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Violette Nozière a défrayé la chronique dans les années 30. Elle a enflammé l'imagination de ses contemporains et a inspiré un très beau film du regretté Claude Chabrol en 1977, dans lequel on a pu apprécier l'interprétation remarquable d'Isabelle Huppert.
Le livre de Raphaëlle Riol reprend donc la trajectoire de cette héroïne et sa vie que l'on qualifiait alors de "dissolue".
Violette est une jeune femme qui se sent étouffée dans son cocon familial. Elle aspire à une vie libre et facile et ne supporte pas la vie étriquée qu'elle mène avec ses parents.
Elle sort en cachette, prétend retrouver la soeur du médecin de famille.
En réalité elle rencontre des hommes, se prostitue.
Elle attrape la syphilis et prétend qu'il s'agit dans son cas d'une maladie héréditaire.
Elle va commettre un parricide. Condamnée à mort elle sera graciée par le président Albert Lebrun. le maréchal Pétain ramènera sa peine à douze ans et elle finira même réhabilitée en 1963, peu de temps avant sa mort!
Le sujet était intéressant donc mais la manière de le traiter peut dérouter plus d'un lecteur, dont moi je dois le reconnaître.
Face A du livre: les faits réels et face B: les hypothèses imaginaires.
L'auteure Raphaëlle Riol navigue entre les deux et parle directement à notre héroïne, l'emploi du pronom "tu" est donc très répandu dans le livre qui prend l'aspect d'une missive adressée à l'héroïne, à tel point qu'on a du mal à trouver nos repères de lecteur.
Une forme du récit qui peut déconcerter beaucoup et pourtant le sujet est historiquement bien traité.
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Dans ce roman, Raphaëlle Riol, dont je me souviens avoir été charmée par le premier roman, Comme elle vient, fait revivre une criminelle qui a fait frémir la plume de chroniqueurs en tout de genres, de marchand de papiers sulfureux, dans les années 30.
Violette Nozière, vous vous en souvenez sans doute sous les traits d'Isabelle Huppert face à la caméra de Chabrol. Cette jeune fille de dix-sept ans, assez libre, à l'étroit dans le deux pièces familial, avait empoisonné son père un soir de l'été 1933, tenté la même chose sur sa mère. Lorsqu'elle a été arrêtée, les passions se sont déchaînées autour de son cas, les commentaires faisant le grand écart entre les partisans de la peine de mort, et les surréalistes qui y voyaient une figure de proue.
Comme Violette, ce roman n'est ni terne, ni mollasson, il amuse plutôt par son impertinence, ses trouvailles, sa construction originale. Ce qui peut paraître un peu casse-figure, tirer un roman d'un fait-divers criminel connu, des archives d'un procès célèbre, et y mêler sa propre vie d'auteur, est dans ce cas plein de fraîcheur. le style agréable, le vocabulaire recherché, (j'ai découvert entre autres le verbe « obombrer » que je ne ressortirai pas forcément souvent) plus que la personne de Violette elle-même, un peu réfrigérante, en font une lecture qui sort de l'ordinaire, et une incursion intéressante dans les années 30.
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Etre un personnage, devenir une héroïne ! Quelle aubaine, quelle joie ! On comprend l'enthousiasme de celle qui vouait une admiration sans borne à la divine Greta Garbo quand Raphaëlle Riol l'invite à sa table de travail. Violette Nozière a, il est vrai, un destin digne d'un roman. Dans les années trente, la demoiselle a défrayé la chronique, agité les journalistes, fasciné les surréalistes, indigné la droite et passionné la gauche. On la photographie à tout va, on fouille dans les moindres recoins de son existence, on la fustige, on l'idolâtre, on la victimise. Mais qu'a-t-elle donc fait, cette jeune femme de tout juste dix-sept ans pour figurer en haut de l'affiche ?
Un parricide, rien de moins. Violette, encore mineure, a délibéremment empoisonné père et mère – Madame Nozière s'en sort indemne – dans leur petit deux pièces de la rue de Madagascar à Paris. Une promiscuité qu'elle ne supportait plus, des parents qu'elle exécrait. Elle étouffait. Leur amour l'un pour l'autre l'avait isolée d'abord puis l'avait répugnée. Elle, elle avait envie d'espace, de confort, d'amusement, de belles robes, de grands parfums, de danses, de chants, d'ivresse, d'hommes, de beauté... elle avait soif d'indépendance, de liberté... et puis, elle voulait voir la mer aussi, son immensité, sa plénitude, son ressac, respirer loin de tout ça, de la vie étriquée qu'on lui faisait subir. Son souhait était de sortir du carcan, de la contrainte.
Mais le plaisir se paye alors Violette fait l'école buissonnière, vole, se prostitue, côtoie alternativement les gens de la bonne société et les bas-fonds, entretient son amant Jean Dabin qu'elle aime tant, ment, invente, idéalise. Un train de vie qui l'épuise et voilà que la maladie s'en mêle : la syphilis.
La dérive s'amorce, elle vole de l'argent à ses parents qui s'en aperçoivent, c'est la dispute de trop... coup de folie, coup de sang, elle arrive un jour munie d'une fausse ordonnance et de sachets de cachets censés protéger ses parents de sa maladie contagieuse. On connaît la suite.
Evidemment, l'auteure ne s'est pas contentée d'un récit de fait divers. Avec brio, elle enchevêtre réalité et fiction, dialogue avec le fantôme de Violette, avance des hypothèses. Ecrivain et personnage se confondent parfois. Une association qui permet de comprendre la phase et la force créatrice de l'auteure, sa proximité avec ceux qu'elle fait évoluer sous sa plume, et inversement le pouvoir que peut prendre un personnage, lui dictant sa conduite. D'ailleurs, Violette aura le dernier mot dans l'histoire...
Un roman passionnant, astucieux, audacieux, et juste ce qu'il faut d'irrévérence avec un éclairage fort intéressant sur une époque, l'apparition des médias, les clivages politiques et les balbutiements de l'émancipation féminine.

