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3,44

sur 472 notes
Eden, un titre qui m'a interpellée, une fois la dernière page lue.
Pas vraiment un paradis terrestre que le cadre du dernier roman de Monica Sabolo : un territoire du bout du monde, qui sans être clairement identifié, est l'un de ceux arrachés aux Amérindiens pour être livrés aux exploitations forestières qui saccagent tout sur leur passage : non seulement les forêts ancestrales mais aussi les us et coutumes des populations autochtones. L'intrigue d'ailleurs se noue autour d'un deuxième aspect fortement lié au premier : celui des violences de toutes natures faites aux femmes autochtones dans ce genre d'endroit. Et même si l'intrigue se noue autour d'une jeune blanche, Lucy, découverte nue et violée dans une forêt avoisinante, le récit d'une de ses copines, Nita, nous entraîne sur une tout autre piste...
De même que le choix du genre dominant dans lequel va s'inscrire cette
histoire : ce n'est ni un roman policier ni même un thriller psychologique.
Ce n'est sans doute pas pour rien que Monica Sabolo a choisi cet univers amérindien si loin de ses racines. Et ce qui affleurait dans Summer, le goût de l'ésotérisme, de l'occultisme resurgit plus fortement dans Eden. Comment ne pas voir dans les quatre endroits les plus présents dans le roman des lieux symboliques. La forêt proche de la réserve est un lieu inquiétant et maléfique ; le lac est à la fois un lieu de purification et de pratiques initiatiques et le bar du coin, le Hollywood est à plus d'un égard le lieu de la damnation. Comment ne pas voir non plus dans les serveuses du bar des Erinyes à la vengeance implacable !
Mais la cohabitation entre ces deux univers si loin l'un de l'autre n'est pas évidente. Et le passage entre une réalité ancrée dans l'histoire de populations autochtones spoliées de leurs droits et une autre relevant d'un monde magique où règne des forces obscures et souveraines n'est pas toujours suffisamment fluide, du moins à mes yeux. Bien sûr, il y a basculement, notamment lorsque l'intrigue va se nouer autour de la relation entre Nita la narratrice et les quatre serveuses du Hollywood. Mais c'est un peu tardif et j'aurais aimé entrer plus tôt dans une sorte de conte cruel et fantastique.
C'est sans doute ce qui explique le caractère inégal de l'écriture. de superbes passages, notamment une scène initiatique au bord du lac et un holocauste final, à la fois beau et terrifiant, en côtoient d'autres dont le caractère plat ou peu grandiloquent m'a déçue. Mais j'ai aussi retrouvé comme dans Summer cette belle capacité à faire se côtoyer sans heurt le poisseux et le merveilleux, le sublime et le pitoyable. Même plaisir avec une très belle évocation de l'adolescence avec son monde clanique, sa grande vulnérabilité face à l'image de soi, aux traumatismes, au sexe à la fois objet de désir et de peur.
Pour clore ce billet, je suis tentée de dire que Monica Sabolo est en quête d'un univers romanesque encore un peu mouvant mais qui se précise de mieux en mieux...
Je remercie les éditions Gallimard et Babelio pour le cadeau de ce livre dans une opération Mass critique.
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Comme dans un conte de fées, inquiétante et pleine de secrets, la forêt, “immense bouche plus sombre que le nuit”, sert d'arrière-plan scénique au dernier roman de Monica Sabolo, "Eden". C'est un lieu de mystère et de fantasmes où s'affairent, à l'abri des regards, les esprits et les forces occultes, c'est l'espace des terreurs enfantines comme des paradis perdus et le théâtre, par excellence, de l'initiation, des métamorphoses et des disparitions mystérieuses. Et c'est là qu'est un jour retrouvée la jeune Lucy, nue, agressée, violée et totalement traumatisée.

Dans ce coin perdu et jamais nommé de l'Amérique profonde où coexistent difficilement la communauté blanche et - parquée dans une réserve - celle des Amérindiens spoliés de leur mémoire, de leurs traditions et de leurs terres, va alors s'exercer une vengeance collective implacable, primitive et démente.

Avec ce dernier roman qui multiplie les thèmes et joue avec les symboles, Monica Sabolo nous parle de l'adolescence (avec ses rites, ses clans, son besoin d'appartenance, ses émotions ambiguës et son exaltation potentiellement suicidaire), du monde et de la spiritualité des “nativ people”, de la déforestation éhontée, de la sexualité masculine dominatrice, violente et débridée, et de la possible révolte des femmes. Ce sont des sujets dans l'air du temps et souvent repris, actuellement, par la littérature.

