Amitié, à quoi tiens tu?
A des mots?
Peut être, mais surtout à des sous entendus, des silences, des intonations. Cette pièce de
Nathalie Sarraute est dédiée à leur pouvoir de construction ou de déconstruction.
Et de fait, conçue pour la radio, il faut l'écouter: les deux hommes ne sont pas présentés (pas même un nom) , leur contexte non plus. Rien pour l'auteure ne doit détourner notre attention aux dialogues, qui seule permettra de débusquer l'implicite, les dissonances qui se cachent derrière ou entre les mots.
Partant d'un "c'est bien...çà" (se sont les trois points de suspensions qui sont importants, le ton condescendant, ... qui ruinent le "c'est bien"), H1 et H2 vont pousser plus loin l'analyse de leur amitié, à tour de rôle.
Dans cette exploration,
Nathalie Sarraute suggère un flirt de l'amitié avec l'amour, au sens de la recherche commune de la satisfaction d'un besoin d'admiration réciproque, de partage de moments ensemble, par exemple.
Mais surtout, les dialogues font émerger inexorablement la fragilité des bases sur lesquelles sont finalement construite cette amitié. L'une de ces fragilités est l'oubli volontaire (?) d'épisodes pénibles, que l'analyse fait resurgir. Une autre réside dans les différences de vie, qui seraient probablement surmontables si ne s'y glissaient pas, entre les mots, envie, jalousie, voire manque de respect. Tout cela crée une glissade dangereuse vers la rupture de cette amitié, alors même que chacun des deux personnages aspire à partager et/ou à comprendre, à participer au monde de l'autre.
Si je me hasarde au delà du texte de Sarraute, faut-il laisser ce pouvoir des silences condamner une amitié possible et pressentie, ... et redonner du pouvoir aux mots...?