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"Équipée - Voyage au pays du réel" est un récit difficilement catégorisable. Récit d'un voyage en Chine en 1914, lors d'une mission archéologique, il est tout à la fois un journal de bord, un journal intime délesté de ses dates, un récit onirique, une digression littéraire et enfin, selon le propre mot de l'auteur qui ne m'en voudra pas de l'emprunt, une "expertise".

Victor Segalen fut un touche-à-tout. Éduqué dans les sciences (école de médecine, notamment), intéressé par les maladies nerveuses, linguiste (il apprendra le chinois en un an), curieux, voyageur, explorateur, expatrié, poète et écrivain, il s'est proposé ici de coucher sur le papier sa quête analytique sur le Voyage, avec pour but de distinguer le réel de l'irréel, la réalité du rêve ou encore le pragmatisme de la poésie. Ainsi, chaque période du voyage est minutieusement - presque voluptueusement - décrite, narrée, analysée : le choix de la destination (ici, la Chine), la préparation au voyage, la description du matériel approprié et des moyens humains à envisager, toutes les étapes dans leur dimension géographique (fleuve, col, plaine...) et poétique (traditions, cultes, mythes...), les émotions ressenties, les périls déjoués, les découvertes et les rencontres. Et à chaque pas, le questionnement existentiel revient sur ce discernement entre un réel exotique et un irréel littéraire, deux entités aussi délicates à dissocier que l'est un blanc d’œuf de son jaune.

Le texte est beau et plein d'une douce poésie très évocatrice même si la narration peut facilement paraître surannée à un lecteur actuel. Il faut, pour l'apprécier, se mettre dans la peau de ces hommes partis "vers de belles aventures" tout en acceptant leur part de mystère. Un mystère très concret, né de l'approximation des cartes, de l'absence de routes, du côtoiement d'autres cultures, de l'hostilité des contrées entreprises et de la pauvreté des transports indigènes.

Pour ma part, ce furent surtout quelques heures d'évasion vers un pays immense que je connais encore très mal mais dont j'apprécie l'évocation.


Challenge PETITS PLAISIRS 2014 - 2015
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Victor Segalen écrit ce journal de voyage avec un objectif bien défini : confronter l'imaginaire au réel, dans le cadre de la Chine du début du XXème siècle. Quelle belle idée ! C'est pourquoi j'ai sauté sur l'occasion de découvrir cet auteur.

Mais la partie imaginaire de cette oeuvre ne m'a pas franchement comblé. Dès les premiers chapitres, Segalen se disperse en expressions grandiloquentes : l'ascension de la montagne anticipée comme une « conquête » ou une « domination divine », la descente et la remontée du fleuve comme un « abandon femelle », puis une « domination mâle »… Quant au monde intérieur, il est assimilé à une « chambre aux porcelaines » qui doit « conquérir » (encore !) le monde extérieur. Les termes martiaux et sexualisés (auxquels on pourrait ajouter « prendre possession », « orgie », etc.) se bousculent à travers le livre, si bien qu'il devient difficile d'envisager que la porcelaine reste en un seul morceau à l'issue du périple. Nous avons là un occidental qui joue les barbares en Asie, mais dans un registre hélas plus premier degré qu'Henri Michaux.

Malgré ces nombreuses lourdeurs stylistiques, Segalen manifeste un esprit curieux, capable de poser un regard ironique sur la dépouille d'un prêtre missionnaire abattu par des brigands (confrontant la réalité sordide de son cadavre à l'image d'Épinal des martyrs chrétiens), ou de s'approprier une petite idole locale et d'en faire son « dieu du voyage ».

