Journaliste d'investigation,
Gitta Sereny a suivi, en 1968, le procès de Mary Bell, 11 ans, et de Norma Bell, 13 ans, accusées d'avoir tué deux petits garçons de trois et quatre ans à Newcastle-sur-Tyne, au Nord de l'Angleterre. Après avoir retracé l'enquête et le procès dans un premier livre paru en 1972 ("Meurtrière à 11ans"), la journaliste éprouve le besoin de revenir sur cette affaire, en 1995, non pas pour contester les éléments de l'enquête ou remettre en cause la culpabilité de Mary Bell, mais pour tenter de comprendre ce qui pousse une enfant de 11 ans à tuer un autre enfant.
Alors que Norma a été acquittée, Mary Bell a été condamnée à la prison à vie. Détenue pendant douze ans, dans une unité spécialisée puis dans une prison pour adultes, elle a été libérée en 1980. Lorsqu'elle accepte le principe des entretiens avec
Gitta Sereny, c'est une femme de 40 ans, vivant sous une autre identité et mère d'une petite-fille qu'elle cherche à protéger à tout prix.
Ce livre, loin de toute fiction, "utilise" (c'est le terme employé par l'auteur) Mary Bell et son histoire afin de mettre en évidence les dysfonctionnements d'un système judiciaire qui juge les enfants comme des adultes et qui les condamne sans mettre en place des moyens leur permettant d'assumer leurs actes et de les comprendre. le point de vue humaniste de
Gitta Sereny sert de contrepoint aux souvenirs de Mary, à ses tentatives d'assimilation d'un passé qui reste opaque pour elle.
Sans jamais excuser le geste, sans déresponsabiliser Mary, la journaliste propose des éléments de compréhension en fouillant l'enfance, la perversité de la relation avec la mère, l'absence d'étayage affectif et les maltraitances subies.
C'est une lecture difficile, inconfortable, qui ne nous laisse jamais le réconfort de la fiction. L'honnêteté de l'auteur, sa foi en la rédemption, nous entraînent forcément à tenter de comprendre l'insupportable, sans l'accepter pour autant. Je me suis souvent trouvée déchirée entre la compassion pour cette petite fille qui ne comprend pas la moitié des mots du juge et l'horreur inspirée par son acte. Difficile de placer sur le même plan un tel ouvrage et un roman ! Les critères d'appréciation ne peuvent être les mêmes. Mais ce livre m'a émue, m'a appris beaucoup et restera, je pense, profondément ancré dans ma mémoire.