Il arrive que l'univers nous envoie des signes. Nous pressentons que celui-ci veut nous dire quelque chose, mais le message est brouillé. Nous sommes aux aguets, en proie à une culpabilité inquiète, et nous ne comprenons pas l'essentiel : ce n'est pas l'univers qui s'adresse à nous, mais une part mystérieuse de nous-mêmes qui s'adresse à lui. Il ne nous interpelle pas, ils nous répond.
Le bien et le mal se dévorent l'un l'autre. Le jour fait pâlir la nuit, puis la nuit avale le jour. J'ignore ce qui triomphe , de la lumière ou de l'obscurité.
Page 298
Elle dit ne ressentir aucun remords, mais ne peut plus respirer quand elle se souvient.
Page 284
Qui rembourse les dettes que la vie a contractées envers nous ? Qui se charge de nous rendre ce qu'elle nous doit, ce que l'on a payé, et paye encore ? Avec le temps se dessine la perspective que personne ne s'en acquitte jamais. Nul ne parle de cette chose-là.
Ce qui n’existe pas insiste, insiste pour exister.
Pour ma part, j’ai l’impression d’avoir trouvé ce que je cherche, sans le savoir, depuis toujours. Un homme qui puisse s’asseoir devant moi, et admettre l’existence de la souffrance qu’il a causée. Des êtres qui acceptent de se livrer et comblent le vide dans mon cœur. J’apprendrai ensuite que l’un des convives a fait part de son inquiétude : ce soir-là, en ma présence, tout le monde parlait trop. Beaucoup trop. Hellyette et Régis lui ont rétorqué qu’ils savaient très bien ce qu’ils faisaient. J’étais libre d’utiliser leurs propos, dans cet obscur projet qui n’était même pas politique mais semblait nécessaire pour réparer une mystérieuse blessure. Dès le départ, ils savaient qu’ils ne reviendraient pas dessus. Ils avaient décidé de me faire confiance. Venant de maîtres du silence, aussi prisonniers du secret que moi, ce genre d’allégation est à mes yeux à la fois un exploit, un cadeau dont on n’a pas les moyens, et un saut dans le vide.
Peut-être en est-il ainsi de nos vies à tous : nous nous mettons en mouvement, dans l’espoir d’atteindre cet endroit qui est à la fois à l’intérieur de nous et infiniment lointain, là où l’univers serait au repos, parfaitement ordonné, où nous serions à notre juste place. Et, entre les deux, nous nous égarons. Quelquefois, nous touchons au sublime, quelquefois nous commettons l’impensable.
Quand je lui fais remarquer qu’elles étaient le jour et la nuit, Nathalie répond, songeuse, ce qui est sans doute la phrase la plus appropriée que j’ai entendue concernant les êtres dont nous partageons l’existence : « Nous étions différents jours, et différentes nuits. »
(…) il est plus facile de rendre visite à un ancien combattant de lutte armée qu’à n’importe qui dans ma propre famille.
Dans une certaine mesure, j’emploie encore ce procédé aujourd’hui. Le meilleur moyen de ne pas être déçue, enragée ou désespérée par une réponse consiste encore à ne pas poser la question. Pas de questions, pas de réponses. C’est simple. Je m’entretiens avec les livres, ceux que je lis, ceux que j’écris, loin, très loin des vivants.