J'ai lu cette courte pièce en une soirée. Ce sont 81 pages, une pièce de facture moderne, découpée en plusieurs tableaux, dont l'unité est marquée justement p
ar trois tableaux qui définissent le rapport à l'
art de chacun des trois amis.
L'élément déclencheur est l'achat par
Serge (très cher) d'un tableau… blanc. Les regards portés sur ce tableau sont différents, et varient parfois en fonction des témoins et des alliances qui se forment entre les amis. Pour son propriétaire, on y voit des couleurs, des lisérés, pour l'autre ami, Yvan, il est émouvant, mais pour le troisième, Marc, c'est purement une folie.
Ce tableau, qui se promène de pièce en pièce chez
Serge, est le point de dép
art d'une redistribution des c
artes dans l'amitié à trois de ces vieux amis ; il cristallise à ce point les relations duelles entre les amis, surtout
Serge et Marc, déçus de l'évolution l'un de l'autre, que ces presque ennemis en viennent aux pires extrémités, et se lâchent des vérités fort désagréables. C'est presque un triangle amoureux, en somme : Yvan, qui va se marier, et qui a un caractère fort sensible, se retrouve pris entre deux feux, et essaie de composer stoïquement avec la susceptibilité des deux autres.
Le dialogue, comme toujours au
théâtre, fait l'action : on y brasse des représentations sociales (la culture est un enjeu de statut social), des considérations sur l'
art contemporain, la compréhension qu'on peut en avoir ou non, la nostalgie des classiques contre la modernité, on s'aventure sur le terrain du mariage, des relations familiales. Les individualités y sont souvent exacerbées, voire franchement égoïstes et nombrilistes.
Mon avis : c'est un bon texte, qui l'air de rien aborde des sujets intéressants et sensibles, et peut faire réfléchir. Toutefois, ma lecture a pâti d'être venue après
le Dieu du carnage, pièce que j'avais adorée - notamment je m'attendais vraiment à rire davantage, et finalement, je suis restée sur ma faim. C'est émouvant, parfois grinçant, mais je n'ai pas été très sensible à cette forme d'humour. Alors bien sûr, j'imagine que la pièce jouée, dans la distribution connue, doit être beaucoup plus satisfaisante.