Mais le manque de subtilité avec laquelle ils sont ici traités, l'inconsistance des personnages à la psychologie à peine esquissée et l'outrance de cette histoire qui traîne en longueur, où tout, à mes yeux, sonne faux et à laquelle je n'ai pas réussi à croire m'ont rendu cette lecture, de plus en plus agacée au fil des pages, profondément ennuyeuse et lassante. de Monica Sabolo, j'avais lu et apprécié “Summer”. Avec "Eden", le rendez-vous est, pour moi, totalement manqué.

[Challenge Multi-Défis 2020]
[Challenge Plumes féminines 2020]
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Lucy est une adolescente qui vient de s'installer avec son père dans une réserve indienne. La petite ville est encerclée par une nature sauvage et des forêts luxuriantes. Un jour elle disparait. On la retrouve quelques temps plus tard, nue, allongée en position foetale, violée. Elle est en état de sidération. Elle n'est pas la seule victime car il y a déjà eu d'autres disparitions et on a aussi retrouvés des hommes sauvagement attaqués et blessés par des créatures aux griffes acérées et aux crocs aiguisés, dont l'apparence ne les relie à aucune espèce existante.
Monica Sabolo arrive à installer une véritable ambiance angoissante tout le long de son histoire, mêlant violence sous-jacente et mystère. Elle oppose une nature antédiluvienne à l'invasion humaine, destructrice avec ses oléoducs, son pétrole bitumeux et son exploitation forestière industrielle. Son roman a des accents de manifeste écologique, où l'humanité n'a forcément pas le meilleur rôle.
Mais l'histoire s'empêtre rapidement dans des descriptions un peu longues qui ralentissent l'action. La tension narrative est faible. On alterne parfois entre ennui et interrogation. L'auteure a tendance à perdre son lecteur dans des discours décrivant trop abondamment l'état intermédiaire entre l'innocence de petites filles et celui de femmes confrontées à la dureté d'un monde machiste, un monde primitif transpirant abondamment l'hormone mâle.
L'écriture travaillée de l'auteure sauve son roman de l'échouage, mais les thèmes du féminisme et de l'écologie, largement débattus dans l'actualité du monde décadent dans lequel nous vivons, n'amènent pas toujours de l'eau au moulin de cette histoire qui est avant tout une histoire de fait divers, et certainement pas comme certains ont cru le comprendre un roman fantastique.
Cette histoire manque de ressort pour que la tension de l'intrigue atteigne un paroxysme et colle notre attention aux pages. Par contre, elle est un hymne à la beauté et à la grandeur de la nature devant laquelle nous devrions tous nous incliner et la respecter, et un hymne à toutes les femmes pour lesquelles nous en devrions autant si nous nous respections un tant soit peu.
Editions Gallimard, 275 pages.
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Et si je vous parlais d'Éden, dernier roman de Monica Sabolo ?
Nous sommes ici dans un endroit reculé du monde. On pourrait penser à l'Amérique profonde, une terre ancienne, celle des Amérindiens, ceux qui furent traqués, exterminés, ceux qui ont survécus, cohabitent avec les lois des autres, parfois avec leurs propres lois aussi, celles d'une réserve qu'on devine se situer dans une contrée nord-américaine.
Nous sommes à la lisière de la forêt, une forêt menacée de destruction, nous sommes à la lisière des vies, comme l'adolescence est à la lisière du monde adulte.
Dans ce roman envoûtant, sombre et mystérieux où il est justement question d'adolescence, j'ai adoré l'idée d'un monde invisible, souterrain. Nous sommes à la lisière d'un autre monde, presque fantastique.
Il y a le personnage de Nita, autochtone, la narratrice. Il y a le personnage énigmatique de Lucy, elle est blanche, venue de la ville. Elles ont quinze ans. Peu à peu entrent en scène d'autres personnages autochtones, des garçons, des filles du même âge, qui se fréquentent au lycée, la violence est à fleur de peau. Excessive et maladroite.
C'est peut-être simplement la douloureuse expérience de l'adolescence dans un lieu où se concentrent des forces telluriques qui semblent leur échapper.
Pour Nita, la forêt est ce monde hérité de ses ancêtres que les hommes de la société d'exploitation forestière aujourd'hui abîment et dévastent. Le bruit des tronçonneuses se rapproche inexorablement.
Un jour, Lucy disparaît, puis réapparaît quelques temps plus tard dans des circonstances mystérieuses...
On pourrait presque sentir le cœur de la forêt battre entre les pages. Un cœur qui souffre sous la voûte des feuillages. J'adore venir marcher en forêt, capter des sensations qui m'aident souvent à me ressourcer, trouver d'autres respirations. La forêt est pour moi comme un refuge, un endroit secret où l'on peut dissimuler ses rêves, apaiser une âme, reprendre pied dans une vie parfois trop bruyante... Mais la forêt que nous propose Monica Sabolo est oppressante, à la limite de l'asphyxie. C'est un monde beau, sauvage, vénéneux, capable d'accueillir des rites initiatiques d'un autre âge...
J'ai été peu séduit par l'intrigue qui sous-tend le récit. Au premier abord, tout semble en effet tendu comme la flèche d'un arc qui file vers sa destinée fatale. Et l'on sent tout cela venir avec évidence. Mais ce n'est pas la force de ce roman.
De même, certaines cérémonies cathartiques, ressemblant à des sortes de bacchanales, m'ont laissé une impression de déjà vu, m'évoquant parfois l'atmosphère d'un livre comme le Maître des illusions...
En revanche, je me suis laissé emporter par l'incandescence des mots et l'ambiance onirique, sulfureuse, fascinante, proche du vertige, que ces mots suscitent.
Parfois, au détour d'une phrase, je sentais le sol de la forêt se dérober sous mes doigts, s'ouvrir alors sur un enchevêtrement de racines emmêlées sans fin.
Je fermais les yeux. L'odeur enivrante des cèdres et des pins venait alors jusqu'à moi, parmi les stridulations des insectes et l'immensité du ciel nocturne. C'était comme un instant en apesanteur. Je retrouvais alors mes pas et mes errances si essentielles dans la forêt...
Et puis brusquement, une longue plainte remontait du tréfonds de la terre. Sans doute la plainte d'une forêt mutilée et qui a mal. Sans doute aussi la plainte d'une voix humaine... Alors je reprenais le court du récit.
Et puis surtout, il faut regarder ce livre comme une allégorie, une invitation à porter un regard sans concession sur la domination masculine.
Monica Sabolo le fait de manière onirique, à travers ce récit gothique qui s'apparente à certains moment à un conte, un conte des temps modernes.
La forêt devient alors un personnage à part entière du roman. Elle incarne une nature à la fois puissante et fragile qui fait corps avec les personnages féminins du récit, dans un harmonie proche de la fusion.
Certains personnages comme celui de Kishi sont très attachants, magnifiquement dépeints dans des blessures presque désespérées, mais qui ne renoncent jamais à leurs colères.
Parfois les personnages du roman sont comme reliés les uns aux autres par des fils invisibles.
Parfois d'autres personnages qu'eux, plus sombres et fragiles, se glissent à l'intérieur de leurs peaux.
J'ai trouvé originale cette manière de l'auteure d'explorer les douloureuses métamorphoses de l'adolescence, de dénoncer la domination masculine, de le déployer dans une fable écologique, sensuelle et violente, proche du fantastique.
Il y a des promenades en forêt qui ne sont pas toujours de tout repos...
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"Dans ma veste de soie rose, je déambule morose, le crépuscule est grandiose" chantait Christophe dans "Les paradis perdus". Pas de soie rose dans cet "Eden", mais une même forme de tristesse zébrée de fulgurances de beauté.

