AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,25

sur 162 notes
5
4 avis
4
23 avis
3
17 avis
2
3 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Louise est en grande partie sourde. Elle est en train de perdre le peu d'ouïe qui lui reste, ce qui l'a met face à un dilemme : doit-elle recevoir un implant, lourde opération, et rallier définitivement le monde des entendants ? Ou rester dans le silence avec une audition parcellaire ? Doit-elle accepter une audition synthétique qui modifiera profondément sa vision du monde extérieur et de la vie ? le choix est définitif, un deuil à faire.

Dès le premier chapitre, une consultation chez un ORL pour un audiogramme, la plongée dans le monde des malentendants est absolument saisissante tellement il est impossible pour un bien-entendant de deviner l'intériorité de ceux qui subissent la surdité. Tout est son dans ce roman très immersif. C'est la première fois que je lis avec les oreilles, en écoutant attentivement les respirations de Louise et ses impressions sonores, entre grésillements, acouphènes et déformations. Adèle Rosenfeld rend parfaitement compte de la perception trouée qu'ont les malentendants du monde sonore qui les entoure.

«  Tous les bruits se coagulaient et se distanciaient comme dans une anamorphose, ceux de l'ambulance dans la rue et la chasse d'eau ne formaient qu'une trainée chuintante avec des saillies stridentes.
Une fois au restaurant, l'ami-voisin m'attendait et sa bise accompagnée de sa voix ronde ont chassé le brouhaha. Je m'accrochais à ses mots auréolés d'aigus. Quand je n'avais pas le regard rivé sur ses lèvres, sa voix me semblait chaude, les sons avaient un contour bien précis comme une éclipse de soleil. le coeur médium, je ne l'entendais pas ; mais son cercle lumineux formé par les aigus me permettait d'accéder au sens. J'arrivais à suivre presque tout ce qu'il disait et ça me rendait heureuse. »

Un pari réussi, un peu fou aussi, que de parvenir à faire comprendre dans une totale empathie la souffrance de Louise, ses angoisses, ses doutes, sa sensation d'enfermement, son déni. Elle est essoufflée par les efforts cumulés pour faire partie du monde des « bouches qui parlent », au bord de la dépression, notamment lorsqu'il s'agit d'affronter les difficultés liées à son intégration professionnelle ainsi que les bassesses de ses collègues. Elle qui se décrit comme « déracinée du langage », expulsée de la réalité par le silence qui avance comme un ennemi à combattre.

« Le dehors était devenu source d'angoisse, mais il fallait bien ravitailler l'appartement dans lequel je m'étais emmurée. Au supermarché, les voix fusionnaient en un seul écho. Une épidémie de fièvre s'était emparée de tous les sons : les boîtes de conserves que le magasinier rangeait dans les rayons claquaient des dents ; les bip des codes-barres en caisse se mêlaient aux accents toniques des femmes comme des éclats hallucinés ; l'outil du boucher faisait un bruit de toux rauque. »

Si j'ai quelques réserves sur la fin qui je trouve trop psychologisante et explicative à mon goût, j'ai été particulièrement convaincue par l'univers proposé par Adèle Rosenfeld. le récit d'un tel drame aurait pu facilement verser dans le pathos ou le voyeurisme. Ce n'est jamais le cas car l'auteure a fait le choix de recomposer le réel par la poésie, la fantaisie et l'humour, notamment par le biais de personnages fantasmagoriques, ses « fantômes traumatiques » qui lui permettent d'affronter la terreur du choix. L'idée de l'herbier sonore qui consigne les sons avant la perte, comme une bibliothèque sensorielle, est vraiment très belle.

Ce n'est pas parce qu'un auteur s'empare d'un sujet tiré de son vécu que cela en fait un écrivain. Adèle Rosenfeld est une écrivaine, c'est incontestable. Un premier roman original porté par une voix nette et singulière, à suivre, pour une entrée en littérature réussie.

Lu dans le cadre du jury Coup de coeur des Lectrices Version Femina
Commenter  J’apprécie          1076
Louise est malentendante depuis la naissance. Restée longtemps sourde moyenne, elle est parvenue jusqu'ici à le cacher en lisant sur les lèvres de ses interlocuteurs. Mais l'aggravation de son handicap la met désormais au pied au mur. Maintenant sourde sévère, elle ne comprend plus ce qu'on lui dit et ne peut plus tromper personne. Il lui faut prendre une décision : accepter la pose d'un implant et perdre immédiatement ce qui lui reste d'audition naturelle, ou assumer une surdité bientôt totale et irréversible.


