Là Louis IX, ce fou bien plus bizarre,
Qui saintement, sacrilège et barbare,
Sut déguiser sous la cause du Ciel,
L'ambition de son coeur plein de fiel,
Et dans un temps chrétiennement stupide,
Fit honorer une main homicide,
En colorant, par des signes de croix,
Le noir penchant de son coeur discourtois.
D'un bras débile et flétri de misère
Le laboureur déchire en vain la terre,
Le soir il rentre et l'affreux désespoir
Est descendu dans son triste manoir ;
Il voit venir sa femme désolée :
Notre cabane est, dit-elle, pillée !
Et qui l'a fait ? dix l'époux plein d'éffroi ;
Et qui l'a fait ? Qui l'a voulu ? Le Roi !
Le Roi, mon fils ! Sa funeste indolence
Ignore, hélas ! Les malheurs de la France !
De noirs tyrans écrasent ses sujets
Et sa faiblesse ignore leurs forfaits !
Quelle est hélas ! Quelle est ma destinée !
S'écria-t-elle après quelques instants
Dans l'univers, errante, abandonnée
Triste jouet de noirs enchantements,
Loin d'un amant à vivre condamnée !
C'est donc ici que le ciel rigoureux
Fixe à jamais mon destin amoureux.
Que deviendrai-je en ces déserts sauvages ?
J'entends la mer se briser sur ces plages ;
Tout est brûlé des feux ardents du jour...
Ainsi mon coeur est brûlé par l'amour !
Comme il parlait, le tendre chevalier
Sentit son dos en voûte se plier;
En un poli dur sa peau douce est changée,
Ses mains d'ivoire et ses pieds rembrunis
En un sabot sont soudain racornis,
Pousse une queue, et sa tête allongée
D'oreilles d'âne est bientôt embranchée.
Présentation du livre "Saint-Just et des poussières" d'Arnaud Maïsetti
Parution aux éditions de l'Arbre vengeur le 19 août 2021.