Philip Roth est un poids lourd de la littérature américaine, il le démontre une nouvelle fois ici. Comme dans «
Pastorale américaine » et «
La tache », il met en scène Nathan Zuckerman, son double littéraire, pour évoquer, à partir d'un destin individuel, une tranche de l'histoire des Etats-Unis. Cette fois, c'est un Zuckerman vieillissant qui retrouve Murray Ringold, son professeur d'anglais au lycée. Tous deux se remémorent le passé et l'histoire d'
un homme qui les a profondément marqués, Ira Ringold, frère de Murray, et qui, le premier, éveilla la conscience politique du jeune Nathan, adolescent en pleine ébullition dont le cerveau intelligent mais encore tendre ne demande qu'à s'enflammer pour une belle cause.
La « cause » en question, c'est celle du communisme. En ces années 50, à l'heure du maccarthysme et de la chasse aux sorcières, embrasser cette cause n'est pas la meilleure idée du monde. Alors pour Ira, qui non seulement embrasse, mais étreint son idéal de toutes ses forces et se jette corps et âme dans le fleuve du marxisme, ce qui avait commencé avec le rêve d'un monde meilleur s'achèvera dans un infâme cauchemar américain. La vie d'Ira Ringold, c'est la splendeur puis la déchéance d'
un homme entré en communisme en même temps qu'à l'usine, d'un utopiste quasiment analphabète endoctriné à coup de credo plus rouges que rouges. Son talent de prédicateur acharné vociférant ses diatribes lors de meetings politiques le fait repérer par un producteur, qui fait rapidement de lui une vedette de feuilletons radiophoniques. Ira Ringold devient Iron Rinn, et, sans pour autant renier ses convictions, passe de son quartier prolétaire à la jet-set de New-York, où il rencontre et épouse Eve Frame, starlette de la télévision. Déjà mariée trois fois, affublée d'une fille « castratrice », Eve, aussi belle, cultivée et parfaite femme du monde à l'extérieur que vide, mesquine et ignare à l'intérieur, a donc, sans le savoir, épousé un communiste. Car Ira a toujours juré qu'il n'avait pas de carte du parti.
Ce mariage sonne le début de la fin, Eve, femme frustrée sous l'emprise de sa fille, allant de désillusions en déceptions. La paranoïa et le climat de délation ambiants ajoutés à la volonté de vengeance d'une femme trahie précipiteront le destin d'Ira.
Portrait dense et complexe d'
un homme de convictions et de contradictions, au mieux idéaliste, au pire bouffon et traître à la cause, ce roman à la fois politique et social donne à voir une image sinistre d'une Amérique paranoïaque et schizophrène qui, sous couvert de patriotisme, a écrasé des milliers de gens qui osaient penser autrement.
Tiens, au fait, pourquoi ai-je cette étrange impression que
L Histoire repasse sans cesse les mêmes plats ?
Lien :
http://www.voyagesaufildespa..