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Pierre Salama (Autre)
EAN : 9782365122658
200 pages
Editions du Croquant (10/11/2020)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Pourquoi la pandémie en Amérique latine ? De la fin des années 1980 à aujourd’hui, le taux de croissance du PIB par tête en moyenne est plus que modeste et les inégalités de revenus gigantesques. Le virus SARS-CoV-2 agit sur un « corps déjà malade », d’où un cortège de morts impressionnant.
Pourquoi écrire sur ce sujet maintenant alors que la pandémie n’est pas terminée ? Ce livre participe du cri d’alarme. Déjà le virus mute en un virus politique.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La pandémie exacerbe tous les maux qui préexistaient à son apparition

« La pandémie est en cours en Amérique latine, peut-être sera-t-elle terminée au moment où vous lirez ces lignes, je l'espère. Au moment où j'écris ce livre (mars à juin 2020), elle parait loin de l'être et son pic ne semble pas encore atteint au Pérou, au Mexique, au Brésil, déjà fortement impactés. On pourrait se demander pourquoi ne pas attendre avant d'écrire ce livre et quelques-uns de mes amis m'ont posé cette question. Un peu périlleux de se lancer dans cette analyse alors que l'histoire n'est pas encore écrite. Il est toujours plus facile de la raconter une fois qu'on la connait. En ce qui me concerne, je suis de ceux qui ne pense pas que l'histoire suit un chemin inéluctable, il y a des bifurcations d'ordres économiques et ou politiques toujours possibles et je préfère me situer avant, au risque de me tromper, plutôt qu'après ».

Dans son introduction générale, Pierre Salama souligne que « La pandémie a agi comme un révélateur des fragilités d'un système » et que « la pandémie est également révélatrice de l'extrême fragilité des économies latino-américaines et de la solidité de leur système politiques ». Il revient sur les causes de la faible croissance depuis la fin des années 1980, « des inégalités de revenus et de patrimoines parmi les plus importantes du monde, une informalité du travail absolument considérable, une contrainte externe particulièrement élevée dans quelques pays qui provoque des irrégularités de croissance de type stop and go, une ouverture aux mouvements de capitaux bien plus importantes que celle des échanges de marchandises, une désindustrialisation dite précoce couplée d'un reprimarisation des exportations, un niveau de violence considérable » et souligne quelques éléments d'alternatives pour sortir de cette situation. L'auteur aborde aussi la mutation du virus en « virus politique », des prémices de bouleversements politiques, « L'apparition d'un populisme d'extrême droite, voire d'un « illibéralisme » menacent. Aussi pour analyser ces possibilités, un retour analytique sur les populismes du XXIe siècle devient nécessaire et une analyse approfondie des Eglises évangéliques sur lesquelles s'appuient nombre d'élus et ce d'autant plus qu'elles sont en forte croissance en Amérique latine. La comparaison avec les mouvements d'extrême droite européens quant à la composition sociale de leur électorats ou de leurs adhérents, leurs croyances, leurs rapports à l'autre, aux minorités, aux politiques, à l'importance de l'intervention de l'Etat et à la corruption, leurs traditions cultuelles et culturelles réactionnaires voire fondamentalistes, est riche d'enseignements ». le futur reste cependant toujours ouvert, les possibles ne sont pas que strictement déterminés par les contraintes – les êtres humains « font librement leur histoire mais dans des conditions qui ne sont pas librement décidées par eux » -, cela implique de tirer des bilans sur politiques menées, de renouveler « en profondeur des propositions progressistes » et, j'ajoute, de favoriser les expériences auto-organisées des populations. « C'est un peu l'objet de ce livre, écrit dans le feu du déroulement de l'Histoire par quelqu'un qui aime particulièrement l'Amérique latine, son deuxième pays »…

Chapitre 1 : Adieu à l'hyper-globalisation ?

Tout en indiquant la différence entre une corrélation et une causalité, Pierre Salama souligne l'accélération des épidémies au niveau mondial, les liens « indirects » entre accélération des échanges et épidémie, les discours sur « la mondialisation heureuse », les raisons de la crise actuelle dans le sous-continent et les différences avec 2008.