L'histoire de Louise est tout droit inspirée de celle de l'auteur. A ses côtés, l'on découvre les difficultés directement liées à la surdité, mais aussi, les répercussions psychologiques et sociales du handicap, dans une restitution qui questionne notre rapport à la normalité. Honteuse de sa différence, Louise s'est longtemps appliquée à la gommer dans sa relation à autrui, s'appliquant farouchement à donner le change pour ne pas sembler déficiente parmi les entendants. Ses efforts pour paraître comme tout le monde deviennent contre-productifs, lorsque, son audition se détériorant encore et personne ne prenant la peine de comprendre la véritable raison de ses difficultés relationnelles et professionnelles, Louise s'enfonce dans un malentendu - quoi de plus pré-destiné – propre à la faire passer pour demeurée. C'est ainsi que, très insidieusement, la pression normative de la société mène la jeune femme à se condamner, quasi de fait, à l'échec, instituant une inadaptation sociale qui n'avait pourtant aucune raison d'être.


Pour Louise qui, dans sa situation intermédiaire de malentendante, avait toujours pu (se) convaincre de faire partie de l'univers "normal" des entendants, se pose soudain la question de son identité et de son rapport au monde. Rejoindra-t-elle la communauté des sourds ? Un implant lui permettra-t-il de continuer à s'assimiler aux entendants ? Quoi qu'il en soit, Louise doit faire le deuil de toute perception auditive naturelle et n'envisage qu'avec angoisse cette nouvelle interaction avec ce qui l'entoure. A vrai dire, le rapport au monde qu'entretient la jeune malentendante est déjà très particulier. Sa mauvaise audition favorise distorsions et malentendus, et, au fur et à mesure que son imagination comble les trous de sa compréhension, se développent en elle d'étranges images, qui confèrent au récit poésie, onirisme et fantaisie. Cette singularité se fait souvent touchante, comme lorsque Louise s'évertue à la construction d'un herbier sonore, dans l'espoir d'emmener une trace des sons dans son futur monde du silence.


En même temps qu'un émouvant témoignage sur la surdité, empli d'un questionnement plein d'humour sur notre rapport au monde et à la normalité, ce premier roman est une bien jolie création littéraire, toute en originalité et poésie, qui mérite qu'on s'y attarde.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          8616
Malgré son obstination à nier l'évidence, la narratrice sombre peu à peu dans un chaos qui l'isole de son entourage. Les sons ne lui parvient pratiquement plus, et avec eux le sens et le jeu des échanges. La lecture labiale n'est pas suffisamment discriminante et les autres issues font l'objet d'un long débat intérieur.

Faut-il se résoudre à intégrer le monde du handicap en s'astreignant l'apprentissage de la langue des signes, qui élève une frontière infranchissable entre les pratiquants et le reste du monde ?

Ou se tourner vers la technologie, et y laisser une part de sa liberté et de son âme ?

C'est ce débat qui alimente le récit, retraçant le combat féroce de cette jeune femme qui, loin de tirer profit de sa particularité, la cache aux yeux des autres. le déni l'entraine dans une gestion de plus en plus complexe des relations, qu'elles soient amoureuses ou professionnelles.

L'isolement inéluctable est partiellement compensé par les amis imaginaires prêts à occuper le devant de la scène dès que la situation est embarrassante.

On perçoit parfaitement le ressenti de la narratrice qui s'épuise à comprendre et à interpréter les sons de plus en plus ténus qui lui parviennent.
L'attitude peu empathique d'un entourage qui s'agace de devoir répéter est également très bien restituée.

C'est parfois un peu confus, lorsque l'imagination et la réalité se confondent. Effet peut-être voulu pour immerger le lecteur dans cette ambiance de doute permanent où l'absence de perception conduit à reconstruire une logique, au risque de se fourvoyer.