Il y a aussi de beaux passages, comme celui où l'on découvre une grande ville chinoise de l'époque, dans toute son agitation de senteurs et de couleurs. Pour ne rien gâcher, cette description du réel est précédée d'une anticipation imaginaire plus fouillée. le fantasme et le concret s'opposent en deux tableaux successifs, avec même des tableaux dans les tableaux :

« il traîne dans les rues des peintures sombres et farouches, où parmi des auréoles de bleu vif, sur un fond rouge, d'épouvantables et féconds dieux membrés, pénètrent des parèdres ravies et renversées, en agitant dix bras et cent doigts devinés dans la nuit d'un fond de fumée ; ce sont les peintures Tibétaines »

Dans les chapitres réussis, on peut aussi citer les pérégrinations dans les vallées reculées de la Chine, qui font affleurer la vision d'un village hors du temps, où le réel et l'imaginaire ne peuvent plus se démêler ; puis une intéressante critique du topos de la description des paysages dans les récits de voyage : « Souvent le rythme de la vision s'est par avance cliché dans des phrases et découpé dans des alinéas. » Fidèle à la mission qu'il s'est donnée, l'auteur tente donc de déconstruire le paysage préexistant dans ses fantasmes, et renverse les descriptions habituelles des montagnes, qui deviennent rassurantes en leurs hauteurs et violentes dans les formes minérales éclatées de leurs vallées.

Ces chapitres illustrent le potentiel de l'oeuvre. Mais dans l'ensemble, le style ampoulé de l'auteur peine à offrir une vision de la Chine qui me satisfasse. Et certainement pas lorsque Segalen, dans sa position de privilégié, se livre à une satire hautaine de la condition des porteurs montagnards (qualifiés de « bétail humain »). En somme, ce que l'on entraperçoit du réel est intéressant, mais cela est voilé par un imaginaire très inégal. Heureusement pour lui, Segalen est davantage satisfait de la musique de sa prose, comme le montre cette jolie citation finale :

« Dans ces centaines de rencontres quotidiennes entre l'Imaginaire et le Réel, j'ai été moins retentissant à l'un d'entre eux, qu'attentif à leur opposition. — J'avais à me prononcer entre le marteau et la cloche. J'avoue, maintenant, avoir surtout recueilli le son. »
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J'eus aimé parer de cinq étoiles cet ouvrage pour "ces pas sur la route";mais les chapitres de "l'homme de bât" et de " la femme, au lit du réel" avec la mauvaise suffisance de l'homme blanc conquérant et machiste gâche cet ouvrage posthume. Autres temps,autres moeurs me direz vous ? ...mais tout de même !
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Victor Segalen écrit Equipée, un ensemble de 28 fragments dont certains peuvent se lire comme de véritables poèmes en prose, en marge des relevés archéologiques qu'il effectue en Chine entre 1914 et 1915. L'incipit, à l'instar de celui du roman René Leys (« j'avais cru le tenir d'avance, plus fini, plus vendable que n'importe quel roman patenté… »), dévoile d'abord le projet en creux, en négatif : non, il ne s'agira pas d'un journal de voyage.
Pour lire la suite : http://ivressedupalimpseste.blogspot.com/2008/07/victor-segalen-equipee.html
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Les cours d'eau n'auront pas un seul régime, mais grossiront depuis le torrent ivre et bruyant, toujours ébouriffé de sa chute jusqu'au vaste fleuve qui prolonge sa course très au large dans la mer où il lave sa couleur et dépose ses troubles avec calme.
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Je suis extrêmement déçu par ce livre que je n'ai pas compris.
Je pensais qu'il traitait d'expériences de voyages que Victor Segalen a effectué en Chine. En fait, ce partage de témoignages ne représente qu'une petite partie de l'ouvrage.
C'est bien dommage car ces séquences sont très intéressantes.
Pour le reste il s'agit à mon sens de réflexions prétentieuses, d'un alignement de mots pourtant intelligibles mais qui forment des phrases creuses dont je ne garderai rien.
Exemple pris au hasard : "L'Etape (sic) s'impose, non plus sur un monde immobile attentif aux autres tournants, mais sur les animaux en marche, respectueux de la litière. L'étape est catégorique et se suffit."
Il y a mieux à dire sur son expérience de voyage en Chine en début de XXe siècle je pense. Heureusement le livre est court !
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