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Citations sur La tache (239)

À l’été 1998, mon voisin Coleman Silk, retraité depuis deux ans, après une carrière à l’université d’Athena où il avait enseigné les lettres classiques pendant une vingtaine d’années puis occupé le poste de doyen les seize années suivantes, m’a confié qu’à l’âge de soixante-et-onze ans il vivait une liaison avec une femme de ménage de l’université qui n’en avait que trente-quatre. Deux fois par semaine, elle faisait aussi le ménage à notre poste rurale, baraque de planches grises qu'on aurait bien vu abriter une famille de fermiers de l'Oklahoma contre les vents du Dust Bowl dans les années trente, et qui, en face de la station-service, à l'écart de tout, solitaire, fait flotter son drapeau américain à la jonction des deux routes délimitant le centre de cette petite ville à flanc de montagne.

(incipit)
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La semaine précédente, les dernières feuilles étaient tombées des arbres, de sorte que les contours des montagnes se trouvaient à présent exposés au soleil jusqu'à la roche- mère et, avec leurs articulations et leurs stries hachurées comme une gravure ancienne, et ce matin-là, tandis que que je me rendais à Athena pour l'enterrement, la rugosité d'un paysage lointain caché par les feuillage depuis le printemps dernier faisait naître en moi, à contretemps, un sentiment de réémergence, de renouveau possible.
L'organisation si logique de la surface de la terre, qu'on pouvait désormais admirer, révérer, pour la première fois depuis des mois, m'évoquait la terrible force abrasive, du glacier déferlant qui avait érodé ces montagnes, tout au bout de sa tonnante course vers le sud.
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Il le savait par la colère d'Achille, la fureur de Philoctète, les fulminationsde de Médée, la folie d'Ajax, le désespoir d'Electre et la souffrance de Prométhée : il s'ensuit des horreurs sans nombre quand le paroxysme de l'indignation conduit à exercer des représailles au nom de la justice, et qu'on entre dans le cycle de la vengeance.

P93
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Expatriée, isolée, en rupture de ban, ne sachant plus que penser de l’essentiel dans la vie, dans un état de désarroi, de demande désespéré, cernée de toute parts par des censeurs qui voient en elle l’ennemi juré. Tout ça parce qu’elle a eu l’enthousiasme de partir en quête d’une existence bien à elle. Qu’elle a eu le courage de refuser l’image d’elle-même qu’on lui prescrivait…. Pourquoi faut-il être si désemparée ?
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Les mots ont un sens. Il n'était pas allé au-delà de la cinquième, mon père, mais ça, il le savait. Il rangeait deux objets derrière le bar pour arbitrer les querelles entre clients: une matraque et un dictionnaire. Le dictionnaire est mon meilleur ami me disait-il. Il est de même pour moi aujourd'hui.
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Le secret, si l'on veut vive dans le tumulte du monde tout en maintenant la douleur au plus bas, c'est d'entraîner autant de gens que possible dans ses illusions ; le secret, pour vivre seul ici, loin de l'agitation des imbroglios, des séductions, des attentes, et surtout à l'écart de sa propre intensité, c'est d'organiser le silence ; de considérer la plénitude du sommet de la montagne comme un capital, et le silence comme une richesse qui connaît une progression exponentielle. De considérer ce silence qui vous encercle comme un privilège acquis par choix, et d'y trouver votre seul ami intime. Le truc, pour citer Hawthorne une fois de plus, c'est de faire son miel de la "communication d'un esprit solitaire avec lui-même". Le secret, c'est de faire son miel de l'héritage de Hawthorne, des morts talentueux.
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Sans ce livre, il paraissait désormais exempt de tout désir de régler ses comptes, libéré de l'urgence de laver son nom, ou d'inculper ses adversaires de meurtre; le sentiment d'injustice qui le momifiait naguère l'avait abandonné. Un tel changement d'attitude chez un homme que l'événement a martyrisé, je ne l'avais jamais vu qu'à la télévision, quand NELSON MANDELA était sorti de sa prison en pardonnant à ses geôliers alors qu'il avait encore dans l'estomac son dernier rata de taulard.
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Rien ne dure et pourtant rien ne passe. Et rien ne passe justement parce que rien ne dure.
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Comme elle le note dans son essai autobiographique, elle est l'une des deux seules candidatures françaises acceptées. "je suis arrivée à Yale très cartésienne, et là-bas, le paysage est bien plus pluraliste, polyphonique." Ses jeunes étudiants l'amusent. Elle cherche encore leur côté intellectuel. Elle est sidérée par la façon dont ils s'amusent. Leur façon de penser, de vivre, hors de toute idéologie, dans le chaos. Ils n'ont jamais vu un film de Kurosawa - même ça, ils l'ignorent. Elle, à leur âge, elle avait vu tout Kurosawa, tout Tarkovski, tout Fellini, tout Antonioni, tout Fassbinder, tout Wertmuller, tout Satyajit Ray, tout René Clair, tout Wim Wenders, tous les Truffaut, les Godard, les Chabrol, les Resnais, les Rohmer et les Renoir. Eux, ils n'avaient vu que Star Wars...
Elle pensait qu'en arrivant en Amérique, elle allait déchaîner des : "Oh la la, une normalienne !" mais en Amérique, personne n'est à même d'apprécier l'itinéraire très spécifique qui est le sien, et son prestige considérable. Elle n'obtient pas le type de reconnaissance auquel elle est accoutumée, en temps que membre en herbe de l'élite intellectuelle française...
Elle écrit son doctorat. Elle le soutient. La voilà docteur... Elle avait fait tant d'études, s'y était si entièrement consacrée qu'elle était désormais prête à avoir un poste de prestige dans une université de prestige - Princeton, Columbia, Cornell, Chicago - mais voilà qu'elle n'obtient rien du tout. Consternation. Quoi, un poste de professeur temporaire à l'université d'Athena ? Elle fait la fine bouche. Jusqu'à ce que son directeur de thèse lui dise : "Delphine, ici, sur le marché, on décroche un beau poste après en avoir eu un petit..." Ses camarades d'études américains, qui tueraient père et mère pour trouver un boulot de prof à la chaufferie du supermarché, jugent son dédain caractéristique.
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— Quel effet ça te faisait, la nuit, quand la porte de ta chambre s’ouvrait et qu’il entrait?

— C’est comme les enfants dans un pays en guerre. Tu les as déjà vues, dans les journaux, ces photos d’enfants au milieu de leurs villes bombardées? C’est pareil. C’est gros comme une bombe.

(Gallimard,p. 284-5)
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