Après six ans passes à Rome, LeBrun rentre à Paris, pourvu d’un bagage d’érudition considérable, les mains pleines de documents et ayant appris en Italie tout ce qu’il pouvait y apprendre, Il arrive, le coeur plein d’ardeur et d’ambition et, aussi tôt, il aspire à dominer. Il a toutes les qualités requises pour y parvenir : une dévorante activité, une puissance incomparable de travail, une intelligence supérieure, de la souplesse, de l’habileté, et par-dessus tout une volonté tenace qui dédaigne les obstacles ou qui les brise.
Louis XIV appelle le peintre auprès de lui à Fontainebleau et lui fait aménager un appartement auprès du sien. C'est alors qu'il peint la Reine des Perses aux pieds d'Alexandre, aujourd'hui au Louvre. Véronèse a déjà traité ce sujet dans la famille de Darius, mais la comparaison n'effraie pas Le Brun et le désir de n'être pas inférieur au grand Vénitien lui inspire une admirable composition. Tout n'y est pas parfait; le coloris un peu lourd, le dessin assez vulgaire paraissent désagréables, mais l'ensemble est harmonieux, la technique en est savante et Reynolds, bon juge en la matière, vantera plus tard cette toile avec enthousiasme.
Le Brun n'a pas encore quinze ans et il s'est déjà signalé à l'attention par des oeuvres qui témoignent d'une extraordinaire habileté: le portrait de son grand-père et Hercule assommant les chevaux de Diomède. Rien, dans ces tableaux, ne trahit une main puérile ou inexperte. Cet enfantest déjà un peintre; ses compositions ne sont pas des essais, mais des oeuvres. Phénomène peut-être unique dans l'histoire de l'art, il arrive à la maîtrise sans apprentissage, presque sans étude. Il est marqué du sceau divin, il a le don.
Le Brun voit l'avenir s'ouvrir brillant devant lui. Ses ennemis sont abattus ou réduits à l'impuissance. Quant à ses amis, ils s'appellent Séguier et Colbert:ils occupent les premières fonctions du royaume. Encore un pas, et le voilà dans la faveur royale.