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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
On ne peut apprécier pleinement cet ouvrage sans le poser dans sa perspective historique. Car le monde décrit ici, dont les personnages principaux et leurs préoccupations appartiennent tous à l'intelligentsia de l'époque, a ceci de particulier : il est voué à une disparition prochaine. Une dizaine d'années à peine après la parution de ce livre, il ne restera plus rien de l'empire austro-hongrois. Il ne s'agit donc pas ici d'une analyse "a posteriori", mais bien de ce moment étrange, comme suspendu au-dessus du gouffre, où un ordre des choses périmé mais qui veut l'ignorer fait, si l'on peut dire, des projets d'avenir. On ne peut pourtant reprocher aux "héros" de ce roman d'être démunis d'une certaine profondeur et même d'une certaine acuité du regard qu'ils posent sur leur époque; toute l'ironie réside en ce qu'ils ne regardent visiblement pas au bon endroit, trop préoccupés de leurs pathos individuels. Il est possible de reconnaître ici une certaine constante, caractérisant un monde qui se défait et ce, plus précisément encore dans cette catégorie particulière que sont les "intellectuels" : ils ne peuvent littéralement pas envisager que leurs structures idéologiques n'aient plus cours et que leur mode de pensée soit finalement périmé.
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Vivre un amour hors mariage à Vienne à la fin du XIX ème siècle était probablement plus difficile que de faire le tour du monde, et c'est pourtant ce que tentent un jeune compositeur Georges von Wergenthin et sa compagne enceinte Anna, cantatrice douée mais à la voix peu puissante. Georges, dilettante raffinée et égotiste de première, sorte de Peter Pan qui refuse de grandir, songe plus à sa liberté et à ses plaisirs qu'à sa carrière et aux sentiments d'Anna qui finira par se lasser de l'attendre.
Au fur et à mesure de cette histoire relativement moderne, c'est tout un monde disparu que Schnitzler décrit ici avec beaucoup de finesse à travers divers personnages qui sont plus ou moins ses reflets. Il analyse avec une rare acuité les dessous de l'antisémitisme, tout ce qu'elle implique comme conséquences psychologiques dans la vie des juifs et dans leurs rapports entre eux et avec les autres. Déjà se profile le problème du sionisme : doit-on ou non créer un état hébreu ? Se profile aussi la notion d'aryanisme. Nous sommes en 1908 et ces réflexions sonnent étrangement à nos oreilles, comme une prophétie.
Très grand écrivain, Schnitzler décrit également de façon magistrale la fugacité du bonheur, lié à la fragilité de notre inconsistance, la notion de liberté que limitent la présence et le regard des autres, dans une étude rigoureuse et précise des situations, avec ce sens aigu du concret qui rend le moindre acte quotidien lourd d'une temporalité subie plus que pleinement vécue, et où le destin intervient plus comme une conséquence des événements que comme le résultat d'un choix. Destin qui décide pour les personnages face à leurs indécisions et à leurs atermoiements : "Je l'ai toujours dit, remarqua-t-il, ce n'est pas nous qui forgeons notre destin, c'est, la plupart du temps, une circonstance extérieure qui s'en charge, et sur laquelle nous n'étions pas en mesure d'exercer une influence quelconque."
Schnitzler a le sens de la phrase brève, de la formule efficace. J'ai profondément aimé ce livre pour toute sa portée historique, à la fois témoignage et inquiétude -plutôt justifiée !- quant à l'avenir des juifs, nulle part chez eux, et pour sa densité psychologique dans les rapports entre l'homme et le monde dans lequel il vit.
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Vienne m'a toujours fasciné. Quand Valentyne La jument verte de Val m'a proposé de lire Arthur Schnitzler ensemble j'ai été ravi. Elle m'a dit qu'elle aimait particulièrement le titre Vienne au crépuscule. J'étais encore plus ravi. Je l'ai lu dans le volume Romans et Nouvelles I de la Pochothèque, gros volume de 1200 pages où ce roman succède à une cinquantaine de nouvelles. Et une fois de plus l'écriture de Schnitzler a su m'installer dans ce climat de la capitale autrichienne à la fin du XIXème, dont on sait bien le déclin programmé. Pas mal de personnages se croisent dans Vienne au crépuscule au point que l'on peut avoir au début quelque mal à les situer. D'autant plus que tous sont des aristocrates artistes ou scientifiques, un milieu privilégié, peu suspect de modernité même si certains ont compris que Vienne et toute l'Europe commençaient de voir le jour baisser.