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Ultra Violette est un roman particulier, son titre reprend le nom du personnage principal : Violette Nozière. Elle est célèbre pour avoir été défendue par les surréalistes après avoir assassiné son père en août 1933. Au début, j'ai eu peur que ça ne soit que la description d'un fait divers et finalement ça n'est pas le cas.

L'auteur nous raconte aussi sa fascination pour le personnage, elle va jusqu'à lui créer une page facebook, l'impression qu'elle la hante, qu'elle domine sa vie. Violette est un personnage complexe, jeune fille obsédée par la vie, l'envie d'un ailleurs, d'aller voir la mer. Une vie plus facile loin du minable appartement de ses parents, ouvriers au coeur étriqué au 9 rue de Madagascar. Elle est une enfant gâtée qui ne se refuse rien et quand elle ne peut pas l'obtenir elle joue de ses charmes pour avoir l'argent nécessaire à ses folies. Son père personnage trouble, conducteur de train, un peu trop proche de sa fille, sa mère une femme au coeur étriquée.

On suit les folies de Violette, ses rencontres, ses mensonges au départ anodins pour sécher le lycée puis ses rêves de grandeur qui la plonge dans la prostitution. La face A du livre reconstitue sa vie, son arrestation. L'auteur aussi est présente qui nous parle de ses angoisses de la page blanche, de sa difficulté d'écrire, du fait qu'elle se laisse envahir par son histoire et l'impact sur sa vie. le métier d'écrivain est décrit de manière originale et fait de Violette, un spectre, une muse capricieuse, un peu comme l'inspiration. Les descriptions sont précises, le rythme est rapide. J'ai apprécié de découvrir ce rapport auteur-personnage c'est ce qui a retenu le plus mon attention. Par contre, par moment la description des aventures de Violette m'a lassé.

La deuxième partie du livre face B raconte la vie en prison de Violette, et l'après qui vient la chercher le jour de la sortie. Elle énumère différents personnes qui ont gravité autour de Violette et cherche le responsable comme dans une enquête ce qui est original. J'ai aimé cette alternance de fiction, d'autofiction dans le récit. L'auteur utilise les connaissances sur la vie de Violette, les hypothèses en les présentant de manière originale. On est parfois agacé par cette petite fille qui cherche à devenir grande. L'auteur n'essaye pas d'en faire une héroïne, elle montre bien sa face sombre, l'absence apparent de mobile, son égoïsme mais aussi sa fragilité, l'ambigüité de son père. Elle s'amuse avec sa création, créature, fantôme. le personnage de fiction prend peu à peu son autonomie jusqu'à rédiger elle même son histoire. Ce côté fou de l'écriture et de sa création, c'est ce que j'ai apprécié dans l'ouvrage. de même que le fait, qu'elle ne juge pas son personnage et se moque de sa réception.

