- Quand j'étais petite, et même des années plus tard, j'étais toujours très impressionnée de voir à quel point mes parents avaient le don de redonner le sourire aux gens grâce à leurs pâtisseries.
La journée se préparait à s'abandonner à la nuit et le ciel arborait de magnifiques couleurs orangées.
Elle faisait allusion aux évêques de France qui avaient protesté en début d'année contre les danses nouvelles et les robes qui racourcissaient.
Les yeux grands ouverts, Eugénie découvrit les hommes-sandwichs qui animaient les trottoirs des Grands Boulevards, les hommes-orchestres, les monteurs d'ours et les avaleurs de sabres. C'était un spectacle permanent, entretenu par les chanteurs de rue et les marchands de cravates qui exposaient leur commerce dans des parapluies renversés.
Décidément, la ville était un lieu brutal, fait de fausses promesses, de faux espoirs. Le profit aux dépens de l'humain.
On en revenait toujours au même problème ! Est-ce qu'un jour une femme pourrait avoir son mot à dire sur sa propre destinée ?
Je comprenais à quel point cela avait dû être difficile pour elle, de voir son petit univers voler en éclats, au nom des conventions et des carcans de l'époque.
Mon instinct me soufflait que mon arrière-grand-mère, aussi perdue qu'elle l'était au début, avait su développer un sacré tempérament.
Choisir son destin et ne plus le subir.
Quelques jours plus tôt, Eugénie avait en effet appris que l'oncle Théodore participait à la chasse aux rats. On en donnait vingt-cinq centimes par queue et certains n'hésitaient pas à en faire des élevages.