Trois ans que je n'avais lu de théâtre...! Impossible, impensable. J'en lisais tellement pendant des années... J'ai donc décidé de rattraper cela durant ce mois de vacances confinées avec rien de moins que Knock. Riez, riez : C'est avec une vidéo de Luchini l'année dernière, lisant un passage dont le miroir avec ce que nous vivions et vivons toujours était absolument sidérant, que j'ai découvert cette pièce pourtant culte dont je n'avais jamais entendu parler auparavant. Il n'est jamais trop tard ! Depuis, elle était sur la liste de mes lectures d'urgence, et je m'y suis enfin attaqué...
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore : Knock est un Docteur escroc, fou, mégalomane, qui estime que le bien-portant n'existe pas et est en réalité un malade qui s'ignore (rien que ça, le parallèle avec Co-Vid Land saute aux yeux, et pourtant, la pièce a été écrite en 1923 et n'avait certainement pas cette visée...) La pièce se situe dans la belle région des Alpes. le Docteur Parpalaid, médecin historique du village de Saint-Maurice, décide de vendre son cabinet pour finir sa vie sur la scène de la médecine (c'est ainsi qu'il la présente !) en ville, à Lyon. Knock saute sur l'occasion mais se sent floué quand il apprend que personne dans le village n'est jamais malade ou ne se rend volontiers chez le médecin. Il va alors exposer le début de sa théorie et de son plan. C'est l'acte I déjà très drôle, autour de la fameuse auto dont s'enorgueillit Parpalaid, dispositif théâtral aussi simple qu'efficace. Les débuts de Knock recruté sur un bateau en tant que médecin alors qu'il n'était même pas encore docteur en médecine, et où tout le bateau était ensuite cloué au lit, étaient annonciateurs...
L'acte II est une suite de scènes où des patients défilent face à Knock et où ils en ressortent avec diagnostic dramatique et résultat que vous pouvez imaginer. Knock les avait attirés avec l'appât de la consultation gratuite et grâce au Tambour de Ville.
L'acte III est véritablement le climax, avec tout un hôtel transformé en hôpital de fortune et où, face à Parpalaid qui revient et reste médusé face au spectacle, Knock se lance dans des tirades absolument hallucinantes sur son hybris de vouloir créer un univers, allumer des étoiles dans la nuit, autant d'étoiles qui sont les veilleuses des malades qu'il a crées, et que l'on peut véritablement enfermer tout un village dans sa chambre (cela vous rappelle-t-il quelque chose ?). Et la fameuse réplique citée par Luchini : "Vous me donnez un canton peuplé de quelques milliers d'invidus neutres, indéterminés. Mon rôle, c'est de les déterminer, de les amener à l'existence médicale. Je les mets au lit, et je regarde ce qui va pouvoir en sortir : un tuberculeux, un névropathe, un artério-scléreux, ce qu'on voudra, mais quelqu'un, bon Dieu, quelqu'un !". La lecture comique s'évapore de cet acte III qui prend une tournure méphistophélique, et l'on regrette que la pièce s'achève aussi vite...
Voila. 2021, un an que nous jouons tous Knock ainsi que divers romans de science-fiction. Encore une fois,
Jules Romains avait certainement bien d'autres visées en 1923 que d'imaginer un tel délire envahir la scène planétaire, mais sa pièce rappelle, si besoin, un des pouvoirs de la littérature. Si la pièce de Romains se finit trop vite, celle que nous jouons est interminable, et l'on aimerait que les multiples incarnations de Knock daignent enfin tirer le rideau, que nous puissions saluer et passer à autre chose...
Notons bien qu'il n'y a pas de dénégation de la maladie ni de la science en général chez Romains, qui est au contraire féru du domaine, et utilise les termes justes tout au long de sa pièce. C'est aussi cela qui m'a plu, ayant toujours eu un intérêt de profane pour la médecine, sans non plus (enfin, j'espère) devenir un énième prédicateur médiatique...