Nita, 15 ans, vit avec sa mère dans la réserve, près de la forêt qui a englouti son père. Sa vie bascule quand Lucy, jeune Blanche de son âge, emménage à proximité -et s'évanouit à son tour.
Sur fond de disparitions, c'est à la fois un roman d'ambiance et un roman initiatique. J'ai adoré le décor aux contours flous planté par l'auteur : on ne sait pas où on est, quelle réserve, quel pays ; et on s'en fout, car on est quelque part sur Terre. On se laisse aveuglément entrainer dans cette histoire nimbée de brumes, d'ombres et de lumières flottantes, hantée par des esprits et des animaux étranges, et peuplée de filles au regard sauvage et au sourire carnassier. J'ai énormément apprécié aussi la façon dont l'adolescence est abordée, entre révolte, vulnérabilité, élans du coeur et pulsions du corps ; tout cela est décrit avec délicatesse et justesse. Enfin, j'ai également été sensible à la touche mystico-écolo, avec cette forêt touffue et mystérieuse soumise à l'exploitation des hommes, et qui semble prête à les piéger.
Une fois encore (après "Summer"), j'ai beaucoup aimé l'écriture de Monica Sabolo. Son roman a beau être court, il ne se livre pas facilement, tant il est dense et secret, mais il est si ensorcelant qu'il m'a captivée jusqu'à la fin.

