« Si je ne peux pas être qui je suis, je préfère être morte plutôt qu'être emprisonnée dans un corps qui n'est pas le mien. »
Emprisonnée, enfermée, Virginie l'est depuis l'enfance : dans son corps de garçon, alors qu'elle se sent fille. Et quand vos parents prennent pour une lubie un tel décalage, qu'ils s'attendent à ce que 'ça passe', quitte à sévir violemment pour vous remettre dans le droit chemin (éventuellement avec l'aide d'un psy), c'est douloureux pour le corps et surtout pour l'âme. En-dehors de la maison, c'est encore pire avec le harcèlement scolaire, entre 'simples' moqueries et passages à tabac : « Ce besoin de torturer ceux qui ne vous ressemblent pas, ceux dont les moyens de défense sont réduits à l'espoir que les choses changent un jour. »
Virginie connaît ensuite un double enfermement : la prison. Une prison pour hommes, puisqu'officiellement, elle est de sexe masculin.
Et si le milieu carcéral est particulièrement impitoyable et violent, il l'est plus encore pour les 'minorités visibles', notamment les homosexuels et transgenres, victimes des pires sévices de la part de co-détenus et de matons. Un enfer dont on s'échappe un peu (avec la drogue), ou beaucoup - en se suicidant.
Ce roman est magistral ! ♥
La lecture est douloureuse, on passe de la colère à la nausée, on est souvent triste à hurler, poings serrés, sourcils froncés, certains passages sont insoutenables. J'ai pensé à 'Meurtres pour rédemption' (Karine Giebel) pour la violence carcérale, à 'En finir avec Eddy Bellegueule' (Edouard Louis) pour le calvaire vécu par ceux dont l'identité sexuelle 'dérange'.
Mais surtout, le talent de l'auteur me rappelle celui de Thierry Jonquet, pour la construction de l'intrigue, la richesse des personnages (jamais nommés, habilement désignés par des pseudos ou des fonctions) et la pertinence des propos.
A travers l'histoire cruelle de Virginie, Jacques Saussey nous bouscule et fait réfléchir à la transidentité, à la sexualité en général, au regard de l'autre, aux relations parents-enfants, à la prison et aux Ehpad...
L'ouvrage commence comme un roman noir, il le reste, mais se double d'une intrigue policière troublante en huis clos qui évoque une ambiance Cluedo et Agatha Christie…
Passionnant et bouleversant ! Les explications de l'auteur en fin d'ouvrage rendent l'histoire de Virginie encore plus poignante, alors qu'on pense avoir atteint des sommets et être passé par toutes sortes d'émotions.
Bravo et merci à l'auteur pour son intelligence et sa sensibilité. ♥
________
(…)
Mais mon vrai métier c'est la nuit
Je l'exerce en travesti, je suis artiste
J'ai un numéro très spécial
Qui finit en nu intégral
Après strip-tease
Et dans la salle je vois que
Les mâles n'en croient pas leurs yeux.
(…)
On rencontre des attardés
Qui pour épater leurs tablées
Marchent et ondulent
Singeant ce qu'ils croient être nous
Et se couvrent, les pauvres fous
De ridicule
Ça gesticule et parle fort
Ça joue les divas, les ténors
De la bêtise.
Moi les lazzi, les quolibets
Me laissent froid puisque c'est vrai...
(…)
♪♫ https://www.youtube.com/watch?v=-4-zC8WtwBw
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L'enfermée de Jacques Saussey se prénomme Virginie.
Virginie est une femme enfermée dans un corps d'homme. La nature s'est trompée. Est-ce un crime ? Est-ce une tare ? Non mais Virginie doit se battre jour après jour pour s'imposer telle qu'elle est. Après une enfance difficile entre une mère surprotectrice et un père violent, elle se retrouve incarcérée à tort dans une prison pour hommes. Elle va subir là-bas mille tortures et humiliations. Sa seule chance : partager sa cellule avec deux autres transgenres. Lana et Fleur seront ses seuls soutiens et compagnons d'armes. Lana et Fleur, avec Virginie seront d'ailleurs les trois seuls prénoms mentionnés dans ce roman. Les autres personnages seront volontairement désincarnés et désignés par un substantif.
A sa sortie de prison, Virginie se fera embaucher dans une maison de retraite, située face à la mer. Cette résidence un peu spéciale ne fonctionne que grâce à des employés anciens taulards. Virginie s'y fera sa place… à sa manière.
J'ai été happée par l'histoire, je dirai même le calvaire de Virginie ; j'ai été émue par les épreuves qu'elle traverse ; j'ai été impressionnée par son courage et sa détermination ; j'ai été révoltée par l'ignorance et la bêtise humaine.
La plume de Jacques Saussey est tour à tour brute et délicate, brillante.
Outre le personnage charismatique et attachant de Virginie, l'auteur insère une intrigue policière qui donne du relief à l'histoire. Je n'en dirai pas plus pour préserver le charme de votre lecture…
« Enfermé-e » est un bouquin qui remue. Votre sensibilité sera mise à rude épreuve mais c'est pour la bonne cause.
Lu dans le cadre du challenge Black November 2018, thriller qui ne contient qu'un seul mot.
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Presque un coup de coeur.
Une plume magnifique.
Un sujet difficile à traiter.
Une héroïne tiraillée rêvant d'acceptation, celle des autres et puis la sienne.
Elle purge une peine, à perpétuité, "enfermé.e" dans un corps que Dame Nature lui a donné avec équivoque.
Un roman noir comme le goudron qui vous collera aux méninges un bout de temps et qui vous ouvrira les yeux. Vous ne les regarderez plus de la même façon et votre jugement, s'il y a, s'en verra fortement altéré.
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Virginie est recrutée dans un centre accueillants des personnes très âgées et qui a la particularité d'avoir du personnel qui ont purgé une peine de prison. Quel est le parcours de Virginie ? Pourquoi arrive-t-elle dans ce centre de soins palliatifs ?
J'ai adoré ce roman qui, au premier abord, ne me tentait pas tellement à cause de sa couverture et de sa quatrième de couverture qui ne dévoile rien. J'ai donc ouvert ce roman noir en sachant peu. Ce récit alterne entre différentes époques : fin des années 80, année 2006 et 2019. Au départ un peu déstabilisant mais très vite, je me suis fait. Ensuite, les personnages n'ont pas de prénom, en dehors de Virginie, le personnage principal. Ils sont nommés soit par leurs caractéristiques, soit par leurs fonctions. Et j'ai trouvé cette idée super car j'ai centralisé mon attention sur Virginie. On découvre rapidement la thématique du roman dont je ne divulguerai rien et je me suis interrogée très longtemps sur la raison de la présence de Virginie dans ce centre.
Mais je préviens : ce n'est pas une lecture facile. Loin de là ! Nous sommes dans du noir. Je suis passée par des envies de trucider des personnages cons, d'être horrifiée par les conditions de vie en milieu carcéral pour certaines personnes, le regard des autres, les normes sociétales qui nous formatent. La construction de ce roman est géniale car on nous divulgue les informations au compte-goutte maintenant ainsi mon intérêt.
Et en refermant ce roman, j'ai mieux compris le titre de ce roman. Je conseille !
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