La quarantaine, Laurent est marié à Solange, enseignante en primaire. Ils ont deux adolescents, Thomas, 16 ans et Claire, 13 ans.
Depuis des années, Laurent est en proie à ses démons intérieurs. En fin d'après-midi, chaque samedi, il va au Zanzi Bar et devient « Mathilda » dans une revue de Cabaret où il se transforme en femme : perruque, maquillage, vêtements et dessous féminins.
Laurent est à un carrefour de sa vie : soit il continue ce double jeu/je, ce dédoublement de personnalité, soit il assume et va au bout de sa démarche : devenir femme.
Laurent va assumer.
C'est une histoire assez troublante, très bien racontée par
Léonor de Récondo. Des chapitres très courts, une histoire qui se lit en quelques heures et, au bout du compte, une belle maîtrise du récit.
L'idée, c'est de nous mettre dans la peau de chacun des protagonistes de cette histoire. Car, si Laurent est perturbé, il va de soi que les dommages collatéraux vont être nombreux à partir du moment ou il va informer les principaux intéressés (sa femme et ses deux enfants) de sa décision.
En un récit aussi court, être capable de nous montrer toutes les répercussions qu'un tel choix entraîne est une vraie prouesse. Tout est abordé : la famille, les amis, les relations de travail, ce qui rend tout à fait crédible cette histoire peu ordinaire.
Sur le plan du style, je retiendrai cette originalité qui consiste à entretenir, à partir d'un certain moment du récit, la confusion des pronoms personnels. Il y a non seulement le « il » qui devient « elle » dans la même phrase, mais également le « elle » ou le « il » qui devient « je » ! Et ça fonctionne bien:
"Laurent sait pertinemment que ça change tout. Mais elle est prise d'une impatience terrible. Trop d'attente, de décennies gâchées à errer. J'ai été lâche, je suis lâche. Et maintenant son enfant qui la fuit. Est-ce que je dois choisir ? La vraie question est là. Doit-on être ce que voient les autres, être tel qu'on vous a aimé ?"
"Elle (Solange) s'est enfermée, elle le comprend, en balisant la route, des flèches et des panneaux partout, et maintenant elle est coincée et forcée d'en sortir. Elle se sent trahie. Je me sens conne surtout."
"Maintenant, Laurent est prêt. Il a assez parlé. Il a l'impression que ses mots ne servent qu'à justifier une décision prise depuis longtemps. Je n'ai plus rien à ajouter".
Quant à moi, je rajouterai que je vous conseille ce livre déstabilisant !