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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"C'est à Port-Soudan que j'appris la mort de A. .. Un fonctionnaire déguenillé , défiguré par la lèpre, porteur d'un gros revolver noir dont l'étui était noué à la ceinture par une lanière de fouet en buffle tressé, me remit la lettre vers la fin du jour. Son visage sans lèvres, aux oreilles en crête de coq , était un perpétuel ricanement. On eût dit son corps sculpté dans le bois sardonique d'une danse macabre. Comme presque tous ceux qui survivaient dans la ville, son office principal était d'ailleurs le racket et l'assassinat. Comment s'était-il procuré le pli, je l'ignore. Peut-être l'avait-il volé à la Mort elle-même."

C'est le tout début de ce texte déchirant. Ils étaient deux amis, et A. s'est suicidé. Ils étaient deux amis, et l'auteur végète,écrasé d'ennui, au fin fond de l'Afrique. Deux amis qui avaient cru à des autres possible, et que la réalité a rejoints comme elle rejoint tout le monde. Sauf que les concessions , l'acceptation , le «  vivre avec » ne leur était pas permis. Les rêves et les idéaux trahis, certains ne s'en sont jamais remis.
En partant enquêter sur la mort de A., le narrateur sait bien que c'est sur une double disparition qu'il enquête, et que c'est finalement aussi sur lui , mais aussi sur leur jeunesse commune , sur leur double identité, qu'il va se pencher. Douloureusement .
"Nous n'avions jamais très bien su , et ce fut apparemment notre faute, dans quel monde nous étions…".Et, rentré à Port Soudan, il va écrire , pour lui, pour eux,à deux. Pour nous:
" de l'espoir que nous avions eu d'aller vers le monde des dieux en engendrant dans la beauté, il ne subsistera que ce pauvre témoignage."

C'est un très beau texte, qui saisit dès les premières lignes par sa force désespérée et qui témoigne de la valeur du geste littéraire, faire revivre par les mots.

"Je me souviens de A. , je lis et relis ce que Conrad écrit de Lord Jim, un des livres qui ne me quitte pas ici, qui m'accompagnent depuis des années, corné, jauni, annoté de réflexions que plus d'une fois, je dois le reconnaître, m'a inspiré l'ivresse , à la reliure cassée, aux pages maculées de moustiques écrasés et de chiures de cafards, tachées d'alcool, de sueur et, je le crains bien, de larmes, mais qui constitue un de mes derniers liens avec le monde où il existe, pour peu de temps encore, des livres: c'est à dire de la douleur transcrite en lettres sur du papier et non, comme ici, directement gravée dans la chair: " Tout ce que Stein lui-même trouvait à m'en dire, c'est que c'était un romanesque. Et moi, tout ce que je savais, c'est qu'il était l'un de nous. de quoi se mêlait-il ,en étant romanesque? Si je vous parle autant de mes sentiments instinctifs et de mes réflexions brumeuses, c'est qu'il ne me reste plus grand chose à dire de lui. Il existait pour moi et somme toute, c'est par moi seulement qu'il existe pour vous. "
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Un des plus splendide livre que j'ai jamais lu.
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Ce roman écrit en 1994 a reçu le prix Fémina. Les thèmes abordés dans ce livre ont un caractère presque intemporel parce qu'il nous offre des éléments de réflexions et d'expériences vécues qui peuvent correspondre à toutes les époques. Pour cela ce roman nous est nécessaire ! 
Le personnage principal est le narrateur. Il habite Port-Soudan et par un curieux hasard, il apprend la mort de son ami prénommé A. Il décide de rentrer à Paris aussitôt.
A s'est suicidé mais pourquoi ? C'est toute la question et son ami vient chercher des réponses.
Un véritable compte à rebours s'engage avec le narrateur et une sorte de chassé-croisé mêle son existence et celle de A.
Tous les deux sont des amis de longue date. Leur amitié s'est mêlée à Mai 68 et ses utopies. Ils y croyaient à la construction d'une société plus juste, mais cette intensité qui a embrasé leur jeunesse s'est éteinte bien vite. le bilan est difficile à admettre, Mai 68 n'a pas changé la société comme ils le désiraient.
Ce triste constat a séparé les deux amis. A est resté en France, il est devenu écrivain. Son ami a pris la mer pour finir « harbour master » à Port-Soudan.

Olivier Rolin nous raconte l'histoire de ces deux amis qui sont devenus des naufragés, dans un monde peuplé d'épaves.
Ce sont des naufragés d'un monde qui n'existe plus :  naufrage de leurs idées, naufrage de leurs rêves et naufragés de leur passé.
Mais ce qui a tué A c'est la fin dramatique de son histoire d'amour. Comment A est devenu une épave imbibé d'alcool et d'anti-dépresseur ? C'est sa femme de ménage qui le raconte. Elle est le témoin du naufrage de l'écrivain.
Le narrateur écoute ce terrible constat. Il sait que les chagrins d'amour sont dévastateurs, il nous raconte le sien, similaire à celui de son ami. Il a juste eu la chance de le vivre plus jeune. La jeunesse se sort plus vite des impasses où la vie l'entraîne.
la fin de son histoire d'amour laisse A tel un naufragé qui n'arrive plus à refaire surface. le désespoir va le faire sombrer. A est devenu une épave comme ces bateaux à quais à Port-Soudan que nous décrit le narrateur. Port-Soudan et ses trafics : un monde déstructuré qui avilit les êtres humains en les traitant pire que des esclaves. En comparaison, la France pays très structuré produit une forme d'avilissement des êtres humains en les rendant dépendants d'une technologie.
Des deux amis et leur rêves d'une société plus juste, il ne reste que les épaves d'un bonheur qu'ils désiraient autre et quelques souvenirs. Dorénavant, la société offre du bonheur avec des jeux d'argent, les courses, le loto, la bourse et la télévision…

Port-Soudan est un roman magistral pour l'originalité de son histoire, pour ses analyses précises sur le monde, par l'extrême qualité de son écriture et de son style. Port-Soudan est un livre poignant ce qui le rend précieux à garder près de soi. Un livre à lire et à relire...  
Lien : http://ecriberte.over-blog.c..
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Je n'ai pas encore lu tous les Rolin mais celui-ci est sans doute le meilleur. On évite le démarrage qui patine et on découvre un style au travers de phrase très longues et très subtiles. On n'échappe bien entendu pas aux digressions de ce spécialiste de l'errance (pas seulement géographique), mais au détour de l'une ou l'autre survient l'émotion quand on arrive au coeur de la question après avoir enlevé toutes les fioritures autour. Quel est ce coeur ? Il faut lire le livre pour le savoir.
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Celui qui n'a jamais connu le chagrin ne trouvera rien dans ce livre, celui qui l'a connu s'y retrouvera comme dans un miroir.
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