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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Vitupération et chant d'amour . Hymne aux arts culinaires et oratoires. Exaltation de la marche et du pied comme instruments de la connaissance du monde . Tout cela est dans le récit de cette randonnée au long des 612 km de la Première des routes , L'Appia Antica , par un groupe de passionnés , archéologues , historiens et artistes , bien décidés à la faire revivre dans l'oublieuse mémoire des italiens . Rien là d'un repliement passéiste ,car cette route civilisatrice et coloniale à la fois est un révélateur des grandeurs et des misères de l'Italie d'aujourd'hui . Et le texte est porté par une poésie sensuelle , un humour qui viennent donner chair à l'érudition de l'auteur. A lire pour comprendre et aimer l'Italie passée et présente.
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Tel le Petit Poucet les écrivains "marcheurs" laissent sur leurs chemins non pas des petits cailloux mais de réelles pépites : on peut légitimement penser récemment à Sylvain Tesson et son  "Sur les chemins noirs ", Jean Christophe Rufin et son "Immortelle Randonnée", entre autres.....

Et voici Paolo Rumiz et son livre sobrement intitulé "Appia"
Pour citer Robert McFarlane : " Il existe entre l'écriture et la marche une alliance presque aussi ancienne que la littérature : pas de randonnée sans histoire, pas de chemin qui ne raconte quelque chose. "
Et cela ne date pas d'hier la preuve, en 35 av. J.-C.:
Nous avons quitté Rome, la grande ville, Héliodore et moi ; Héliodore, le plus habile et le plus savant, sans contredit, des rhéteurs de la Grèce. Aricie, à notre première étape, offrait une hospitalité médiocre ; on va, de là, au marché d'Appius, qui est une espèce de halle où foisonne la pire espèce de bateliers, dans les plus horribles tavernes. Nous avons mis deux jours à faire un chemin qu'un voyageur ordinaire eût fait volontiers d'une seule traite. Pour des nonchalants tels que nous, la voie Appienne est la meilleure. Une eau saumâtre eut bientôt découragé la faim que j'avais ; donc je laissai crier mon estomac et mes compagnons dîner à leur bon plaisir, mais sans moi."
(Satires d'Horace - Livre I Satire V)

Tout comme Horace ou comme l'archéologue Antonio Cederna à qui ce livre est dédié, Paolo Rumiz a recherché ce qui reste de la voie Appienne, l'a parcouru et en a parlé, et en a critiqué l'état actuel, en en affronté les vicissitudes, pour nous livrer ce récit d'une riche beauté et les richesses si belles qu'il a rencontrées.

"Un monument unique à sauver religieusement intact, pour son histoire et ses légendes, pour ses ruines et ses arbres, pour la campagne et pour le paysage, pour la vue, la solitude, le silence, pour sa lumière, ses levers et couchers de soleil ".
Les paroles d'Antonio Cederna font revivre la passion qui a conduit Paolo Rumiz, Riccardo Carnovalini, Alessandro Scillitani et Irene Zambon à vivre, pas à pas, l'ancienne voie Appienne, oubliée au cours de siècles, en état de délabrement et d'abandon.

De l'aventure qui a duré 29 jours et 611 kilomètres de marche à l'été 2015, 2327 ans après le début de la construction du Regina Viarum, en est sorti ce livre, dans lequel l'auteur gravé des paroles « narrabondes », mélange de narration et de vagabondage,
Dans les replis de l'histoire, à la recherche de l'itinéraire authentique du regina viarum - la voie Appienne - Paolo Rumiz et ses compagnons de voyage font une descente dans l'Italie la plus profonde. Parmi les entrailles d'un pays qui avec ses mille clochers recèle d'infinies beautés et autant de méfaits : comme il le dit dans cet incipit dédié à Antonio Cederna :

" Grande ombre, écoute-nous, protège
ce chemin qui commence à présent
et bénis nos souliers que voici.
Tu as voué ta vie entière à la déesse
mère et reine de toutes les routes
et par l'indignation de tes écrits
tu as défendu son prestige et ses monuments
contre l'arrogance des promoteurs immobiliers,
du clergé, des clans de brigands,
alors accepte maintenant d'être notre
phare, pilote et dieu tutélaire.
Comme nous, tu étais fils des brumes
du Septentrion et toi aussi, comme nous,
tu as souvent cherché les terres du soleil :
maintenant suis-nous à la recherche
de cette voie directrice millénaire.
En ton nom, Antonio, fils des Cederna,
nous parlerons de méfaits et de merveilles
et en ton nom toujours nous tremperons
en égales mesures notre plume vagabonde
dans le noir encrier de la rage
et dans celui du divin enchantement,
refusant les stériles anathèmes.
Protégés par ton regard bienveillant
nous franchirons monts et plaines
pour faire l'inventaire des histoires
et des gens trouvés en chemin
sur cette route antique entre trois mers."

