banale et convenue, certes, mais jubilatoire, qui est exposée dans un déroulé linéaire de l'action ;
L'atmosphère étrange, hors du temps, un peu glauque même, qui fascine, subjugue et envoûte ;
La narration à la première personne par un type terne mais déterminé, bien ancré dans ses certitudes de salaud ordinaire !
« Adultère » : Une belle réussite, de toute évidence !
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En lisant ce dernier opus de l'auteur, j'ai comme une évidence, Yves Ravey est au monde des lettres ce que Hopper est à la peinture réaliste américaine.
Comme lui la structure est importante, une station-service en faillite dans un coin désert, un homme Jean Seghers qui se débat entre une caisse désespérément vide, une paperasse à faire suivre, un employé qui réclame son dû avec insistance.
« Il y avait un élément manquant dans ce beau paysage en forme de puzzle, cet élément manquant c'était une pièce qui avait pour nom indemnité de licenciement. Un jour, m'a-t-il averti, sur un ton menaçant, si ça continuait comme ça, j'aurais de ses nouvelles. »
Une lumière glauque enveloppe le tout, c'est la nuit il est tard Seghers est seul, sa femme rentre plus tard toujours plus tard et là elle est raccompagnée par Walden qui n'est autre que le juge du tribunal de commerce qui a son dossier de failli entre les mains, autant dire sa vie.
« C'est normal Jean, j'en vois défiler tous les jours, des patrons en faillite, alors admets que tu n'es pas le seul… Mais enfin, il faut te ressaisir, tu me parais tellement bizarre aujourd'hui… ! »
Décor dépouillé comme les poches vides du personnage, étrangeté de ses réactions, focus sur sa solitude et revue des dix ans de mariage avec Remedios, pour quoi ?
Un cerveau qui se met en marche vers l'irréductible, car Seghers n'a pas les mots sur ses maux.
Un homme d'action ? Pas sûr, un homme de solitude, imperméable à la situation, seule sa femme compte.
Ça va flamber et Seghers va engager un bras de fer avec Hunter, femme très déterminée à ne rien lâcher. Elle est en mode pitbull.
Mais qui mieux que Seghers connaît la vérité ?
Une patte dans l'écriture d'un texte resserré, d'une densité noire qui fait d''une histoire somme toute banale un récit exceptionnellement jubilatoire.
Entre roman noir et vaudeville une tension implacable.
Banalité et étrangeté dansent en une folle farandole jusqu'au vertige du lecteur.
La lectrice que je suis, a toujours l'impression d'être un poisson ferré par un leurre.
Yves Ravey à l'art de conclure en beauté et toujours de façon inattendue.
Je suis fan.
©Chantal Lafon

Lien : https://jai2motsavousdire.wo..
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Bonjour à tous les lecteurs
J' aime beaucoup les récits de Yves Ravey
Adultère m' a plu , le style toujours alerte. L' écriture précise, l' enchaînement, la progression .
Tout parfait.
Juste, simplement je n' ai pas compris la chute du récit.
Vraiment je bloque.
La fin . Qui pourrait m' expliquer svp.
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