Donc si vous voulez découvrir comment un personnage peut obséder un écrivain et la manière dont Raphaëlle Riol rend hommage à son personnage, ouvrez ce livre.
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Quel étrange livre qui tient à la fois du roman, de la biographie et du récit, dans lequel tout s'emmêle, le vrai et le faux, la vie et le rêve. Raphaëlle Riol a une façon bien particulière de nous raconter l'histoire connue de tous, mais finalement si peu dans ses détails, de Violette Nozière, parricide de 17 ans condamnée à mort en 1933.
L'auteure, ou la narratrice évoque le quotidien de Violette au 9 rue de Madagascar. C'est une fille unique choyée, mais si mal, par des parents un peu trop ordinaires pour cette adolescente qui rêve d'autre chose. Un père cheminot, une mère au foyer, une vie dans un appartement trop petit, elle souffre de cette promiscuité malsaine, surtout le soir quand elle doit s'endormir dans la pièce principale, après le dîner et l'invariable partie de belote, quand les parents s'aiment bruyamment dans leur lit, dans cette chambre contiguë à la porte jamais close.
Fuguant et fuyant le lycée et ses élèves un peu trop dociles, Violette rêve de bijoux, de fourrures, de belles toilettes. Elle fume, traine dans les bars, puis dans la chambre 7 du petit hôtel de la rue Victor cousin, dans cette chambre où enfin elle trouve le calme et la solitude, quand les amants de passage sont repartis, après avoir payé un bien léger écot. Difficile de vivre ainsi, il faut partir en douce le soir, tricher dans la journée, voler les billets de banque cachés un peu partout dans l'appartement pour se payer cette légèreté, cette part de rêve à laquelle elle aspire tant. Plus le temps passe, plus Violette étouffe dans cet appartement du 9 rue de Madagascar. L'issue fatale pour les parents devient une évidence. La voilà parricide, accusée, condamnée, puis muse improbable des surréalistes, prisonnière modèle, puis vient la libération et la vie autrement.
Raphaëlle Riol invite Violette dans son récit, la narratrice vit avec elle, s'entretient avec elle, pense pour elle. Viennent s'ajouter quelques scènes supposées vécues au moment de la sortie de prison de Violette, toutes en suppositions aussi hasardeuses les unes que les autres. Etrange roman où le réel et l'imaginaire interférent pour un dialogue entre l'auteure et son personnage, pour une relation étrange dans laquelle se perdra la narratrice. J'ai particulièrement aimé ce décalage de l'écriture, ce tutoiement de la narratrice envers Violette, qui est là, présente puis absente, jusqu'à la rédemption ou la perte. Une écriture très agréable, ciselée, réaliste et effrontée pour un livre bien singulier.

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Dans ce récit, l'auteure nous prévient tout de suite: "Fiction librement inspirée de faits réels".
Elle invite le fantôme de Violette Nozière chez elle le temps de l'écriture du livre.
L'idée est très originale, et cela aurait vraiment pu me plaire mais voilà, bien que le récit soit très bien documenté, je n'ai pas accroché et c'est une belle déception pour moi.

Vous connaissez Violette Nozière?

Le 21 août 1933, Violette Nozière, âgée de 17 ans, empoisonne ses parents, son père en décède. Elle l'accuse d'inceste. Ce fait divers sordide suscite, dès l'arrestation de la meurtrière, un déchaînement de passions. Les Intellectuels la soutiennent, les Surréalistes font d'elle une héroïne, une muse.
Son procès connait un retentissement national et l'opinion est divisée.
Condamnée à mort, sa peine est commuée en travaux forcés, puis réduite par trois chefs d'Etat successifs. Elle sera libérée en 1945, elle a alors 30 ans.
Elle se mariera, aura cinq enfants et sera réhabilitée trois ans avant sa mort, en 1963.

