Le 21/09/2014
Éric Reinhardt a écrit là un pur chef d'oeuvre, le plus beau roman que j'ai lu autant qu'il m'en souvienne dans la catégorie romans du « réel ».
L'histoire contemporaine mais rarement "romancée" se résume à ceci:
Vie, mort et résurrection d'une femme harcelée.
"
L'amour et les forêts" est un roman …hypnotique…écrit avec une maitrise littéraire époustouflante. Ce qui ressemble ici le plus à
Flaubert ce n'est pas seulement l'héroïne mais aussi la variété des points de vue dans la narration, la variété des styles, le choix toujours exact des mots. On sait que
Flaubert a inventé l'écriture moderne et qu'il a mis quatre ans à écrire
Madame Bovary, que de brouillon en brouillon il progressait vers son chef d'oeuvre absolu.
Ce n'est pas rien de dire que Reinhardt va plus loin que
Flaubert et plus vite, tel un chirurgien du réel, un architecte méticuleux, un écrivain pionnier du XXI siècle, en écrivant très serré, en ne laissant pas de blanc comme tant d'écrivains contemporains le font pour remplir des livres qui ne font parfois que dix feuillets Word.
Il y a du
Zola aussi dans ce roman, dès le début pratiquement quand Reinhardt monte dans la locomotive Meetic, se donne un pseudo de femme, paye son abonnement (c'est moi qui souligne) et note soigneusement les messages échangés.
Reinhardt dans «
L'amour et les forêts » fusionne
Flaubert et
Zola, ce n'est pas rien, et va bien plus loin et plus vite surtout. On peut ouvrir «
L'amour et les forêts » à n'importe quelle page on sera emporté par les mots bijoux que tisse Éric Reinhardt tel un orfèvre de la langue française, ayant assimilé les livres des meilleurs auteurs du XIXème, du XXème et du XXI siècle…pour trouver une écriture épurée à nulle autre pareille. Il m'arrive encore de relire des passages et c'est toujours le même ravissement, sur des thèmes aussi difficile à aborder que le harcèlement et la perversité dans un couple, sans tomber dans la vulgarité ou l'exagération, il fallait le faire.
Merci Éric…que, je l'avoue, je n'avais jamais lu !
Le 1/10/2014
Du temps a passé et depuis j'ai lu les deux précédents romans d'Éric Reinhardt. J'ai apprécié certains passages de "
Le système Victoria" sans plus et "
Cendrillon" m'est tombé des mains. Ce sont des romans au vocabulaire prévisible, bourrés de répétitions, mal écrits parfois où la caricature et le narcissisme l'emportent.
"
L'Amour et les forêts" est "le roman" d'Éric Reinhardt, un modèle, ou l'auteur s'efface enfin pour laisser la place à ses personnages, Bénédicte entre autres. Visiblement Éric Reinhardt a été touché par ce que lui a raconté cette femme vraiment harcelée, agrégée de lettres, enseignante en lycée, au point que ses romans précédents paraissent fades, à la mode, écrits à la va vite, à peine relus. Cette femme fait que Reinhardt aura le Goncourt et d'autres prix, il me mérite amplement pour avoir laissé la parole à son héroïne et mis un mouchoir sur son ego, ses clins d'oeil au lecteur, si présents dans ses deux livres précédents. Bénédicte a accouché d'un Éric Reinhardt nouveau.
Merci Éric de continuer sur cette voie, mais vous avez, pour vous-même, mis la barre tellement haut que je tiens à vous dire ceci : « Franchement, prenez du bon temps, vivez de vos droits d'auteur et laissez passer quelques années avant d'écrire un autre roman.
Ecrivez des chansons, de la poésie, mettez-vous au dessin, à la peinture, à la musique, soyez artiste.
«
L'amour et les forêts » va devenir un "classique" du début du XXI siècle, pensez-vous pouvoir en écrire un deuxième ? Pas dans l'immédiat j'imagine. Si cela vous démange travaillez par exemple à l'adaptation théâtrale ou cinématographique de votre livre mais ne vous lancez pas seul !
Et puis pour finir ceci:" J'aimerais vous rencontrer pour vous remercier et vous demander de dédicacer mon exemplaire de ce livre enfanté/enchanteur né d'une alchimie unique.
PS : Sur le thème de la famille déchirée,
Christine Angot, dont je n'apprécie pas, loin de là, tous les livres a écrit un roman rude, terrible qui explore lui, une séparation dont les enfants et les parents sont les victimes, et la bêtise des juges et des enquêteurs sociaux, les faux témoignages des parents ne feront qu'empirer les choses. Ce roman s'appelle «
Les Petits » (2011). A citer aussi« Les heures souterraines » (2009) de Delphine de Vigan sur le thème de la maltraitance au travail. Envoutant.
Et pardon si j'en choque quelques-uns mais "
L'amour et les forêts" met la prose d'
Olivier Adam, genre noir c'est noir, ici et ailleurs … à sa juste place…celle d'un style qui évoque toujours de la même manière des situations prévisibles.