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John Cassaday (Illustrateur)
EAN : 9781302914028
160 pages
MARVEL - US (27/11/2018)
5/5   1 notes
Résumé :
Captain America takes on a new Axis of Evil! In a stunning and spectacularly illustrated Marvel Knights tale set in the aftermath of 9/11 - at a time when America needed heroes more than ever - Cap must come to terms with a changing global landscape. From the ruins of the World Trade Center to the horrors of a small town shaken by terrorism, Steve Rogers is forced to make some hard decisions about his role in the world. But the time has come for one man to stand aga... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome est le premier de la relance du personnage dans le sous-label Marvel Knights. Il comprend les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2002, écrits par John Ney Rieber, dessinés et encrés par John Cassaday, mis en couleurs par Dave Stewart. Ce tome comprend une postface d'une page écrite par Max Allan Collins.

Le onze septembre 2001, dans un avion de ligne, un passage s'est levé de son siège, et il tient dans la main, un cutter dont il a commencé à sortir la lame. Quelle que soit la destination à laquelle ils pensent se rendre, les passages sont maintenant partie intégrante d'une bombe. Quelque part dans le monde, un groupe d'hommes se tient autour d'une radio ou d'un téléphone et ils attendent. 20 minutes plus tard et 40.000 meurtres plus tard, ces hommes remercient dieu pour le sang qui souille leurs mains. Captain America est en plein coeur de Manhattan dans le nuage de poussière créé par les explosions : il cherche des rescapés et les aide à se libérer des débris. S'il perd espoir, s'il perd sa foi, alors plus rien ne comptera. Il voit une main qui dépasse, il déplace quelques morceaux de maçonnerie et il découvre encore une fois un cadavre. Un pompier à ses côtés lui conseille de prendre du repos. Steve Rogers répond qu'il a déjà dormi hier. Il aide le pompier à mettre le cadavre sur une civière. Il pense à ce que les commanditaires de l'attentat vont dire à leurs enfants, au cadeau qu'ils ont ainsi offert à leur dieu, aux portes de l'Enfer ouvertes par ces attentats. Il est sorti de ses pensées par Nick Fury qui lui dit qu'il devrait déjà se trouver à mi-chemin en route pour Kandahar, en Afghanistan. Rogers ne se laisse pas intimider ni manipuler et rétorque que ceux qui ont besoin de lui, sont les civils encore vivants qu'il faut dégager. Quoi qu'il en pense au fond de lui, Fury comprend qu'il n'est pas de taille à faire changer d'avis à Rogers.

Steve Rogers regarde autour de lui et éprouve des difficultés à conceptualiser à quel point hier était un autre jour, une autre réalité, alors qu'il faisait son jogging en ville, au milieu des newyorkais vaquant à leurs occupations, bien vivants. Il sort son bouclier aux couleurs du drapeau et le contemple, au milieu des décombres. Il décide de marcher pour quitter le quartier et aller se reposer. Il croise Samir, un individu typé originaire du moyen orient et lui fait la remarque qu'il ne devrait pas se promener tout seul. Quelques mètres plus loin, Samir est agressé par un individu armé d'un couteau qui le voit comme portant une partie de la responsabilité des attentats, même si Samir est né et a grandi aux États-Unis. Captain America interrompt la trajectoire du couteau avec son bouclier. Il pense que les américains doivent se serrer les coudes pour être plus fort, en tant que peuple, en tant que nation, ou sinon Ils auront gagné. L'agresseur est neutralisé, il est tombé à genoux devant Captain America. Ce dernier lui tend la main pour l'aider à se relever.

En 1998, l'entreprise Marvel Comics est à deux doigts du dépôt de bilan. Parmi les actions mises en oeuvre pour redresser le navire, le responsable éditorial externalise la production de quatre séries à deux créateurs : Joe Quesada & Jimmy Palmiotti gèrent la production des séries ou miniséries Daredevil, Black Panther, Inhumans et Punisher. Les bons résultats amènent Marvel à les embaucher et à pérenniser le label créé pour l'occasion : Marvel Knights. le 11 septembre 2001, quatre attentats sont perpétrés contre les États-Unis, entre 08h14 et 10h03, occasionnant 2.977 morts. C'est dans ce contexte atroce que la série Captain America est relancée : le personnage principal est habillé avec les couleurs du drapeau, et il incarne les idéaux de la nation. John Ney Rieber est un scénariste professionnel de comics, ayant déjà écrit les épisodes 1 à 50 de la série Books of Magic pour Vertigo. John Cassaday avait déjà travaillé avec Warren Ellis sur Planetary. Autant dire que l'attente est élevée concernant ce personnage et sa réaction aux attentats, ses prises de position. le lecteur peut s'attendre à ce qu'il aille casser du terroriste dans une démarche de vengeance assumée, un peu comme il pouvait s'en prendre à Adolf Hitler lui-même pendant la seconde guerre mondiale.

