Ulcère ? le stress. Mal de dos ? le stress. Rage de dent ? le stress. « Le stress » semble être devenu la réponse magique à la mode pour expliquer tous les problèmes de santé sans trop se fouler. Et pourtant, grâce à ce livre, on constatera qu'il y a beaucoup de vrai là-dedans.
Le stress, chez les mammifères, a un but bien précis : fournir toute l'énergie possible à votre corps pour vous tirer, là, tout de suite, d'une situation désespérée. C'est ce qui vous permet de taper un sprint digne d'
Usain Bolt pour fuir un danger alors que d'habitude, votre seule activité physique consiste à marcher quelques minutes entre deux sièges ; ou à soulever un poids invraisemblable parce que vous pensez que votre enfant est en danger derrière, alors que généralement, vous galérez à ouvrir un pot de confiture.
Donc en soi, c'est bien, même s'il y a un petit contrecoup à payer : négliger toutes les tâches non-vitales du corps pour économiser l'énergie :
— La digestion (on se préoccupera de son repas quand on sera certain de ne pas être celui du prédateur qui nous court après) ;
— La croissance (on grandira quand on saura que notre espérance de vie dépassera 10 minutes) ;
— Désactiver le système immunitaire pour rechercher des maladies longue durée (idem) ;
— La reproduction (c'est pas le moment de tortiller de la croupe ou de faire l'hélicobite pour impressionner un partenaire potentiel si on se trouve en plein incendie) ;
— etc, etc.
Alors, ce n'est pas très grave quand ça dure un quart d'heure. Mais on active ce stress jour après jour, mois après mois, année après année, à propos d'embouteillages, de retards à l'école, de factures de fin de mois, ou du collègue qui va vous chiper la promotion sous le nez, on commence à deviner tous les problèmes qui peuvent survenir.
L'auteur est biologiste de formation, et explique, pour chaque problème lié au stress, comment ça fonctionne en temps normal, ce que le stress provoque dans le système, comment ça revient à la normale après le stress, et ce qui déraille sans cette phase de relâche. C'est parfois technique, à coups de noms barbares de neurotransmetteurs et de systèmes neuronaux, mais Sapolsky a toujours derrière la petite anecdote ou métaphore qui vient nous donner une idée générale de la situation et nous permet de continuer sereinement la lecture. Les chapitres sont nombreux, et la liste est déjà terrifiante : attaques cardiaques, croissance, ulcères, reproduction, immunité, gestion de la douleur, troubles de mémoire, perturbations du sommeil, vieillissement, dépression, agressivité, dépendances diverses, …
Certaines anecdotes sont amusantes (le stress, en coupant la digestion, vous donne la bouche sèche juste quand vous voulez commencer votre discours devant une salle comble), d'autres sont plus dramatiques (agresser un inférieur qui ne vous a rien demandé est une stratégie très efficace pour diminuer le stress (le vôtre en tout cas. Mais l'agressé, pour celui que vous venez de lui donner, peut faire pareil sur un inférieur encore plus bas, etc.)). Pendant un moment durant ma lecture, je ne cache pas que quand je stressais pour attraper mon bus à temps, je stressais également de me donner une attaque cardiaque à 55 ans dans la foulée, et je stressais de la dépression qui allait suivre ma convalescence que je ne parviendrais certainement pas à gérer. Cependant, le livre n'est pas alarmiste, mais permet une prise de conscience salutaire : quand on pense à tous les neurones qui s'activent, les artères en tension, nos organes en mode survie, toute cette énergie mise à disposition pour agir, maintenant !, on peut vraiment se poser la question : est-ce que la situation en vaut vraiment la peine ?