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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Certes, comme le dit Roblès, « L'auteur aurait pu situer le sujet de sa pièce dans l'Antiquité romaine, l'Espagne de Philippe  II, la France de l'Occupation, etc. » ; les cruautés, les massacres, ne sont pas spécifiques aux colonisateurs que combattit le Libertador Simon Bolivar, et le dramaturge vise une dimension universelle puisque «depuis des siècles et sur toute la surface du monde la même douleur a fait hurler des hommes». Quant à «cette manière terrifiante qu'ils ont de nier les hommes... Vous le voyez bien que, pour eux, la vie humaine, la dignité humaine ne compte pas.», que ce soit dans l'histoire ou le présent de l'humanité, on ne peut que constater que Roblès touche juste. Mais j'ai bien apprécié le fait que la pièce parle d'une histoire que je connais très mal, celle de la lutte bolivarienne pour l'émancipation des colonies espagnoles d'Amérique du Sud.

La lecture est prenante, c'est efficace et poignant. Le dilemme roblèsien est émotionnellement fort et porteur de réflexions intéressantes:
« Six personnes vont être enfermées ici, dans cette salle, avec toi. Des gens pris au hasard, dans la rue. [...] Dans une heure, si tu n'as pas dénoncé l'endroit précis où se cache Bolivar, ils seront fusillés. »
Brrr… mais quelle noirceur ce lieutenant espagnol, Izquierdo, du vrai méchant inhumain et barbare qu'on a tant de délicieux effroi, de plaisir frissonnant à détester! Il connaît bien l'héroïque Montserrat, Izquierdo, il sait que le torturer à mort serait inutile, il doit faire preuve de créativité s'il veut avoir une chance de le faire parler, d'où cette cruelle torture psychologique qui fait frémir le spectateur en plaçant le protagoniste devant un terrible choix: condamner des innocents à la mort ou détruire l'espoir de libération porté par Bolivar - « Si je livre Bolivar, dit Montserrat, ce n'est pas Bolivar seul que je livre, mais la liberté, la vie de plusieurs millions d'hommes! »
C'est dur, c'est tragique, on tremble évidemment, et même si ça ne donne pas exactement dans l'ultra-finesse ça fait du bien d'être à mille lieux du théâtre où l'on s'ennuie à cent sous de l'heure avec des platitudes.
C'est pas bien moderne, ni cynique ni àquoiboniste, c'est daté de 1947, on a un vrai héros héroïque plein de noblesse morale et luttant contre l'oppression - j'avoue, c'est un peu ringard mais j'aime ça!
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Il y a des pièces de théâtre qui font l'effet d'un coup de poing quand on les lit (je me souviens encore du choc ressenti en lisant l'Antigone d'Anouilh en quatrième), et Montserrat est de celles-là.
C'est une lecture intemporelle qui ne pourra laisser personne indifférent. L'histoire se déroule au Vénézuela durant les luttes pour l'indépendance, mais elle pourrait se passer n'importe où et n'importe quand. Quant au dilemme auquel doit faire face Montserrat, on se demande tout au long de la pièce ce qu'on ferait à sa place...
Ce texte écrit juste après guerre n'a donc pas pris une ride et pose des questions morales toujours valables.
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Ce livre a pour sujet la guerre civile qui sévit au Venezuela au XIXe siècle et plus précisément le cas de conscience que subit un officier espagnol du nom de Montserrat.