Le lecteur entame le premier épisode et est tout de suite saisi par l'ambiance. John Cassaday est un artiste minutieux qui joue avec les surfaces vides, à la fois pour créer un effet de focalisation sur ce qui est représenté par contraste à l'absence d'autres éléments visuels dans la case, et vraisemblablement également comme méthode pour tenir le rythme soutenu de dessiner un épisode par mois. Dans le contexte de ces épisodes, ce parti prix graphique fonctionne admirablement bien, car les dessins sont complétés ou rehaussés par Dave Stewart qui réalise une mise en couleurs expressionniste. Ainsi le premier épisode est hanté par la grisaille, des teintes de gris qui évoquent la poussière en suspension dans l'atmosphère à la suite des incendies, la chape mortifère qui pèse sur l'esprit de tous les individus présents à Manhattan, ayant tous à l'esprit l'énormité immonde des attentats, et les morts dont les cadavres sont encore sur place. Par la suite il utilise des tons orange pour les flammes rongeant une petite ville où se produit une prise d'otages, des tons rouge lors d'une intrusion dans un bâtiment d'une agence d'espionnage (le SHIELD), les autres couleurs ne revenant que très progressivement vers la fin du sixième épisode. Les effets de couleurs fonctionnent parfaitement et le lecteur ressent l'état d'esprit de Steve Rogers.

Ces épisodes donnent l'impression d'une lecture très aérée, parfois même éthérée. John Cassaday utilise souvent des cases de la largeur de la page pour donner plus d'espace aux personnages. le scénarise limite volontairement les dialogues pour permettre un rythme de lecture plus rapide. Pour autant le lecteur n'éprouve pas la sensation de lire quelque chose de creux, ni que les auteurs ont fait en sorte de jouer sur une décompression narrative : il est vraiment pris par le ton très particulier du récit. S'il décide de ralentir son rythme de lecture sciemment, il se rend compte que Cassaday ne dessine pas à l'économie. Il représente très régulièrement les décors, et avec un bon niveau de détails : l'allée de l'avion, la silhouette fantomatique des gratte-ciels abîmés par les explosions, la grand rue de Centerville, l'intérieur de son supermarché, l'intérieur de son église, l'avion dans lequel voyagent Captain America et Nick Fury, la grande place de Dresde. En fait, l'artiste donne la sensation d'être lui aussi dans une approche artistique guidée par la volonté de créer des environnements qui évoquent l'état d'esprit de Steve Rogers, la manière dont ses émotions filtrent leurs détails. le lecteur n'y voit pas des trucs et astuces pour dessiner ses pages plus vite, mais bien une intention dans la forme d'expression.

John Ney Rieber choisit de se confronter frontalement à la problématique : Captain America incarne la nation et ses valeurs, il est impensable de ne pas parler du 11 septembre. Captain America est donc sur place pour aider à secourir les victimes encore vivantes. D'ailleurs, il s'agit plus de Steve Rogers, en tant qu'être humain, que de Captain America en tant que superhéros. Les pages d'ouverture évoquent la volonté criminelle des terroristes et les morts sur le sol des États-Unis : c'est un fait établi, et le scénariste ne le minimise en rien. Il part de ces faits avérés, sans en amoindrir l'horreur, sans excuser le fait que des individus se réjouissent de la réussite des attentats, de la mort de citoyens américains. le lecteur se prépare donc à une forme de patriotisme plus ou moins nuancé, ou plutôt plus ou moins appuyé. de fait, Steve Rogers évoque la nécessité pour la nation d'être unie pour être forte. Contre toute attente, les premières nuances apparaissent dès le premier épisode : Rogers fait passer la vie des survivants avant tout idée de vengeance, Ney Rieber dit explicitement que tous les individus typés ne sont pas à mettre dans le même sac. Les arabes ne forment pas un peuple où chaque individu est semblable à tous les autres et donc responsable individuellement de toutes les exactions. Cela rassure le lecteur qui constate que si propagande il doit y avoir, elle ne sera pas aveugle.

Ensuite, Captain America va combattre les terroristes enturbannés sur le sol américain, dans une petite ville du coeur des États-Unis. D'un côté, les actions des preneurs d'otage sont condamnées sans aucun doute possible ; de l'autre côté le discours de leur chef met en cause la politique étrangère des États-Unis de manière pertinente. Houlà ! L'auteur n'est finalement pas du tout dans la caricature, et il n'hésite pas à dire que l'Amérique récolte pour partie ce qu'elle a semé. La prise de position est explicite. Captain America n'est pas l'émanation du gouvernement, mais l'incarnation des idéaux les plus nobles du peuple. le choix politique d'entretenir une guerre sur le sol étranger ne peut que générer des représailles. Il ne saurait être question de se venger. le lecteur européen ne peut que supposer qu'un tel discours ait eu du mal à passer parmi une partie significative du lectorat de comics. John Ney Rieber va à l'encontre des réflexes ataviques, refusant de s'enfermer dans le cercle de sang, alors même que le 11 septembre conduit le gouvernement des États-Unis à mettre en place une politique de lutte antiterroriste.

Paru dans un contexte terroriste très prégnant, cette histoire parle de cette situation de manière directe, au travers d'un superhéros portant les couleurs du drapeau des États-Unis. Contre toute attente, le propos des auteurs se révèle adulte, mesuré et intelligent, avec une narration visuelle d'une grande pertinence, et d'une vraie sensibilité. En fonction de ses convictions personnelles, le lecteur peut se retrouver déstabilisé par les convictions politiques et morales mises en pratique par Captain America, héros d'un peuple, plutôt que d'une patrie.
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