Alors, si les atmosphères vaporeuses et les filles-fantômes vous attirent, n'hésitez pas à plonger dans cet "Eden" plein de grâce et de fureur.
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Bon, une rentrée littéraire en demi-teinte pour moi cette année : autant le dire, rares sont les romans dont j'ai dépassé la vingtième page. Je me suis forcée à finir ceux pour lesquels j'étais engagée dans un prix littéraire.
Pour les autres, j'ai abandonné.
Et je ne dis pas ça comme ça, non ! Jusqu'à présent, je ne pouvais me résoudre à lâcher un livre. J'allais jusqu'au bout. Coûte que coûte.
Mais maintenant, c'est terminé.
Parce que j'en ai tout simplement assez de lire des romans qui ne sont pas écrits, des textes sans aucun style que l'on essaie de nous vendre comme de purs chefs-d'oeuvre alors qu'ils ne valent rien d'un point de vue littéraire ou pas grand-chose. Je ne veux plus perdre mon temps avec les romans dont on parle, qui font le buzz ici ou là et que l'on oubliera bien vite. Comme disait Tardieu, « je suis vieille et j'suis pressée, laissez-moi passer... » Alors, que faire ? Retourner aux classiques ? Oui bien sûr ! Je me dis régulièrement qu'il faut que je me replonge dans "La Recherche" ou "Madame Bovary". Et puis, attendez, je n'ai toujours pas lu « Moby Dick » ni « L'homme qui rit ». Et pourtant, je suis bien persuadée qu'il y a eu quelques parutions intéressantes en cette rentrée mais j'ai dû passer à côté… Bon, je n'ai pas encore ouvert « Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon » de Jean-Paul Dubois ni « Le Ghetto intérieur » de Santiago H. Amigorena. Et j'en attends beaucoup… Pour le moment je suis dans « Francis Rissin » de Martin Mongin : l'écriture ne me convainc pas vraiment mais j'aime le ton. Bref, celui-là, je ne l'ai pas encore lâché…
Tout ça pour vous dire deux mots de mes deux dernières lectures « complètes » : commençons par « Eden » de Monica Sabolo. Franchement, et pour dire les choses telles qu'elles sont, j'ai eu la très désagréable impression de lire 275 fois la même page. Les personnages sont inconsistants au possible (je les ai confondus tout le long du roman), l'intrigue complètement tirée par les cheveux (et déjà lue ici et là), les descriptions d'une platitude absolue (c'est impressionnant!)… Tout cela sonne faux, creux… On met dans la casserole un petit mélange de choses qui plaisent : de beaux ados mal dans leur peau, deux trois légendes amérindiennes (décidément, très à la mode les Amérindiens...), la forêt qu'on massacre, des disparitions, de l'ennui, de l'alcool, le tout saupoudré de mots magiques comme « mystérieux », « autre dimension », « chemin spirituel », « éblouissement passager »… Et l'on secoue … le résultat ? le « roman envoûtant » décrit sur la 4e de couv ? Non ! Des pages que l'on tourne sans que rien n'accroche vraiment et que l'on oublie à peine le livre refermé… du moins en ce qui me concerne...
Pour filer ma métaphore culinaire, je vais passer à « Mur Méditerranée » de Louis-Philippe Dalembert. Voilà un texte honnête (sans qu'il y ait véritablement d'écriture, n'en demandons pas trop!), on a même l'impression que tous les « ingrédients » de départ étaient plutôt bons mais au final, le résultat est décevant : on ne s'attache pas aux personnages (je n'ai pas été émue une seule fois, moi qui pleure pour un rien...) et ce, sur un sujet grave, terrible, celui des migrants !
Je pense d'ailleurs que la documentation assez importante dont disposait l'auteur a alourdi le propos et pesé sur la construction du roman , trop didactique pour finir. En dire beaucoup sur un événement, prétendre à une certaine exhaustivité donne rarement lieu à une oeuvre réussie. Sans doute vaut-il mieux faire des choix pour proposer un point de vue nouveau, original.
Je persiste à penser qu'une véritable oeuvre littéraire est une vision PERSONNELLE, INTIME du monde, une façon bien particulière de percevoir, d'appréhender, de vivre ce qui nous entoure.
On m'accusera d'avoir une vision trop romantique de la création mais je crois qu'écrire doit relever d'une nécessité, rester un acte viscéral, vital même. On ne crée pas sur commande. L'auteur ne doit pas chercher un sujet. Il doit le porter en lui depuis des années. Il doit vivre avec ce fardeau jusqu'au jour où, le trouvant trop lourd, il ne peut faire autrement que de le traduire en mots. Et généralement, cela ne se fait pas dans le bonheur, car écrire est un exercice difficile et exigeant.
Et je crains que ce soit ce qui manque à beaucoup d'écrivains actuellement : écrire pour supporter encore un peu la vie, écrire pour ne pas mourir...
Tant mieux pour eux, me direz-vous…
Oui, mais alors tant pis pour nous...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Sur cette terre lointaine jamais nommée, les hommes massacrent allègrement la nature, nient les cultures indigènes et violent impunément. Ouh là ! Un tel résumé inquiète et annonce un roman résolument too much garanti balance ton porc occidental ; oui mais c'est Monica Sabolo qui tient la plume et, comme d'habitude, elle entraîne ses lecteurs au-delà des apparences, dans un monde moins proche de l'Amérique du Nord que de la vaste terra incognita que représente l'adolescence.
Comme la terre des Indiens est grignotée -violentée serait plus juste- par les pelleteuses des Blancs, le monde de l'enfance s'éloigne inexorablement et, des bois, refuges terrifiants, sourd l'angoisse du sexe et du manque d'amour. La force du livre tient à ce récit d'une double violence: celle, objective, de la domination du mâle blanc, et celle, subjective, d'une révolution intérieure, la mise à mort de l'enfance.
J'ai néanmoins ressenti comme un abus de mystères qui embrume un peu beaucoup le texte, encore souligné par les annonces tonitruantes de la fin (« Il est étrange de réaliser qu'avant que nos vies basculent pour toujours, rien ne l'annonce » dit la narratrice, alors que le lecteur est dûment invité à considérer qu'il va se passer un truc de ouf). Malheureusement, l'apocalypse finale, ni crédible ni onirique, déçoit, amenée moins par une nécessité organique que par le métier de l'auteur décidé à en donner pour son argent à son lecteur.
Moralité: c'est bien, mais ce n'est pas « Summer ».
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Après Crans-Montana (JC Lattès, 2015), et le formidable Summer, Monica Sabolo- qui a changé en cette rentrée 2019 d'éditeur, passant de JC Lattès à la blanche de Gallimard- poursuit le travail entrepris dans les deux premiers romans avec une exploration des mystères adolescentes baignées dans une une ambiance onirique traversé de longues envolées lyriques à la nature.