Emmanuel Roblès a su décrire avec rigueur le déchirement que subit notre héros mais également le désespoir des otages, la panique qui les envahit progressivement. Poignant, ce texte témoigne brillamment de la cruauté qui a régné pendant cette sombre période de l'Histoire vénézuélienne. C'est l'une des rares pièces de théâtre qui m'a subjugué.
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Cette pièce en 3 actes d'E. Roblès, ami adoubé d'Albert Camus, raconte la confrontation affolante entre Izquierdo, lieutenant espagnol chargé, en 1812, de mater la révolte vénézuélienne, et de Montserrat, autre officier espagnol qui a trahi son camp en sauvant Simon Bolivar, chef de cette rébellion. Pour faire avouer à Montserrat où se cache Bolivar, Izquierdo va employer une vieille méthode des dictatures de tout temps (nazie, staliniste ... et ici colonialiste) et va faire exécuter un à un des otages innocents jusqu'à ce que Montserrat parle ...
Si ces otages sont attrapés au hasard sur la place publique par les bourreaux, l'auteur, lui les a bien choisis (la mère de 2 jeunes enfants, un comédien renommé (qui devra tenir son rôle*), un riche commerçant amoureux, une jeune femme acquise à la révolution...) afin de donner une dramaturgie et une tension extrême a la confrontation des deux adversaires. Alors, suspens ... Montserrat, forcé, psychiquement torturé, trahira-t-il une seconde fois ?
Le duel entre Izquierdo, le tortionnaire cynique « Vous êtes innocents ! Vous êtes coupable ... d'innocence » et sadique «* Quel grand comédien tu es ... L'âme dure et fière d'Ascasio t'habitait vraiment ce soir-là ! Mais lui pleurait sur ses compagnons perdus et non sur lui-même » et Montserrat, l'idéaliste humaniste luttant contre l'injustice « ... c'est cette liberté qui me torture en ce moment plus que la certitude de mourir ? » ; ce duel est arbitré par le Père Coronil, représentant d'une religion hypocrite et vendue au pouvoir.
Il est donc question dans cette salutaire lecture, de l'éternelle lutte entre la liberté, la dignité humaine, sa nécessaire responsabilité et le pouvoir asservissant d'abominables dictatures lâches et fanatiques. Comme l'a précisé l'auteur, il aurait pu situer cette confrontation en d'autres lieux, à une autre époque de l'Histoire, elle est hélas universelle. Allez, salut.
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Avec mon Amie Nadou, nous avons joué à un jeu. le principe était de proposer 3 thèmes et sous chacun d'eux, se cachait un livre. J'ai choisi l'histoire et « Montserrat » fut mon défit littéraire. J'avoue qu'à première vue, je n'ai pas du tout été emballé et j'ai presque regretté d'avoir participé. Il faut dire que le théâtre n'est pas du tout un genre littéraire qui m'attire, sans parler de l'Amérique latine dont je ne suis pas forcément captivé.

Pour reprendre les paroles traduites d'un célèbre groupe de musique : « L'homme blanc est venu et a tout pris ». Je reviendrais pas sur la colonisation, après tout c'est une affaire de nos lointains aïeuls que nous ne pouvons que critiquer. L'homme blanc est venu, a pillé, a violé, souvent en l'honneur d'un Dieu. Les guerres révèlent le vrai visage de l'être humain.

Reconcentrons-nous un peu sur « Montserrat ». Cette pièce de théâtre de 1948 revient sur une période obscure méconnu, voire inconnue, en France, sur la guerre civile du Venezuela. L'auteur, Emmanuel Roblès, nous dépeint des personnages antipathiques, parmi lequel se cache un homme censé du nom de Montserrat. Je ne reviendrais pas sur l'intriguqe, puisqu'il vaut mieux la découvrir soit même.

Il est intéressant de voir, par le jeu des acteurs, le questionnement du monstre. Pour les otages, il ne peut s'agir que de Montserrat, alors que celui qui le vrai dément n'est autre que le premier lieutenant. La liberté d'un peuple est le prix de quelques âmes.

C'est un récit bouleversant, percutant, philosophique, je dirais même une vision de l'être humain. le format théâtral m'a un peu dérangé dans mon confort de lecture, mais il s'agit là d'une belle découverte. Merci Nadou et j'espère que ton voyage en Scandinavie se passe à merveille ;)
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Magnifique découverte que cette pièce d'Emmanuel Roblès, Montserrat, que je ne connaissais pas. Que de force et d'intensité dans un format aussi court ! Merci donc au professeur de Français de ma fille de l'avoir mis à son programme, ce qui m'a fait acheter ce livre et le lire.

Dans un huis-clos étouffant, Izquierdo bras droit du général espagnol Monteverde, va tenter de faire avouer à Montserrat, officier de la même armée occupante, où se cache Bolivar qu'il a aidé à fuir, faisant de lui un traître.

Pendant une heure, il va user pour cela de la menace - l'exécution de six innocents pris au hasard dans la rue - de la violence, de la religion - insupportable Père Coronil - mais surtout de l'appel à la conscience, à la raison, au remords, à la contrition... Bref, une véritable tentative de démolition humaine et morale comme seuls les pouvoirs totalitaires peuvent en avoir l'incroyable capacité de justification.

Une découverte passionnante, que je suis bien heureux de savoir enseignée à nos enfants au lycée.
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On est dans cette pièce à la facture très classique, loin des expérimentations formelles qu'a pu connaître le XXème siècle. Aucune visée esthétique dans cette littérature mais bien une prétention morale. Par ce huis-clos théâtral écrit peu de temps après la seconde guerre mondiale, Roblès a pour ambition d'exprimer des idées politiques sur l'engagement, la valeur et les limites de la résistance face à la l'oppression, sur les limites de l'obéissance et de la loyauté, sur la légitimité de la domination ou de l'occupation. Il rassemble des personnages très simplifiés, qui symbolisent chacun des positions type face aux questions posées. Sa pièce est presque une expérience de confrontation de positions théoriques. Hormis le moment où Montserrat semble être assailli par le doute, les personnages ne sont pas dans l'ambiguïté.