Dans le petit deux-pièces du 9 rue de Madagascar, une promiscuité que Violette ne supportait plus.. Des parents qu'elle exécrait. Elle étouffait..
Elle avait envie d'espace, de confort, d'amusement, de belles robes, de chants, d'ivresse, de liberté.. Et puis elle voulait voir la mer..
"Sentir l'iode, le vent frais, goûter l'eau, y tremper ses pieds, voir l'horizon,
Respirer, inspirer, s'évader..
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Une grosse déception.

Je partais pourtant gaiement, la fleur au marque-page et sans a priori sur cette lecture. le livre tourne (ou est censé tourner) autour de Violette Nozière, ado parricide apparemment superstar dans les années 30 et au-delà. le nom me disait vaguement quelque chose. Raphaëlle Riol était, elle, une totale inconnue pour moi.

Sauf que… ultra Violette ne tourne pas exactement autour de Violette Nozière. Mais plutôt autour de Raphaëlle Riol et Violette Nozière. L'auteur se met (allègrement) en scène, côtoie son personnage qui se tape l'incruste chez elle, lui fait acheter des trucs, semble avoir un impact fort sur sa vie. Bon.

Sauf que ce procédé de l'auteur qui s'invite dans le livre, ça m'a gonflé. Loin de moi l'idée de faire un procès d'intention à Raphaëlle Riol, mais j'ai eu l'impression d'une auteur qui voulait tirer la couverture à soi. Ce n'est certainement pas le cas, mais je n'ai pas aimé. D'autant plus que ça ne me semble pas apporter grand-chose au livre. Les interactions entre l'auteur et son personnage m'ont apporté, au mieux, quelques bâillements, ce qui est rarement bon signe.

D'un autre côté, il faut bien avouer que le style est plutôt agréable, bien écrit, les phrases bien tournées. Bien documenté aussi, rendant la frontière fiction/documentaire assez fine. En revanche, sur le personnage de Violette Nozière elle-même, là rien. le personnage est parfaitement antipathique, égoïste, menteur, voleur et artificiel. Zéro sur le casting d'ultra Violette donc.

La déception vient aussi du fait que l'idée du livre est vraiment intéressante. Ce côté biographie romancée, la deuxième partie toute en imagination avec les scènes supposées (pas du tout accroché sur ça non plus ceci dit mais j'aime l'idée), l'écriture à la deuxième personne du singulier avec l'auteur s'adressant à Violette Nozière, le style,… bref ce livre a quelque chose de singulier.

Et puis au fond, le personnage de Violette Nozière en lui-même n'a pas grand-chose d'intéressant je trouve, alors un roman sur elle… bof. Pas non plus envie de voir le film de Chabrol pour le coup. Même avec Isabelle Huppert. C'est dire.
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Pas facile d'écrire un commentaire de lecture sur "ultra Violette" de Raphaëlle Riol !
Prenez une auteure - Raphaëlle Riol, par exemple. Prenez une jeune fille de 17 ans accusée de parricide en 1933, adulée par les Surréalistes, abhorrée par la vox populi, condamnée à mort, graciée, réhabilitée - Violette Nozière puisque c'est elle dont il s'agit. Imaginez que la première projette d'écrire sur la seconde. Ecrire un roman. Mais Violette Nozière n'était-elle pas d'emblée un personnage de roman ? Que le Diable me patafiole si cette vie-là ne fut pas romanesque !
Sauf que Violette Nozière n'est pas un personnage de fiction. A tel point qu'elle s'invite insolemment dans l'élaboration du roman, dans le studio, dans la vie de l'auteur jusqu'à devenir présence obsédante et donner son avis sur les pages qui la concernent, et même s'insinuer dans les pensées de celle qui revisite son histoire.
Vous voyez le dilemme ? Vous appréhendez l'ampleur du problème (et donc du roman) ? Voilà une auteure réelle devenue personnage de son propre roman et confrontée à son héroïne réelle de fiction !
De cet inextricable écheveau littéraire, Raphaëlle Riol tire des fils, malicieux, ironiques et subtils, qui détricotent un mythe pour laisser entrevoir l'histoire vraie juste avant de tisser une nouvelle fable qui, au centre d'un motif chatoyant, fait se percuter la figure de l'écrivain aux prises avec son travail d'invention et celle de son énigmatique personnage. Face A.
Face B : c'est le visage de Violette Nozière qui émerge comme en une anamorphose révélée par cette lumière ultra violette que projette Raphaëlle Riol sur l'histoire et sur les faits. Une lumière noire pour l'Ange noir.
Dire que la construction de ce roman est d'une intelligence et d'une finesse diaboliques n'est guère suffisant. Il faut aussi parler de l'écriture qui surfe sur différents registres, se nimbe de poésie, se roule dans le concret, éclate d'impertinence et de malice tout en charriant des questions passionnantes.
"ultra Violette" est ma première lecture de Raphaëlle Riol. Je vous l'affirme : ce n'est pas la dernière !
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Violette Nozières, la parricide, l'égérie des surréalistes et le film de CHABROL avec Isabelle HUPPERT. Un personnage dérangeant dans le PARIS de l'après guerre, une enfant perdue au père pas trop clair et un milieu modeste mais surtout étouffant. Une famille nucléaire, sans ouverture sur l'extérieur et une jeune femme qui veut s'évader. L'auteur prend le pari de la rencontre avec la morte et au fur et à mesure de l'écriture, à son invasion par Violette, son envahissement, un fantôme qui la hante/la nourrit. J'ai bien aimé ce roman qui se lit vite. J'ai eu de la peine pour la parricide qui n'a pas été comprise et dont personne n'a surtout cherché à comprendre le geste. Les photos ne doivent pas rendre justice à son charme et sa personnalité, mais l'auteur lui redonne son humanité. le titre m'a fait penser à l'égérie de WARHOL, Ultra Violet, survivante du velvet underground et de la Factory, française devenue américaine, de son vrai nom Isabelle Dufresne, artiste, sortie de son rang de jeune fille catholique bien sous tous rapport, pour devenir la maîtresse de DALI. Un livre à découvrir !
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N°964– Septembre 2015

