Le monde invisible existe, tu sais. Il faut juste être un peu humble.
Bien sûr, il y avait du sang, et ces griffures, sur tout le corps, mais son visage rayonnait. Ses cheveux blonds diffusaient la même lumière pâle que la lune entre les branchages, une arche délicatement tressée autour de sa peau.
Je voulais m’en aller moi aussi, moi aussi je voulais qu’on me cherche, qu’on se demande où j’étais partie. La forêt me donnait la nausée. Elle était la forme palpable du mensonge, elle vous faisait croire à l’éternité. Vous pensiez avancer à l’intérieur d’un cœur plus grand, qui battait plus fort, un cœur immortel. Mais ce n’était qu’une illusion ; depuis le départ de mon père, elle était devenue pour moi le territoire de la pourriture, de la boue.
Je pénétrai dans une pénombre fraîche et odorante, avec la sensation d'entrer à l'intérieur même de ma mémoire. (p 64)
Encore aujourd’hui, je me demande si les gens croient ce qu’ils disent : qu’il y a un avenir , pour nous, filles des réserves, et qu’il est entre nos mains. Ou s’ils essaient simplement de nous contenir, d’éteindre le feu sous l’eau bouillante.
Je serai là, à la lisière, entre le chaos et le silence, je chercherai le secret caché derrière le paysage, à l’origine. (p. 275.)
Nos yeux voyaient dans l'obscurité, mais nous étions invisibles. Nous étions une harde sauvage, nous étions la nuit et le vent, nous étions la forêt.
Nous étions la permanence de toute chose en mouvement, nous étions sans fin ni commencement, le souffle et la pulsation de la terre.; a travers nos yeux s'ouvraient ceux de la forêt. Nous battions des paupières et, dans l'ombre, les animaux battaient des paupières, et voyaient ce que nous voyions.
un jour, les esprits se réveilleront; ils reprendront nos terres, et la forêt recouvrira tout. Elle reviendra, elle sera là après nous. mai sle rythme des esprits n'est pas le n^tre. Et moi, je ne peux pas rester là, je vais devenir dingue.
Ce que j'avais pris pour une couverture était en réalité une peau de chevreuil. Son pelage était doux, ses yeux en verre noir. Je déposai délicatement sa tête sur mon crâne : elle s'emboîta parfaitement, comme si j'entrais à l'intérieur de son âme.
Kishi affirmait que les garçons exprimaient leurs sentiments par l'agressivité, qu'ils n'avaient pas d'autres moyens, qu'il fallait les considérer comme des êtres inférieurs souffrant d'un handicap sensible.