le baron Georg von Wergenthin est un jeune compositeur, plutôt prometteur et l'on sait l'importance de la musique dans cette ville. Un peu dilettante il laisse sa vie couler depuis la mort de son père. Fréquentant les salons mondains emplis de filles à marier bien qu'il ne dédaigne pas les tavernes enfumées. Beaucoup d'amis dont certains juifs, écrivains, critiques, d'autres entrant en politique. L'empereur est déjà âgé, l'Autriche-Hongrie aussi. Et l'antisémitisme n'a attendu ni Sarajevo ni Auschwitz. Plusieurs lectures peuvent se faire sur Vienne au crépuscule et je les partage toutes. Amoureux de l'Europe Centrale si littéraire j'ai vraiment aimé l'ambiance que Schnitzler, médecin fils de médecin, lui aussi juif et se piquant d'écrire en opposition à son père, décrit au coeur de la ville et par les forêts viennoises voisines. C'est un peu une éducation sentimentale qui nous est racontée où les femmes sont encore bien souvent objets. Objets de désir et de plaisir, de dérision et d'insouciance. Quelques figures trahissent pourtant une fin de siècle et l'aube d'une époque plus favorable, Thèrèse notamment qui anticipe de grandes féministes.

Les Juifs sont depuis longtemps plus ou moins marginalisés. L'analyse est d'une grande finesse, les choses ne sont pas flagrantes mais pour peu que l'on s'intéresse à L Histoire on saisit parfaitement toutes ces petites notes sur ce qui n'est pas vraiment une persécution mais un voile de mépris, un plafond de verre selon l'expression consacrée. Par ailleurs quand les héros sont des nantis, de façon très variable d'ailleurs, ils voyagent et nous aussi. Et comme j'aurais aimé ces tours de Suisse ou d'Italie, quand les malles arrivent au port, que des coursiers s'en chargent et qu'il ne manque rien. La Sicile, Naples, les lacs du Nord italien sont autant d'étapes raffinées qu'il me plait toujours de fréquenter littérairement. J'ai donc aimé ce Vienne au crépuscule qui me confirme, mais besoin n'était pas, l'importance de ces écrivains d'Europe Centrale dont Arthur Schnitzler est un des plus sensibles.


