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Un voyage intéressant et coloré, au travers du regard de femmes éprises de liberté et au sacré caractère. Une jolie fresque.
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le roman des utopies, de la liberté et l'évasion. Oh mais c'est un peu court jeune homme ! Alors, reprenons. Des jeunes filles ont grandi à St Imier, dans le Jura suisse rural en plein XIXe siècle. Si St Imier est une petite ville dont la spécialité (à venir) est l'horlogerie (ce qui aura son importance plus tard dans le récit), c'est aussi une sorte de bastion révolutionnaire anarchisant. C'est d'ailleurs là que se tient le congrès de la fondation de l'Internationale Antiautoritaire en réponse à la première internationale (où les anarchistes ont été écartés) en septembre 1872.

Un précédent, un fait divers, avait eu lieu en 1851 où un médecin juif allemand, pourtant soutenu par les habitants, avait été forcé de quitter la ville. En une période où l'Homme est tout puissant (mais cela a-t-il réellement changé ? Sans doute un peu, mais le chemin est encore long) et seul a le droit de vote (« Quand le vote ne plaît pas à l'autorité il est cassé »), dix femmes anarchistes décident de changer leur destin pourtant tout tracé.

Dans une région où le cours d'eau s'appelle la Suze (c'est bien là que ce sera inventé le célèbre apéritif avant d'être repris et labellisé en France), on ne peut qu'anticiper une bonne histoire. Elle l'est. À cette époque, l'émigration de citoyens suisses pour d'autres contrées est massive. Aussi, en 1873, huit dames et neuf enfants dont certains en bas âge mettent les voiles au propre comme au figuré, puisque ayant atteint Brest, elles s'embarquent sur un navire à destination de la Patagonie. Sur ce bateau, plusieurs centaines de Communards encagés, les révolutionnaires défaits du Paris insurgé de 1871, déportés vers la Nouvelle Calédonie. C'est en leur compagnie qu'elles vont effectué la longue traversée.

Mais pourquoi huit dames alors que je vous ai parlé de dix ? Car deux d'entre elles avaient déjà tenté l'aventure et sont mortes du côté du Chili. le rafiot se nomme La Virginie, et si ce nom ne vous parle pas, sachez que c'est celui sur lequel étaient effectivement embarqués les Communards, dont une certaine Louise Michel ou autres Nathalie LEMEL et Henri ROCHEFORT. Nos dissidentes vont faire la causerie avec la grande Louise, qui apparaît dans ce livre telle qu'elle semble avoir été. À St Imier, elles avaient vu, entendu de brillants orateurs anarchistes, dont BAKOUNINE et un jeune prodige : Errico MALATESTA. MALATESTA prend d'ailleurs une place prépondérante dans cette épopée résolument anarchiste et féministe.

Dans un roman d'abord picaresque mais où la tragédie arrive au galop, le rendant de plus en plus sombre, le lecteur va croiser par exemple le pauvre peuple Mapuche massacré, un Chili corrompu, mais aussi l'archipel de Juan Fernandez, oui celui de Robinson Crusoé, le vrai, enfin plutôt celui dont la destinée d'un naufragé a inspiré Daniel DEFOE pour son célèbre bouquin. Là les rescapées (vous verrez que ces femmes disparaissent une à une tout au court du récit) vont vivre l'expérience de l'autogestion antiautoritaire, libre de toute hiérarchie, de tout matérialisme, mettant en pratique pour certaines l'amour libre. le ton est léger, simple mais direct comme un coup de trique : « Quand les conservateurs se sentent menacés, ils s'allient à leurs anciens ennemis pour réprimer les insurgés au nom de la république ».

L'utopie devient concrète et quotidienne « On a refusé d'un commun accord de mettre en place la moindre ébauche d'organisation économique, ni hiérarchie, ni direction, ni spécialisation des tâches. On vit sans aucun pacte, aucun code moral. le ou la première éveillé secoue les autres, l'appétit seul appelle au réfectoire, la passion au travail, le sommeil au repos. C'est l'anarchie à l'état pur ».

De nombreux drames viennent jalonner ce récit foisonnant mené à distance par un MALATESTA combatif et plus que jamais actif. de dix femmes, il n'en restera aucune. Cela ne vous rappelle rien ? Si, bien sûr, « Dix petits nègres » d'Agatha CHRISTIE, qui sert de trame au présent roman, avec la comptine qui va avec. Sans être un polar, ce roman peut en effet être considéré comme la version libertaire et insurgée des « Dix petits nègres ». Un bouquin à la fois très accessible et parfaitement documenté qui nous rappelle une période révolue riche en actions politiques. C'est très vite lu pour un moment tout à fait instructif. Sorti en cette rentrée 2018 aux Éditions BUCHET/CHASTEL. ROULET a abondamment écrit, je le découvre pourtant sur ce roman vendant du rêve et se terminant à Montevideo, livre qui m'a fait une très forte impression.
https://deslivresrances.blogspot.fr/

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Valentine Grimm, dernière rescapée des dix femmes parties de Saint-Imier à la fin du XIXe siècle, prend la plume pour « raconter, sans trop mentir, ce qu'il en coûte de réinventer le monde », « sans trop verser dans la propagande anarchiste » non plus.
(...)
Magnifique roman de la liberté, garanti sans « dieu, ni maître, ni mari. »

Compte-rendu complet sur le blog.

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Beaucoup de sympathie pour ce roman profondément humain, original, fort bien écrit et basé sur un assemblage solidement documenté de faits réels. Certes l'histoire n'est qu'une fiction, mais, contrairement à ce qu'on pourrait croire, il s'en est passé des choses dans le milieu libertaire au tournant du XIXème au XXème siècle. Les tentatives pour créer "ici et maintenant" une utopie que l'on était pressés de voir se réaliser, sans attendre le lendemain du "grand soir", ont été nombreuses. La Cecilia, colonie montée par des militantes et militants italiens est la plus "médiatisée" (si l'on peut dire) mais les expériences se dénombrent par centaine. L'originalité du projet de ces jeunes libertaires du vallon de St Ismier dans le Jura suisse, c'est d'avoir voulu rester "entre femmes", au moins dans les premiers temps. Elles sont dix à mettre en commun leurs idées un peu folles et leurs maigres moyens financiers. Quelque peu abusées par la propagande de l'époque (incitant à l'émigration les Suisses les plus pauvres), elles choisissent une destination plutôt improbable : le Sud de la Patagonie. Mais la rigueur du climat et de l'accueil des colons déjà installés ne viendront pas à bout de leur résolution. Les luttes, les échecs, mais aussi les réussites (car le récit n'a rien de larmoyant) vont être nombreuses. Au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire, la petite troupe du départ perd peu à peu ses membres.
Parmi les multiples idées lumineuses de l'auteur, celle d'avoir choisi une forme de récit inspirée par "les dix petits nègres" d'une romancière célèbre...
Comme "mise en bouche" ou, selon votre souhait, comme "postface" je vous invite à écouter un débat avec l'auteur sur la RTS :
https://www.rts.ch/play/radio/nectar/audio/ni-dieu-ni-matre-ni-mari?id=9871869&station=a83f29dee7a5d0d3f9fccdb9c92161b1afb512db
"Ni dieu, ni maître, ni mari" une lecture que je vous recommande !
Pourquoi 4 étoiles et demi et non 5 ? Parce que j'aurais souhaité que le livre soit un peu plus "copieux" : il y avait matière à développements !
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