Dans la touffeur écrasante de l'air immobile qui pèse comme une tente affalée, les escaliers de Positano mènent au plus beau, vers le ciel éclatant au-delà des fenêtres.
Telle une princesse, Erica semble traverser l'intérieur d'une tente de cirque, le soleil brille au travers des toiles et remplit l'espace d'une lumière chaude et diffuse.
C'est le ventre de Positano, son coeur aussi.
Compagne du cinéaste Maselli, le responsable de la section cinéma du Parti communiste italien,
Goliarda Sapienza se rend dans ce modeste village, hors du temps, pour un repérage cinématographique.
Là, se joue le drame intime et politique de Goliarda, toujours opposée au Parti communiste. L' amour et l'idéologie s'affrontent dangereusement dans l'incandescence de Positano.
Quatre ans plus tôt , à la manière de
Louis Althusser elle commet un geste, qui sans être un meurtre, la conduit à la prison de Rebibbia. Goliarda la subversive est toute entière dans ses oeuvres. Son esprit et son tempérament jaillissent vivants dans chaque page de ce roman. Celle qui fut formée loin des écoles siciliennes, alors sous l'emprise fasciste, celle qui très jeune a lu
Dostoïevski, Tolstoï et Hugo dans les ruelles de San Barillo, apprend à raconter en écoutant les récits pleins d'humanité des clients de Giuseppe Sapienza, son père avocat.
Rendez-vous à Positano propose une unité de mesure du temps: la journée. À l'intérieur de celle-ci, Goliarda et son amie Erica remplissent leur vie où tout palpite pour qu'elle soit digne d'être vécue. Loin du monde qui tend à la saturation, Positano est ce point d'ancrage d'une amitié pérenne. Deux femmes au tempérament tellurique à la douleur secrète nous confient que la vie peut être détruite mais elle renaît ensuite comme la terre volcanique.
" Je me console à la pensée que la vie elle-même est ainsi, elle recommence toujours du début."
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Ce trésor de lecture est la porte de sortie de l'oeuvre de Goliarda Sapienza. Loin des vertus combattantes des autres oeuvres, ce roman propose un temps de quiétude à celle qui pourtant a toujours refusé de s'embourgeoiser.
Les douleurs enfouies de la sirène Erica , tel un Cola Pesce dans son enfermement sous l'eau, regagnent les tréfonds d'une terre de pouvoir imaginaire, celle de Positano.
La fin de L'Arte della gioia se clôt par ces mots: " Raconte, Modesta, raconte."
Goliarda avait fini son roman et Modesta commençait.
Rendez-vous à Positano se termine sur les mots d'un vieux villageois " Mais laissons le passé, parle-moi plutôt de toi..."
auxquels répond une dernière page blanche de celle qui ne souhaitait pas que la vie détruise le rêve.
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