C'est après avoir essuyé quelques larmes que je commence à rédiger mon retour sur "
La bibliothécaire d'Auschwitz", adaptation graphique du roman d'
Antonio G. Iturbe. Roman que j'avais beaucoup aimé sans pour autant avoir le souvenir qu'il m'ait autant remuée (va falloir que j'aille relire mon retour après) : l'adaptation de
Salva Rubio et
Loreto Aroca est en tous les cas bouleversante.
Edita Adlerova est une jeune Tchèque qui fait partie du convoi, avec ses parents, qui la mènera à Auschwitz-Birkenau, au baraquement BIIb précisément. Encore aujourd'hui, on ne peut qu'émettre des hypothèses sur ce camp des familles qui a bénéficié d'un traitement de faveur si on le compare aux autres baraquements de ce camp d'extermination. Au BIIb, les familles ne sont pas séparées, elles gardent leurs vêtements et leurs cheveux, il y a même un semblant d'école qui rassemble en journée tous les enfants de moins de 14 ans. L'explication la plus plausible quant à l'existence de ce camp (éphémère) est qu'il était utilisé "comme vitrine pour faire croire à la Croix-Rouge ou à d'autres organismes internationaux que les prisonniers bénéficiaient de conditions de vie acceptables". Ce que ces familles ont compris bien trop tard, c'est qu'elles étaient destinées à mourir au bout de six mois. C'est d'ailleurs plus de 10 000 personnes qui seront assassinées. Dita fait partie des déportés du camp familial qui ont survécu à l'Holocauste.
Et c'est son histoire qu'
Antonio G. Iturbe raconte dans son roman, reprise par
Salva Rubio et
Loreto Aroca dans ce présent ouvrage.
Dita, tout juste 14 ans, se voit assigner le rôle de bibliothécaire du Block 31 (le camp des enfants) par Fredy Hirsch, superviseur du baraquement, juif et homosexuel qui sait tout de même user de son talent de meneur et de son influence auprès des Nazis (il mériterait d'ailleurs qu'un livre lui soit consacré à son tour). Il est évidemment interdit de posséder des livres, elle doit donc exercer sa "fonction" en cachette et malgré la peur constante d'être découverte, elle réussit à protéger et à prendre soin des huit livres qui ont pu être apportés au nez et à la barbe des gardiens.
Nous sommes une nouvelle fois plongés dans l'horreur qui régnait au sein de ces camps de la mort. La mettre en image la rend encore plus poignante. Même en ayant connaissance de l'histoire de Dita et de ses compatriotes, j'en ressors toute remuée. Profondément humain malgré les conditions de vie terribles des détenus, malgré la façon dont ils sont traités au quotidien, Rubio et Aroca ont tout misé sur les ressentis des personnages, et de Dita plus particulièrement, sur l'envie de (sur)vivre, le courage, l'espoir d'une libération proche et de retrouver sa dignité. C'est tragiquement efficace, bouleversant.
Un mot sur les dessins : pas trop colorés mais clairs et aérés, parfois plus sombres selon les circonstances et les événements. Justement colorisés donc, détaillés juste ce qu'il faut, avec des visages, physionomies et gestuelles très expressifs, ils s'harmonisent parfaitement avec le récit.
"
La bibliothécaire d'Auschwitz" est un roman graphique poignant, marquant, sombre et lumineux tout à la fois. Je n'ose pas utiliser le mot "beau" au vu de son contenu, c'est pourtant le premier mot qui m'est venu à l'esprit, juste après le mot "bouleversant".