Citations sur En vieillissant les hommes pleurent (262)
- Et à votre fils, vous lui écririez quoi aujourd'hui ? (...)
- ...Eh ben, pas grand-chose, Albert, figure-toi, pas grand-chose. Je lui parlerais de la maison qui est bien vide sans lui. Je lui parlerais des choses qu'il aimait et qu'il n'avait plus là-bas. Tu comprends Albert ?
Je lui parlerais d'une tarte que j'aurais faite, sa tarte préférée que je n'aurais pas pu manger toute seule.S'il était dans un pays chaud, je lui parlerais de l'hiver. S'il avait froid, je lui parlerais du feu dans la cheminée. Je lui parlerais du travail que je n'arrive pas à faire toute seule et de son père malade...même s'il est pas malade. Ca , tu peux me croire Albert, s'il fallait mentir je mentirais sans hésiter. (...)
-Pourquoi tous ces mensonges ? (...)
-Mais , pour qu'il ait envie de revenir. (p.150-151)
J'ai appris récemment que le premier reportage sur la guerre d'Algérie, pour une émission qui n'existe plus, "Cinq colonnes à la une", était une mise en scène. Comme le journaliste et le cameraman n'avaient pas le droit de filmer les vrais combats , ils ont pris la liberté de les reconstituer. C'était du cinéma. Alors certains aujourd'hui s'érigent contre cela, et crient "au scandale ou à la manipulation", mais ils ont tort, ou alors ils ne connaissent pas la puissance de la littérature. Parce que c'est la preuve, incontestable, que la fiction peut dire des vérités que l'information officielle s'obstine à cacher. La fiction n'est pas un mensonge; ou pour paraphraser Cocteau, " elle est un mensonge qui dit toujours la vérité.
Et maintenant que faisait Henri dans un pays qui n’était pas le sien ? C’était quoi, cette guerre ? Contre qui ? Il ne pouvait y avoir d’héroïsme que si l’ennemi entrait dans la maison. Mais là, l’ennemi était chez lui, en Algérie. Était-il seulement un ennemi ? C’était une guerre politique !
"Un ouvrier, c'est comme un vieux pneu, Quand y'en a un qui crève, On l'entend même pas crever."
Préface : Jacques Prévert
"Lire et être curieux, c'est la même chose." [ Pascal Quignard ]
Après ce premier exercice d’orthographe, Monsieur Antoine explora chaque mot bien plus qu’il ne les expliqua. Il mangeait les mots sans jamais les croquer, à la manière d’une hostie, puis, après les avoir suffisamment répétés, caressés, humidifiés, ramollis, après avoir fait un tour par le latin, l’origine, le sens, l’histoire et être passé par toutes leurs métamorphoses au point qu’ils ne fussent plus aussi durs qu’au début, il en nourrit Gilles.
Il avait de plus en plus l' impression que le livre, au-delà de l'histoire qu'il racontait, parlait de lui, comme lui-même n'était pas encore capable de le faire. C'était étrange et fascinant.
Et puis il y avait ce mot de "Moderne" que tout le monde avait à la bouche, le diapason des temps nouveaux, qui donnait des vertus presque magiques à chaque objet, comme ce poste de télévision, et les contraignaient au pire des sacrifices : le renoncement à tout ce qui s'était passé avant. Ca n'aurait pas été pire si on avait demandé à Albert de profaner les tombes de ses morts et piétiner le reste de leurs cadavres. Le monde avançait, comme disait son beau-frère chaque fois qu'il refermait L'Humanité, mais Albert ne voulait plus avancer avec lui.
Gilles comprit alors que chaque roman qu'il lirait l'aiderait à comprendre la vie, lui-même, les siens, les autres, le monde, le passé et le présent .
Eugénie Grandet était le premier grand roman qu'il lisait, sans savoir que c'était un grand roman. Dès les premières lignes, sa confiance en ce qui était écrit grandit au fur et à mesure de sa lecture. Dans le livre, on ne parlait pas comme chez lui, à part Nanon peut-être, qui parlait un peu comme sa grand-mère. Les phrases étaient comme des routes de montagne avec des virages qui s'enchaînent les uns aux autres et au bout desquels se révèlent des paysages magnifiques.