Vous vous rappelez peut-être de
Roberto Saviano, ce journaliste italien qui a écrit Gomorra sur la mafia napolitaine et qui vit depuis sous surveillance policière constante. Il remet le couvert en élargissant la focale au trafic mondial de cocaïne. Ce n'est pas un roman mais ça se lit comme tel, dans un foisonnement de données, de chiffres, de noms, d'histoires. On voyage avec la coke, Colombie, Mexique, Afrique de l'ouest et du Sud, Europe bien sûr, Russie. La plupart des chapitres sont consacrés aux trafiquants dans une zone géographique précise (et une période historique), mais
Saviano les entrecoupe de chapitres courts et rares sur la consommation. C'est étourdissant, affolant, effarant, effrayant, mais indispensable.
Extrait : «Se plonger dans les histoires de drogue est l'unique point de vue qui m'ait permis de comprendre vraiment les choses. Observer les faiblesses humaines, la physiologie du pouvoir, la fragilité des relations, l'inconsistance des liens, la force colossale de l'argent et de la férocité. L'impuissance absolue de tous les enseignements mettant en valeur la beauté et la justice, ceux dont je me suis nourri. Je me suis aperçu que la coke était l'axe autour duquel tout tournait. La blessure avait un seul nom. Cocaïne. La carte du monde était certes dessinée par le pétrole, le noir, celui dont nous sommes habitués à parler, mais aussi par le pétrole blanc, comme l'appellent les parains nigérians. La carte du monde est tracée par le carburant, celui des moeurs et des corps. le pétrole est le carburant des moteurs, la coke celui des corps.»