ULTRA VIOLETTE – Raphaëlle Riol – Le Rouergue.

D'emblée, l'auteure donne le ton, c’est « une fiction librement inspirée de faits réels ». Même si on veut ramener cette affaire à un fait divers comme on a été tenté de le faire, il n'en reste pas moins que le nom de Violette Nozière reste attaché dans la mémoire collective à un parricide particulièrement atroce : empoissonnement de ses parents par une fille encore mineure avec décès du père. Nous sommes en 1933 et la presse se déchaîne, dénonçant les amants d'origine étrangère de la jeune fille avant que la politique ne s'en mêle, la droite voyant en Violette une enfant de l'après-guerre en manque de repères et friande de liberté mais qui accuse son père d'inceste, la gauche en faisant la victime d'un ordre social dépassé. Les intellectuels s'en emparent, les surréalistes y voit une garçonne aux cheveux courts, l'image même de la révolte et même une muse, mais ceux qui en profite le plus, ce sont les journaliste car cette affaire nourrit leurs ventes. Comme les grandes affaires judiciaires, son procès a un retentissement national et l'opinion est divisée. Condamnée à mort, sa peine est commuée en travaux forcés, puis réduite par trois chefs d’État successifs. Violette est finalement libérée en 1945, elle a alors 30 ans. Elle se mariera, aura 5 enfants et sera réhabilitée trois ans avant la mort en 1963. Cela c'est pour les faits qui n'apparaissent d'ailleurs qu'en filigrane dans ce roman, l'auteur préférant Violette à sa biographie. Elle s'attache en effet à la personnalité de cette jeune fille de 17 ans qui sort de l'enfance et qui doit choisir ce que sera sa vie entre la recherche de l'argent et celle de l'amour, entre le vice et la vertu, entre l'ennui du jour et l'ivresse de la nuit, souvent décevante. L'auteure choisit d'y voir une rebelle, en rupture avec sa famille et avec l'école auxquelles elle préfère la recherche du plaisir et de la vie facile, entre passades et prostitution. Elle évoque les relations difficiles avec ses parents, une défloration sans joie, l'inceste, la syphilis, un lent parcours vers le meurtre ... Puis ce seront douze années d'emprisonnement, une repentance aux accents mystiques, la bonne conduite et la promesse d'entrer dans les ordres qui lui vaudront sa libération, mais tout cela lui importe peu.
C’est effectivement une fiction puisque l'auteur invite Violette, en fait son fantôme, chez elle. Comme lecteur j'ai été d'abord dubitatif devant cette sorte de fiction d'outre-tombe mais je suis entré dans ce jeu. J'ai assez dit dans cette chronique et ailleurs combien j'aime la fiction, alors pourquoi pas ? L'auteur choisit donc une intimité avec Violette, ainsi se tisse une sorte de monologue où elle la tutoie comme si elle la connaissait de longue date, lui assène des vérités sur sa vie, sur sa manière de la conduire, « touille dans son passé » comme elle le dit , dénonce sa mythomanie qui va m’entraîner dans un tourbillon malsain, loin de la réalité. Mais cette invitation de la romancière n'est pas sans risque « Je savais que j'allais devoir régler des comptes avec la vie et avec l'écriture » avoue-t-elle puisque cette femme irréelle, immatérielle prend bientôt corps, s'installe dans la vie de la romancière, l'observe en silence, impose sa présence, l'intimide même. Elle veut revoir les lieux qu'elle hantait de son vivant et qui l'avaient fait vibrer mais du temps avait passé et elle n'y avait plus sa place, elle n'était plus qu'un spectre...Cette dimension qu'elle prend par rapport à l'auteur, j'y vois, pour l'avoir maintes fois éprouvé dans l'exercice de la création littéraire, la marque de la liberté intrinsèque du personnage par rapport à son créateur. On pense que c'est l'auteur qui tire les ficelles de son roman, qui en contrôle le scénario, mais la réalité est bien différente qui voit, au fil des pages, la créature de papier lui imposer sa volonté. Cela suppose que l'auteur accepte d'assumer un rôle auquel elle n'avait pas forcément pensé, même si ce dernier devient une sorte de supplice au terme duquel Violette échappe à Raphaëlle, l'occasion d'une analyse du processus même de l'écriture qui est ici mise en œuvre. Ainsi y a-t-il non pas un mais deux personnages dans cette fiction, Violette bien sûr mais aussi la narratrice qui la regarde vivre tout en retraçant son histoire. Elles deviennent peu à peu comme complices, pire même Violette usurpe l'identité de Raphaëlle pour la suite des événements ce qui rend le lecteur plus attentif au déroulé de ce récit alternativement émouvant et violent.