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Voici un roman destiné aux amoureux de la Ville de Vienne qui depuis trop longtemps en sont éloignés ( mesures sanitaires oblige) , un roman qui permet de retrouver une ambiance bien spécifique, de circuler avec les personnages dans le centre de la vieille ville et dans les pimpants villages des environs. On retrouve le Ring sous la neige, la place du Graben fourmillant de monde et la musique est comme toujours omniprésente.
Schnitzler, cet auteur dans lequel Freud voyait son double, a su mettre en scène les viennois de cette fin de siècle, le crépuscule mentionné dans le titre étant celui d'un empire et aussi d'une civilisation.
Les ferments de la désagrégation sont bien présents à travers la hiérarchie des hommes, l'antisémitisme rampant qui gangrène le tissu social, les oppositions idéologiques, l'hypocrisie qui sauve les apparences et protège ceux qui font de grands pas de côté. L'esprit du temps est analysé par l'auteur à travers les dialogues des personnages et ceux-ci peuvent paraître un peu pompeux pour un lecteur contemporain mais il ne faut pas oublier que le roman lors de sa réception a été passé au crible car il était censé mettre en scène des contemporains et illustrer leurs travers.
Le thème principal du roman tourne autour de l'engagement amoureux et de tout ce qui vient y mettre obstacle. Mais pourquoi donc le jeune Baron Georges de Wergenthin se refuse à épouser Anna la femme qu'il aime à laquelle il a fait un enfant hors mariage ? Tous deux partagent une véritable passion pour la musique et Anna qui respecte sa liberté et l'encourage dans son art, se garde bien de demander à ce grand enfant de Georges de s'engager pour sauver sa réputation . Et lui, loin d'admettre qu'il faut assumer les conséquences de ses actes, continue à poursuivre des chimères , rêvant de séduire d'autres femmes et tardant à choisir une voie professionnelle.
On entre de plein pied dans le quotidien d'une bourgeoisie fortunée et dilettante qui passe son temps en visites , concerts, promenades...sans se rendre compte que c'est bien la fin d'un monde qui s'ouvre sous ses pas.
Un beau roman d'une grande mélancolie, qui mêle les fines analyses psychologiques aux digressions intellectuelles parfois difficiles à suivre.
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L'action se déroule au tout début du XXème siècle à Vienne en Autriche.
Ce livre est paru en 1908 et a fait l'objet d'un polémique à sa publication, car contraire aux « bonnes moeurs » de l'époque.

Schnitzler nous emmène dans la bonne société autrichienne. Il nous introduit dans les salons bourgeois où des gens fortunés reçoivent des gens fortunés eux aussi, vont au théâtre ou au concert écouter de la musique classique. Georges von Wergenthin est un de ces hommes de bonne famille : il est doué et compose de merveilleux lieders mais un peu en dillettante. Il hésite à en faire sa profession ou à rester rentier. Son père est mort il y a quelques mois et il ne sait pas ce qu'il va faire de sa vie . En attendant il fréquente les Ehrenberg, les Rosner et son ami Henri dramaturge reconnu.
Jusqu'au moment où il entame une relation amoureuse avec Anna Rosner, jeune fille de la bonne société, elle aussi . Sans devenir parias, Georges et Anna devront se cacher quand Anna ne pourra plus cacher son état (euphémisme non ?)
Ils partiront en Italie puis vivront quelques mois ensemble dans une maisonnette en attendant la venue de l'enfant (qui devra être placé en nourrice après cette naissance hors-mariage)

Après un début que j'ai trouvé un peu lent avec la présentation de nombreux personnages, ce livre m'a époustouflée d'une part par la vie insufflée aux personnages – je me suis sentie en phase tour à tour avec Geaorges, Henri, Else, Oscar, Thérèse – et d'autre part, la Vienne de 1900 est magnifiquement décrite : l'organisation sociale et politique est évoquée et on a l'impression d'être transporté dans cette époque. En 1908, Schnitzler explique déjà comment l'antisémitisme est en train de monter en Autriche et comme il peut être difficile à un juif (Henri ou les Ehrenberg d'être considéré comme citoyens à part entière). Faut il rester dans un pays où on est un sous-citoyen ou partir ? Mais où ?
Et que dire de la peinture des moeurs de l'époque, à part quelle hypocrisie : un jeune homme de la bonne société fait un enfant à une jeune femme de la bonne société et tout de suite c'est la jeune femme qui est « corrompue », indigne, qui déçoit ses parents …le jeune homme lui n'est pas responsable …
Georges est charmant, le plus souvent indécis et ne sait pas comment réagir : épouser Anna ? Il se sent trop jeune pour fonder une famille et souhaite d'abord commencer une activité professionnelle.
On ne connaîtra pas les sentiments et ce que pense Anna car toute l'action est commentée du point de vue de Georges. J'aurais bien aimé connaître son ressenti. Elle n'en reste que plus mystérieuse.

Un livre qui me restera longtemps en mémoire.
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