Je trouve que l'on ressent bien que chaque personnage a sa propre rationalité, que chacun construit son argumentaire de manière rationnelle. Même le camp le plus inhumain et le plus monstrueux a sa propre logique, a de bonnes raisons pour mener ses horreurs. Et il existe aussi des arguments à défendre face à la position de Montserrat, qui se place du côté des opprimés.

L'époque actuelle où la vie humaine a probablement plus de valeur qu'autrefois, où le bonheur individuel a pris le pas sur le bien collectif, offre une lecture possible de la pièce probablement très différente de celle qu'ont pu avoir les contemporains de Roblès : n'est-elle pas finalement une dénonciation des idéaux, quels qu'ils soient, au nom desquels les violences finissent toujours par se déclencher ?
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Une claque, voilà l'impression que l'on a en refermant le livre! Une émotion qui vous saisit à l'image du récit : violente. Une pièce magistrale en trois actes écrite en 1948, au sortir de la deuxième guerre mondiale. Emmanuel Roblès situe son histoire au début du XIXème, lorsque les Espagnols vivent l'invasion française en 1812 sur leurs propres terres (couverture illustrée avec le tableau El tres de Mayo 1808 de Francisco de Goya), et dans le même temps oppriment les vénézuéliens qui tentent de se libérer du joug de leurs colonisateurs en Amérique Latine. Les Espagnols opprimés et oppresseurs, comme de nombreuses puissances au XXème siècle. le début de la lecture a été difficile en ce qui me concerne de par la violence qui se dégage de la guerre : on pille, on viole des femmes, des jeunes gens, on torture, on tue gratuitement pour montrer que l'on détient le pouvoir. La domination masculine, notamment lors des guerres, qui utilise la femme comme un objet, un trophée, une récompense, leur niant par là toute humanité me donne profondément la nausée. Mon coté trop sensible sans doute. Toutefois, dès lors que l'on s'implique moins dans la lecture d'un point de vue émotionnel, on se prend très vite à l'histoire, qui est fascinante, terrifiante et qui bien sûr amène tout à chacun à réfléchir. Nous avons un huis-clos angoissant, oppressant qui nécessite un choix : Bolivar, lieutenant de Miranda désormais capturé, représente l'espoir pour les Vénézuéliens de retrouver leur indépendance. Les espagnols sont sûrs de la capturer car l'homme est blessé et ils savent où il se cache : mais voilà, lors de la descente, Bolivar est parvenu à s'enfuir. Très vite les Espagnols comprennent qu'il y a une taupe dans leur rang : l'officier Montserrat. Ce dernier n'accepte plus en effet la façon d'opprimer les vénézuéliens, alors que finalement de l'autre côté de l'océan, les espagnols vivent la même chose à cause des français. Il a donc prévenu Bolivar du danger car ce dernier représente l'espoir pour tout un peuple. Montserrat sait qu'il va mourir pour cette trahison. le huis-clos s'organise entre officiers de l'armée, un prêtre, et des civils. Tout le monde peut ainsi se reconnaître dans la pièce puisque toute la société est représentée. Izquierdo, lieutenant espagnol, veut obtenir de Montserrat toutes les informations dont il dispose afin de capturer Bolivar. Pour le faire parler, il organise un chantage effroyable, d'une simplicité infantile : les espagnols capturent six civils au hasard. Ils donnent une heure aux otages pour faire parler Montserrat. S'il ne dit rien, les otages seront fusillés. Parmi les otages, deux femmes et quatre hommes d'univers différents : un espagnol comédien, un jeune homme de vingt ans, un potier père de cinq enfants, un riche marchand venant de se marier, une jeune fille de 18 ans et une mère de famille avec deux enfants en bas-âge. Commence alors l'angoisse, la pression psychologique : le lecteur écoute les arguments des uns et des autres et ne peut rien faire d'autre que de réfléchir aux actes des uns et des autres. La religion est prise à partie : tantôt elle défend les opprimés, tantôt elle justifie les crimes commis. La liberté incertaine d'un peuple grâce à un lieutenant blessé contre la vie de six innocents. Izquierdo se montre intraitable en bourreau, près à commettre les pires crimes et avouant ses faiblesses d'homme blessé. Tout cela est triste pour la nature humaine. Choisir, c'est renoncer. Quel choix fera donc Montserrat?

De nombreuses questions se dégagent du récit : comment l'imminence de la mort nous amène-t-elle à nous comporter : serons-nous courageux? lâche? désespéré? Quelle place pour la religion dans nos vies terrestres? Faut-il se rebeller contre ce qui nous paraît injuste? Les sacrifices en valent-ils la peine? La force magistrale du récit est que cela marche en changeant d'époque et de lieu : la douleur des massacres est universelle. Parviendrons-nous un jour à éradiquer ces cruautés, tout cela pour un bout de territoire, pour montrer que l'on a du pouvoir, pour assouvir un désir de domination? La question reste ouverte.



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