Un premier roman plutôt réussi, avec cet écueil de passages sibyllins qui perturbent la lecture.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          760
Louise malentendante commence à basculer totalement vers la surdité. Un implant pourrait remédier à cette fatalité.
Alors qu'on pourrait penser qu'elle ne va pas hésiter, la narratrice nous emmène dans ses hésitations, ses peurs et ses angoisses.
D'une plume délicate, parfois un peu ironique, l'auteure nous plonge, en alternant réalité et songes, dans ses réflexions ; le choix est difficile.
Elle transcrit très bien la pression des proches, les personnes qui veulent l'aider mais dont le handicap va vite les irriter.
Le choix narratif m'a permis de m'approcher un peu de ce que doit ressentir quelqu'un qui voit les lèvres des autres bouger tout en restant inaccessible à ce qui se dit.
Un lecture éclairante.
Lu dans le cadre du prix des lecteurs du Livre de Poche 2012
Commenter  J’apprécie          290
La surdité est un handicap invisible. Dans notre société dominée par l'urgence de l'image, cela constitue un handicap supplémentaire (« Les sourds n'avaient pas leur place dans les mythes fondateurs de l'humanité. L'empathie était indéniablement réservée aux aveugles »).
Pour être sincère, j'avais acheté ce livre en raison de son titre, connaissant la mauvaise habitude de Grasset à faire dans la surenchère. Je me préparais à proposer des titres alternatifs tels que « les serpents n'ont pas de couilles » ou « Les palourdes n'ont pas de groins », bref, à faire rire la galerie.
Je me suis trompée. Ce premier roman mérite l'intérêt plus que la moquerie. Ses qualités (l'authenticité et l'émotion) l'emportent largement sur ses défauts (l'impression de lire un journal intime retravaillé).
Louise a vu le jour dans le monde des entendants mais se rapproche de celui des sourds (« Depuis l'enfance, tu es sur un fil, tu te fraies un chemin entre deux mondes auxquels tu n'appartiens pas tout à fait ».) Les entendants la conjurent de se faire implanter un appareil. Les sourds l'excluent de leur communauté habituée à communiquer par la langue des signes. Sa vie est faite de malentendus (« Chaque mot incompris devenait une injustice de plus »). Elle va devoir trouver une troisième voie, comprendre le silence (« La véritable musique est le silence et tous les mots ne font qu'encadrer le silence » avait écrit Miles Davis) et l'apprivoiser (« le silence libérait des mots et des images que le langage retenait prisonniers. Je n'étais donc pas perdue mais en chemin »).
J'aime les livres qui me font découvrir de nouveaux mondes et m'invitent à envisager la vie différemment. le premier roman d'Adèle Rosenfeld est de ceux-là. Il raconte avec subtilité l'odyssée d'un sens égaré.
Bilan : 🌹
Commenter  J’apprécie          270
Les méduses n'ont pas d'oreilles c'est ce qu'apprend Louise malentendante , lorsqu'elle se rend au musée des sciences naturelles , c'est une phrase qui la marque , elle qui ne fait pas partie ni du monde des sourds car elle entend ' un peu ' et ni du monde des entendants car son ouïe est en perte de vitesse .
Elle est un peu une intruse dans ces deux mondes , une usurpatrice même pour les sourds profonds qui n'acceptent celle qui lit sur les lèvres et qui n'a jamais appris le monde des signes .
Dans sa famille , il n'y a eu avant elle , aucun malentendant , petite fille , elle est en plein déni , cache soigneusement sa surdité à l'école , puis elle fera la démarche inverse , allant jusqu'à raser une mèche de cheveux pour que tout le monde voie bien son appareil auditif .
Avec son statut d'handicapée , elle obtiendra un poste administratif , pour respecter les cotas , mais là aussi ses collègues vont être intriguées par celle qui ne rentre pas dans une case bien définie .
Et puis l'audition diminue à toute vitesse , jusqu'à la surdité totale annoncée , les autres sens s'affinent car l'être humain est doué pour compenser un handicap .
Louise s'invente un monde imaginaire , a tendance à s'isoler .
Elle ne sait pas si elle aura le courage d'accepter un implant cochléaire, car c'est prendre une décision sans possibilité de revenir en arrière .
Un premier roman délicat ,original , à l'écriture recherchée que nous livre Adèle Rosenfeld .
Commenter  J’apprécie          260
Ce roman nous entraine dans l'univers de Louise, jeune femme malentendante qui ne s'identifie ni aux sourds ni aux entendants.

Elle décrit son quotidien et les obstacles qu'elle rencontre dans son nouveau travail, ses relations et sa vie de tous les jours. Elle raconte la difficulté à s'insérer, à communiquer, à lire sur les lèvres dès la nuit tombée. Louise s'invente alors un monde fantasque dans lequel un soldat et une botaniste personnalisent ses émotions et ses troubles et l'accompagnent.

