Remarquable de justesse de ton et de puissance d'évocation. Construit en 4 parties, essentiellement constitué de dialogues finement ciselés, le lecteur est tenu en haleine de la première à la toute dernière ligne. Jamais un temps mort, jamais de relâchement dans la vie de Duddy Kravitz, jeune juif vivant dans la communauté hébraïque de Montréal,
rue Saint-Urbain, dans les années 40-50.
Au début, Duddy n'est qu'un gamin turbulent, un vaurien, toujours prêt à une mauvaise blague, à jouer des tours et à narguer l'autorité. Epris de liberté, malin comme un singe, il va peu à peu devenir prêt à toutes les magouilles et petites escroqueries en tout genre pour exister, pour briller, devenir quelqu'un. Imbu de lui-même, égoïste, tête à clac, il est sous bien des aspects exaspérant, voire même détestable, quand son ambition folle l'amène à faire des choses peu recommandables et à trahir ceux qui lui font confiance. Mais, dans sa course folle, sa volonté farouche de s'en sortir à tout prix, sa capacité à rebondir dans toutes les situations, il est aussi très touchant.
Duddy s'est mis en tête d'acheter des terres, parce que son grand-père qu'il vénère, lui a dit un jour « Un homme sans terre n'est personne ». Or, acheter des terres et vite de surcroît, car les terres qu'il s'est mis en tête d'acquérir sont convoitées par d'autres et qu'il est impatient de prouver de quoi il est capable, est loin d'être une chose facile. Issu d'une famille très modeste, il est orphelin de mère, son père est chauffeur de taxi, son frère aîné fait des études de médecine. Alors, pour trouver de l'argent, il faut faire preuve de beaucoup d'ingéniosité, et Duddy n'en manque pas.
Le roman de
Mordecai Richler fait penser aux « aventures de Tom Sawyer », autre grand roman d'apprentissage qui raconte les péripéties d'un jeune garçon jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge adulte. Tout comme
Mark Twain,
Mordecai Richler ne propose pas de portraits de son héros ou de ses personnages, qui sont très peu décrits. Il ne fait pas non plus de descriptions détaillées des lieux où se déroule l'histoire, sauf pour la description des terres et des paysages que Duddy souhaite acheter qui font l'objet d'un peu plus d'attention. Les personnages sont présentés par leurs actions, avec très peu de descriptions physiques ou de ce qui les poussent à agir. Cela en fait un roman très cinématographique.
Remarquablement traduit par
Lori Saint-Martin &
Paul Gagné,
Mordecai Richler est un grand romancier canadien anglophone, méconnu et certainement à découvrir avec ce savoureux roman.