Lu il y a un moment déjà, et avec un réel plaisir, qui ne s'est pas effacé près de dix mois après. Déjà, il y a l'éditeur, Sonatine, dont les livres sont très beaux, très agréables à lire (il faut le dire) et qui a publié (ou exhumé) d'excellents auteurs,
Gillian Flynn,
Robert Goddard,
Tim Willocks,
Hilary Mantel ou
Mikal Gilmore entre autres - une Super Ligue n'est-ce pas.
Jacob Ross mérite-t-il d'y figurer ? Il n'en est pas loin, il frappe à la porte.
"
Lire les morts" offre un univers : nous sommes aux Caraïbes, une île qui crève d'être pauvre mais sous le soleil (dont
Kant disait qu'avec le rire et l'espoir il atténue les duretés de la vie), une île d'extrêmes, de superstition et de violence, de pauvreté et de débrouillardise. Cette île, qui s'appelle Camaho dans le livre (
Jacob Ross est natif de Grenade), est la vraie héroïne du roman, qui lui apporte ses couleurs, son rythme, sa langue, son extraordinaire richesse, sa merveilleuse singularité (on a envie de s'y rendre, d'être cerné par la mer, de prolonger ou retrouver l'été tropical).
L'autre héros, le vrai, Michael Digson devient flic malgré lui : c'est un très jeune flic, un flic novice. Il a un don, celui de décrypter comme personne les scènes de crimes (il "lit les morts"), et une obsession, celle de retrouver l'assassin de sa mère. Coaché par son mentor Chilman, drôle de flic lui aussi, étrange et attachant, le voilà aux prises avec des affaires chaudes et froides, qu'il traite à sa manière, entre désinvolture et colère, application et détachement.
L'autre particularité de ce livre est sa langue, entre poésie et créole (
Jacob Ross est les deux), qui fait sa profonde originalité et donne des pages superbes, inédites dans ce genre, comme suspendues. Seul bémol : parfois il y a de petites chutes de tension, qui ne durent jamais longtemps mais qui auraient pu être "coupées au montage".
Lire les morts, et lire Lire les morts.