Après la montagne et le lac, c'est la forêt qui sert de décor idéal pour le genre du roman ­ « gothique » auquel elle rêve de s'essayer – parmi ses modèles, elle cite Bellefleur, de Joyce Carol Oates (Stock, 1980).

Comme Laura ­Kasischke , auquel on pense toujours quand on lit ses romans, Sabolo prend le pretexte d'une peinture d'adolescentes fascinantes et mystérieuses pour mettre en mots la montée en puissance de l'étrange et d'une tension d'abord imperceptible puis insubmersible,



"Je m'approchai de Baby mais elle s'échappa. Elle traversa la salle, se faufilant entre des hommesqui s'écrataient sur son passage sans cesser de discuter puis se resseraient à nouveau autour d'elle. "

Comme dans ses deux précedents romans, on aime la force évocatrice que fait surgir Monica Sabolo.

Cependant, contrairement à ses romans- ceux de Kasischke bien sur, mais aussi "Crans Montana" et surtout "Summer " - cet Eden déçoit un peu sur la longueur : les personnages manquent cruellement de profondeur , ils nous échappent tellement, qu'au final on ne sent pas beaucoup d'intéret à les suivre.

Les descriptions de la nature sont toujours aussi belles, mais cette forêt semble finalement moins envoutante que le Lac Léman de Summer.

