Pourtant nous ne sommes rien puisque nous ne créons rien, et surtout nous ne produisons rien ( pour utiliser une expression si chère aux communistes). Mais si, vous créez! répondront les plus hypocrites, mais ils savent que nous ne créons rien d'autre que de la chair à canon ou des travailleurs. Nous n'engendrons que des morts et des opprimés. Voilà pourquoi les hommes qui jouissent de leurs pouvoirs, quels qu'ils soient, pensent profondément que nous ne valons rien. Voilà pourquoi je n'ai pas voulu d'enfant.
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( A propos de sa robe noire, Rose pensait)
C'était l'unique tenue qui lui servait aussi bien pour les mariages, les extras et les enterrements. Le noir a le pouvoir, disait-elle, de faire tout oublier, la pauvreté comme les bourrelets.
page 177.
Retiens bien ça: lire c'est être sauvé. Puis elle ajouta: sauvé de tout
Les choses sont toujours associées à des gens. C'est comme ça. Mais les choses sont récalcitrantes des fois, faut que je les frotte comme la lampe d'Aladin si je veux faire sortir l'histoire qui est dedans. Et si tu les ajoutes aux gens, ça fait des histoires, que je te dis. (p. 185)
Rose
Printemps 1919
Tout est conforme jusque dans les papillons du papier peint. Alice aime quand une maison, un appartement ou une chambre devient un lieu, c'est-à-dire quand le décor est l'expression non plus d'un temps, d'une mode ou d'un style, mais d'une personne, quand le musée intérieur prend le pas sur l'idée de décoration. (p. 128)
Plus jamais Rose ne pensera que son corps n’a aucune valeur, qu’il ne sert qu’aux plaisirs des hommes, à pisser, à chier et à fabriquer de la descendance. Qu’il ne serait donc que pourriture et matrice fécondable.
- Mais tu es immortel ... puisque ne ne te verrai pas mourir.
Elle venait, en une phrase simple, sans que je le demande, de me donner le secret du monde, à savoir cet échange extraordinaire, ce pacte qui lie les vivants et les morts. D'un côté les morts emportent avec eux les images de nous vivants, en échange de quoi les vivants ont le devoir de garder les images des morts. L'image des morts devient alors l'image de nos souvenirs perdus et oubliés. Le cimetière et le monument aux morts ne sont plus les lieux où l'on va célébrer les disparus, mais ceux où l'on va fleurir ce qu'ils ont emportés de nous vivants dans l'éternité.
page 153.
Le grenier répondait mieux que ma famille à mes questions sur la vie avant ma venue au monde. (p. 296)
Être enfant participait d'un cauchemar dont je n'arrivais pas à m'extraire.
Y a pas plus sensible qu’un homme. Et dire que c’est eux qu’on envoie à la guerre.