Ce roman est divisé en deux parties bien distinctes « Violette face A » qui évoque les faits, la personnalité de l'accusée mais pas le procès ni l'incarcération, en insistant sur cette complicité entre les deux protagonistes de cette fiction. Après tout c'est une façon originale et personnelle de présenter une affaire. De plus l'analyse du principe créatif et du phénomène de l'écriture, qui est le matériau du roman et la genèse de la création littéraire, ont emporté ma totale adhésion. Dans « Violette face B » on l'imagine en 1945 sortant de prison attendue par un mystérieux visiteur, le début d'une deuxième vie, romancée, imaginée, conclue par Violette elle-même, devenue à sa manière une sorte de romancière. Pourtant si la première partie du roman évoque les années d'errance de Violette, la deuxième est une somme de scénarios fictifs qui s'attache non plus à la criminelle mais à la femme maintenant libre, devenue un personnage de roman. Si j'ai complètement marché dans le jeu du personnage qui prend le pas de son créateur, le manipule et même le malmène au point que cette cohabitation doit se terminer[Après tout s'il peut exister une liberté du personnage, celle de l'auteur reste entière et il peut, à tout moment interrompre le processus d'écriture et donc la fiction.], les ratiocinations de la deuxième partie, avec l'usage de Facebook pour faire plus moderne, m'ont laissé indifférent. J'ai même eu l'impression que l'auteur non seulement se détache de son sujet mais souhaite s'en débarrasser comme si elle regrettait cette démarche créatrice qui s'était muée en une manière de la phagocyter. C'est un peu comme si cette fiction faisait écho à la « Violette Nozières » censurée des surréalistes, une façon de s'inscrire dans un phénomène de résurrection ou de deuxième réhabilitation, la revisite d'un mythe. Après Tout la réalité prend le pas sur la fiction et les choses, un moment bousculées par l'imagination de l'auteure, reprennent leur vraie place, la vie de Violette Nozière devenue Germaine Hezard fait valoir sa réalité, comme une victoire sur tout cela.
C'est un roman riche en vocabulaire, bien documenté qui, découpé en courts chapitres, a l'avantage de se lire facilement. Pour autant il laisse place, en ce qui me concerne, à une sorte de déception.

Hervé GAUTIER – Septembre 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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