Il revient, entre autres, sur les évolutions du taux de croissance des exportations et du PIB des années 1990 à la crise de 2008, l'hyper-globalisation et le ralentissement des exportations en valeur, l'éclatement de la chaine de valeur, le bouleversement de la division internationale du travail, la reprimarisation et la désindustrialisation, la perte de souveraineté, les fragmentations territoriales, la place des différents pays dans le processus d'éclatement de la chaine de valeurs, les « vertus mythiques » du libre échange, les multinationales et les sous-traitances, l'entrelacement du légal et de l'illégal, les emplois informels, la création de nouvelles dépendances et de nouvelles vulnérabilités.

L'auteur discute des effets de la pandémie, de la chute des volumes des échanges, des coûts financiers et de l'amoncellement de mort·es, des relocalisations à plusieurs vitesse. Il propose quelques pistes sur les futurs possibles rompant avec la poursuite en pire des politiques antérieures…

Chapitre 2 : Pourquoi les pays latino-américains souffrent-ils d'une stagnation économique sur longue période ?

La propagation mondiale du virus a « précipité et non provoqué, une crise économique, sociale et demain politique très importante en Amérique latine, plus grave que celle des années 1930 ». Pierre Salama aborde, entre autres, les dysfonctionnements de l'hyper-globalisation, l'accentuation des inégalités de revenus, les similitudes et les différences entre pays du sous-continent. Il détaille « les huit plaies de l'Amérique latine » : « 1) inégalités de patrimoine et de revenus très importantes ; 2) une informalité des emplois et un taux de pauvreté conséquents ; 3) une reprimarisation de l'économie ; 4) une détérioration de l'environnement importante ; 5) une ouverture financière plus importante que l'ouverture commerciale ; 6) une désindustrialisation précoce ; 7) une tendance à la stagnation économique ; 8) un niveau de violence extrêmement important surtout au Mexique, au Brésil, au Salvador, en Honduras et au Guatemala ». Il fournit des données statistiques globales et pays par pays sur la croissance du PIB, la productivité du travail, la formation brute de capital fixe…

J'ai particulièrement été intéressé par les éléments fournis sur certains pays et les comparaisons proposées qui permettent de comprendre les évolutions.

Une nouvelle ère du capitalisme semble s'ouvrir, un « retour du néocapitalisme « sans les soviets, mais avec la révolution numérique » ». Reste toujours une possible et optimiste alternative démocratique et auto-organisée « celle de la construction d'un socialisme, alliant les soviets et le numérique et la fin de l'Etat tout court plutôt que sa consolidation via une bureaucratie prédatrice… » Ou comme est titré le récent livre de Daniel Tanuro sur la crise climatique : « Trop tard pour être pessimiste ! »

Chapitre 3 : du SRAS-CoV-2 à un virus social en Amérique latine

Pierre Salama revient sur la situation antérieure à la pandémie, « le facteur exogène qu'est cette pandémie agit sur un tissu économique et social affaibli en Amérique latine », les politiques mises en place, les conséquences sociales et économiques, le retour de l'« Etat-nation », l'insuffisance des moyens de lutte contre la contagion, la minorisation des dangers, les inégalités devant la mort, les dépenses de financement de la santé très insuffisantes, « L'importance des dépenses privées, leur augmentation relative est un indicateur du déficit de solidarité du système de santé », la hausse de la mortalité directe et indirecte, les effets délétères de la globalisation et les secteurs à protéger, « On voit que derrière cette question c'est à la fois celle des limites du marchand et de sa logique de profit et celle d'une nouvelle définition de la frontière entre le marchand et le non marchand »…