Malgré un récit portant sur un handicap, le ton est léger, humoristique parfois et l'autrice parvient à plonger le lecteur dans la peau de Louise par des descriptions détaillées des sensations qu'elle ressent. C'est un premier roman lumineux, doux, qui aborde le thème important du handicap que l'on ne voit pas. Je recommande vivement !
Commenter  J’apprécie          60
Les méduses n'ont pas d'oreilles est un très beau premier roman. Louise perd peu à peu ce qui lui reste d'audition. C'est un portrait saisissant du monde des sourds que l'on ressent de l'intérieur. On vit avec Louise dans son univers où les sons sont différents des nôtres. Dans ce monde si particulier, Louise invente ses personnages qui la soutiennent, l'accompagnent ; un soldat de la Grande Guerre, une botaniste, un chien. C'est triste et joyeux, souvent déroutant. On comprend que l'imaginaire permet de supporter la vie. Adèle Rosenberg sait nous raconter le monde de Louise avec beaucoup de poésie, d'humour. Je trouve même qu'elle invente un univers dans lequel le lecteur est invité avec beaucoup d'humilité. Et là, on touche peut-être au véritable sens de la littérature : partager un monde qui nous est inconnu. Pendant la lecture, je me suis prise au jeu d'écouter le silence avec intensité : les murmures des pages qu'on tourne, les crissements de mes doigts sur mon pull. Un beau roman pour cette nouvelle année à découvrir.
Commenter  J’apprécie          60
Adèle Rosenfeld raconte dans Les méduses n'ont pas d'oreilles le quotidien de Louise F., la trentaine née en banlieue parisienne avec ses yeux marrons et son petit mètre soixante, écartelée par une dichotomie qui envahit son quotidien.

Une de ses oreilles est inapte à entendre d'où son appareil auditif caché comme est passé sous silence son handicap. Les cheveux recouvrent les oreilles et personne ne s'en rend compte puisque, en plus, elle n'en dit rien.

Alors, lorsqu'elle répond oui à la place de non, on la prend pour une idiote. Mais, lorsque dans un bar, elle n'entend pas la question noyée dans le bruit du lieu, on lui fiche la paix toute la soirée, la laissant à sa solitude et aux amis qu'elle s'est inventée pour combler un manque social trop réel. Louise y est habituée et même, quelque fois, s'en réjouit, tellement est épuisante cette attention de tous les instants.

Normalement, cela aurait pu continuer ainsi, sauf que le roman Les méduses n'ont pas d'oreilles s'ouvre sur la consultation chez le spécialiste. Il constate quinze décibels en moins sur l'autre oreille. Non seulement, il faut que Louise accepte ce dont elle a refusé depuis toujours, son statut de malentendante, mais prendre aussi la décision de devenir une femme bionique.

Dans ce premier roman, Adèle Rosenfeld conte ce cheminement entre reconnaître sa différence et se faire poser ou non un implant. Elle présente les brouhahas inaudibles, les trous noirs au milieu d'une phrase, la perception des différentes fréquences et les lèvres qui ne se laissent pas regarder ou qui s'effacent dans la pénombre.

Adèle Rosenfeld présente avec beaucoup de poésie les amis imaginaires de Louise qui comblent sa solitude sociale : Son bon Soldat prend sa place dans la vie. Son Chien Circus, exprime les émotions. Et la Botaniste, elle, collectionne des plantes mirages qui expliquent le monde. Ses amis, et plus, bien vivants, savent aussi se tenir à ses côtés. Avec beaucoup de sensibilité, Adèle Rosenfeld nous parle des « cahiers de réalité de l'existence » de Louise où les sons sont répertoriés et ordonnés avant leurs disparitions programmées.

Évidemment, ce premier roman est un peu autobiographique, mais l'écriture et la construction en font un récit littéraire délicat et attachant. Avec le film Sur mes lèvres, Emmanuel Devos avait démontré la solitude et le rejet. Son personnage devenait une proie facile entre les mains pervers d'un Vincent Cassel. Ici, Adèle Rosenfeld nous fait vivre l'imaginaire qui comble les manques. Rien de désespérant dans Les méduses n'ont pas d'oreilles ! Au contraire, c'est l'histoire d'une battante qui s'entoure de la poésie de l'imaginaire et de la distance de l'humour pour dépasser les difficultés. Une écrivaine est née !
Lien : https://vagabondageautourdes..
Commenter  J’apprécie          50
Le monde des sourds et malentendants tel qu'on ne l'imagine pas ou comment s'inventer des personnages pour supporter l'intolérance ou l'indifférence quand on doit vivre avec un tel handicap ... Triste, parfois drôle, le texte met l'accent sur cet univers angoissant quand il faut lire sur les lèvres et que la nuit tombe, quand les bruits atténuent le sens des mots, quand on se sent coupé du monde réel. La peur du silence ...
Commenter  J’apprécie          50



Lecteurs (339) Voir plus



Quiz Voir plus

QUIZ LIBRE (titres à compléter)

John Irving : "Liberté pour les ......................"

ours
buveurs d'eau

12 questions
288 lecteurs ont répondu
Thèmes : roman , littérature , témoignageCréer un quiz sur ce livre

{* *}