Bref une petite déception de cette rentrée littéraire car on attendait beaucoup de Cet Eden qui promettait monts et merveille
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Lucy, quinze ans, blonde, un mètre soixante-cinq, short en jean, disparue depuis deux jours, l'avez-vous aperçue ?
"Non, non, c'était un esprit, l'esprit de la forêt." »
Lucy, retrouvée violée dans la forêt… Un endroit jamais nommé, ce qui donne encore plus de force à cette histoire.
A travers le récit initiatique et angoissant d'une adolescente, Nita, le lecteur revient avec elle sur l'année écoulée, toujours entre deux mondes : une ville glauque et la forêt, les blancs et les noirs, les adultes et les adolescents, le quotidien sordide et la nature d'une beauté envoutante, l'industrie pétrolière et les sociétés forestières qui détruisent la forêt, la force des rituels et légendes… Il faut se perdre du côté du lac et fréquenter le bar le Hollywood en terre amérindienne pour dénouer les fils de ce conte cruel aux accents ésotériques.
Une écriture simple, épurée, très descriptive et sensuelle qui nous entraine dans une histoire prenante, noire, violente, fascinante et mystérieuse.
J'avais déjà apprécié Summer et j'ai pris bien du plaisir à poursuivre la découverte de l'univers de Monica Sabolo, si particulier, chaotique, presque irréel parfois.
Je remercie Les éditions Gallimard et Babelio pour cette découverte.
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Il n'y a rien a raconter sur Lucy, une élève blanche, juste moyenne, pas de petit ami connu, pas vraiment de copines. Elle se change dans les toilettes pour enfiler des shorts et des pulls moulants. Presque tous les jours, elle va dans la forêt, faire des choses mystérieuses. Il se passe des trucs bizarres dans la forêt. Disparue depuis deux jours Lucy est retrouvée le corps recouvert de croûtes séchées, zébré de griffures. Pendant des semaines elle va rester muette.

Nita la narratrice a fait la connaissance de Lucy, au lycée un an avant. Dans ce lycée les enfants blancs se mêlent à ceux de la réserve située en lisière de la forêt. Deux rives opposées d’un même fleuve. Des adolescentes, des mères de famille, des jeunes garçons ont disparu dans cette forêt. Le père de Nita aussi est parti dans la forêt, il y a trois ans, il n’est jamais rentré.

Monica Sabolo nous raconte l’affrontement de deux mondes, celui des blancs et celui des gens de la réserve,

« Pour la plupart des blancs, notre existence est insupportable . Nous sommes leur miroir, ils ne peuvent pas nous regarder. Cela voudrait dire regarder en face les atrocités qu'ils ont commises, ils s'autodétruiraient. »

Celui de la forêt et celui de l’industrialisation, celui des adultes et celui des adolescents, celui des hommes et celui des femmes. Un roman rempli de mystères, de rituels, de croyances, de légendes. Nous ne savons pas où se déroule le récit, mais est-ce vraiment important. Autour de Nita et Lucy il y a les parents, les amis du lycée, les serveuses du bar le Hollywood et les ouvriers qui viennent boire une bière et reluquer les filles, et surtout la forêt le personnage principal de ce roman. C’est le territoire des esprits, là où vivent les filles oiseaux,

« Peut-être qu'on ne peut pas tous voir l'autre monde, celui qui est caché. Peut-être qu'il faut être ouvert, avoir un coeur pur. »

Une forêt défigurée par l’industrie pétrolière et les sociétés forestières, les arbres que l’on abat, une fuite qui déverse des milliers de litres de pétrole brut dans la rivière. Un roman de vengeance, une histoire de justice, la nécessité de punir les coupables puisque personne ne le fait. Avec une écriture poétique, Monica Sabolo évoque le temps où les hommes, les animaux et la nature ne faisaient qu’un.

« Il était un temps où, ici, tout était à sa place. Les forces vivaient parmi nous. Elles se repoussaient et s'attiraient, l'univers n'était que mouvement. Mon père me disait qu'en ce temps-là, un homme pouvait se transformer en animal, et un animal en homme. Que les arbres parlaient entre eux, que si l'on demeurait silencieux assez longtemps, il était possible de les entendre. L'énergie était partout, et il suffisait de se pencher pour s'en saisir, comme on recueille de l'eau au creux de sa main. »

Mais l’écriture devient violente, car les hommes ne savent pas exprimer leurs sentiments autrement.
« La vie est violente, nous sommes des proies ou des prédateurs, ou plutôt nous sommes les deux à la fois, chacun notre tour. »

Difficile de parler de ce roman, car c’est un livre étrange qui vous envoûte ou pas, un livre qui vous parle ou pas, personnellement je suis entré pleinement dans l’univers de Monica Sabolo. Je remercie Les éditions Gallimard et Babelio pour cette belle découverte.




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