Chapitre 4 : Contagion virale, risques politiques en Amérique latine

« L'objet de ce chapitre est 1) de rappeler ce qu'ont été les populismes au 21e siècle, 2) de montrer l'influence croissante desEglises évangéliques particulièrement dans les populations pauvres peut les conduire à appuyer de nouveaux courants populistes d'extrême droite ». L'auteur discute des politiques de redistribution, « le vecteur commun des populismes progressistes est la solidarité entre citoyens, quelle que soit la race, la religion, la nationalité », de l'opposition des couches sociales à hauts revenus aux « options égalitaristes », de l'économie de rente, des analyses en termes de peuple, de l'exercice bonapartiste du pouvoir, des identifications religieuses, des populismes d'extrême droite et de la haine vis-à-vis des minorités, de la quête « de la nation idéale », des églises évangéliques et des références à la bible…

Je souligne les paragraphe d'analyse sur ces églises évangéliques et leurs discours, la baisse d'adhésion au catholicisme, les liens entre l'implantation évangélique et l'urbanisation très rapide, les oppositions à la « théologie de libération », les profils des adhérent·es, le refus de l'éducation des jeunes filles, « On sait que c'est parce que l'éducation libère que les groupes fondamentalistes religieux militent un peu partout dans le monde pour refuser l'accès à l'éducation des jeunes filles », les rapports « à l'ordre, l'avortement, le mariage entre homosexuels, l'aide aux pauvres », ce que peut signifier la haine, la culpabilisation individuelle et le déni de la société, la volonté de figer le temps et d'éterniser la famille, une radicalisation du discours « pour un Etat fort, compris comme un Etat qui n'a pas à s'encombrer du jeu des règles démocratiques »…
Pierre Salama n'oublie pas les mobilisations contre les violences faites aux femmes et les féminicides, et plus généralement les mobilisations féministes.

« le futur n'est ni connu, ni inéluctable ». Aux crises et à leurs cortèges de misères, certain·es n'hésiteront pas à promouvoir des réponses réactionnaires autour d'un Etat fort avec leader charismatique, des nouvelles formes de populisme avec l'appui des Eglises évangéliques. « Mais la pandémie est peut-être aussi une opportunité pour changer en profondeur et décider un ensemble de mesures structurelles favorisant et le social et l'environnement afin d'emprunter enfin le chemin du développement durable »…

Il me semble important de développer les solidarités avec les mobilisations encours et à venir sur ce sous-continent, sans cependant considérer comme progressistes certains gouvernements dictatoriaux, à commencer par celui du Nicaragua…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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L’apparition d’un populisme d’extrême droite, voire d’un « illibéralisme » menacent. Aussi pour analyser ces possibilités, un retour analytique sur les populismes du XXIe siècle devient nécessaire et une analyse approfondie des Eglises évangéliques sur lesquelles s’appuient nombre d’élus et ce d’autant plus qu’elles sont en forte croissance en Amérique latine. La comparaison avec les mouvements d’extrême droite européens quant à la composition sociale de leur électorats ou de leurs adhérents, leurs croyances, leurs rapports à l’autre, aux minorités, aux politiques, à l’importance de l’intervention de l’Etat et à la corruption, leurs traditions cultuelles et culturelles réactionnaires voire fondamentalistes, est riche d’enseignements
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La pandémie a agi comme un révélateur des fragilités d’un système » et que « la pandémie est également révélatrice de l’extrême fragilité des économies latino-américaines et de la solidité de leur système politiques
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les huit plaies de l’Amérique latine » : « 1) inégalités de patrimoine et de revenus très importantes ; 2) une informalité des emplois et un taux de pauvreté conséquents ; 3) une reprimarisation de l’économie ; 4) une détérioration de l’environnement importante ; 5) une ouverture financière plus importante que l’ouverture commerciale ; 6) une désindustrialisation précoce ; 7) une tendance à la stagnation économique ; 8) un niveau de violence extrêmement important surtout au Mexique, au Brésil, au Salvador, en Honduras et au Guatemala
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Mais la pandémie est peut-être aussi une opportunité pour changer en profondeur et décider un ensemble de mesures structurelles favorisant et le social et l’environnement afin d’emprunter enfin le chemin du développement durable
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On voit que derrière cette question c’est à la fois celle des limites du marchand et de sa logique de profit et celle d’une nouvelle définition de la frontière entre le marchand et le non marchand
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