Le groupe a suivi la ligne parfaite de la voie Appienne, défiant les clôtures et les rocades, traversant des parcs archéologiques semi-désertiques et des richesses souvent méprisées. Vingt-neuf jours d'aventures et de rencontres (certaines excellentes !), de dialogues intenses, d'échanges. Dans un balancement d'humeurs dicté par la rue avec ses trésors et ses horreurs, avec son humanité colorée, tantôt généreuse, tantôt bornée et arrogante.

L'Appia c'est aussi des villes. de Rome à Brindisi l'auteur croise de multiples pays où un pays multiple au passé glorieux et à la modernité controversée. Chacun d'eux a son caractère, ses couleurs, une empreinte que le narrateur restitue avec une pointe de mélancolie. Tous sont unis par la marginalité par rapport à Rome, la capitale qui engloutit toutes les ressources (financements, intérêts, recherche). Terracina, Maddaloni, Venosa, Gravina, Oria et bien d'autres. La moitié de l'Italie défile sous les yeux du lecteur, entre statues de Padre Pio et éoliennes, et semble voyager parmi les hommes et les peuples. Pour des étapes qui sont aussi des esquisses du quotidien, un repas partagé et bien mérité, de la réflexion. Entre ces parcs archéologiques à ciel ouvert et ces décharges qui sentent bon la mafia.

C'est un livre de voyage et de découverte.
C'est un livre à travers lequel l'auteur essaie de nous faire prendre conscience à tous que l'Italie n'est pas seulement le Colisée, mais une myriade de coffres précieux dispersés sur tout le territoire.
C'est un livre se se décompose en 3 parties comme les 3 éléments, 3 origines, 3 sources de l'histoire, 3 composantes d'un paysage.
La pierre de Rome à Capua Vetere
Le vent de Capua Vetere à Venosa
Le blé de Venosa à Brindisi
C'est un livre de dénonciation des ravages commis sur le vernis de ces trésors par ceux qui au contraire auraient dû les garder et les protéger. Découvrir l'Appia pouce par pouce, c'est s'immerger dans la profonde réalité de l'Italie
Ce voyage est une gigantesque métaphore de la situation italienne d'aujourd'hui : il appartiendra à chacun de nous de recevoir le message social que Rumiz a introduit dans les pages de ce livre.

Un parcours qui repose exclusivement sur un acte rebelle, celui de marcher :
"Les yeux fermés, j'entends la danse de onze syllabes de notre départ. Il révèle que le nôtre est un travail patient, pour les chirurgiens et les scribes. le contraire de "errance", l'errance sans but des romantiques anglo-saxons. Ils avaient la tête dans les nuages, nous sommes collés au sol".

La recherche de la route est une véritable obsession.
Tout est rendu plus difficile par l'imbrication du monde contemporain qui avec des routes asphaltées, des autoroutes, des voies ferrées, des quartiers en expansion, des industries mais aussi avec des clôtures et des appropriations abusives, autant de "vols" qui ont fait disparaître l'ancienne Voie Appienne sur de très longs tronçons.
Et tout cela rend l'acte de marcher difficile, obligeant Rumiz et ses compagnons à faire de forts détours pour contourner les obstacles insurmontables de la modernité.

La dernière partie est la plus intimiste dans laquelle l'auteur remercie....ses pieds.....
" Et de cela, je vous remercie, mes chers pieds. Vous m'avez enseigné que je ne dois pas me contenter de sentiers tarabiscotés, construits pour dribbler les obstacles, les dévastations et les hontes, mais les affronter tous en face pour dénoncer les appropriations illégitimes et les méfaits. La force des chemins, c'est qu'on les fait tout seuls, sans avoir besoin d'autorisations venues d'en haut. Une fois tracés, ils réveillent les lieux qu'ils traversent. Ils les modifient en les améliorant. Ils peuvent même inverser le rapport déplorable qu'ont les Italiens avec leur géographie.
Dans les années 1970, Compostelle n'était rien du tout. Maintenant, il y vient des deux cent mille personnes par an. L'Appia peut faire beaucoup mieux. "

Espérons que l'avenir lui donnera raison......

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