Une si jolie petite fille est une enquête journalistique sur une histoire vraie : celle du meurtre, à quelques semaines d'intervalle, de deux enfants de 3 et 4 ans par Mary Bell... une enfant de 11 ans.
Sujet interpellant s'il en est.
Soyons honnêtes, même si ce qui m'a intéressée dans le fait d'engager cette lecture, relevait d'une démarche intellectuelle de compréhension : qu'est-ce qui amène un enfant à devenir un meurtrier ? Il y a, je suppose, pour ce phénomène extra-ordinaire, une fascination morbide.
Si l'on veut lire ce livre, commençons par reconnaitre notre propre part sombre.
J'ai un vrai regret pour la structure du livre. A tort peut être. Je m'explique : le livre s'ouvre succinctement sur le procès et la mise en contexte de la vie de Mary Bell, son voisinage, sa famille, etc. Les meurtres nous sont décrits sans s'appesantir sur les détails, ce qui est bien ainsi.
Ensuite, le livre est principalement constitué d'un long entretien avec Mary Bell : condamnée, elle passera de ses 11 à 16 ans dans un centre éducatif fermé, puis à une prison pour femmes durant 12 ans.
Tout au long de ces entretiens, j'ai ressenti un certain malaise : Mary Bell (qui à ce moment est sortie de prison, a 40 ans et est mère d'une enfant) a un fonctionnement malsain très perceptible, elle manipule et affabule beaucoup, est incohérente (la journaliste recoupe les informations par d'autres sources et nous signale les éléments erronés), est violente, minimise voire ne reconnait pas sa responsabilité, ne se centre que sur son ressenti sans aucune analyse et sans jamais exprimer de regrets sincères pour ses victimes et pour les actes qu'elle a commis.
En bref, Mary Bell, contrairement à l'auteure, n'a suscité chez moi aucune empathie. de son passé, la journaliste ne nous parle qu'à mots couverts. On sait que Mary Bell a subi des abus, mais rien n'est dit. Betty, sa mère toxique, est totalement immature et dysfonctionnelle, prostituée, alcoolique, rejetant dès le début Mary Bell et se faisant de l'argent sur son dos comme la bête de foire médiatique qu'elle est devenue.
Son père est quant à lui un rebelle à l'autorité, paranoïaque et faisant des séjours réguliers en prison.
Évidemment, on se rend bien compte que Mary Bell ne pouvait être que perturbée d'avoir grandi dans pareil contexte. Mais tout de même, elle nous est décrite sous des traits psychopathiques (étiquette qui lui sera d'ailleurs collée lors de son procès... même si l'on sait que chez des enfants, ce diagnostic est difficilement vérifiable), et ce qu'elle a fait à ces enfants - si jeunes ! - est réellement terrible !
Alors donc, j'ai eu un peu de mal moi-même à ne pas tomber dans l'étiquette du monstre. Car, de plus, sa résistance à consulter un psychiatre me laissait en plus frustrée sur un éclairage de sa personnalité et du processus qui l'a amenée à ce point de rupture. Des enfances malheureuses, voire très malheureuses, ce n'est pas si rare. Et pourtant, de telles extrémités sont rarement atteintes. Alors mon "pourquoi ?" n'était pas satisfait.
Je me suis donc intéressée avec distance au parcours pénitentiaire de Mary Bell. Je comprenais néanmoins la démarche de l'auteure de vouloir dénoncer le système judiciaire britannique qui est de juger - l'affaire remonte à 1968 mais à l'heure de la réédition enrichie du livre, c'était toujours d'actualité - les enfants criminels comme des adultes. Bien sûr cette prise en charge apparait totalement inadéquate. Bien sûr, pareil passage à l'acte ne peut être le fruit que d'un appel au secours.
Justement. Ce n'est qu'à la fin du livre qu'un chapitre est consacré à l'enfance de Mary Bell et là on nous livre les détails des traumatismes qu'elle a subis, ce qui éclaire sous un jour complètement nouveau et son comportement, et ses meurtres. C'est selon moi le chapitre le plus intéressant car il met en mots toute l'histoire dans sa vision panoramique et rétrospective.
Alors pourquoi avoir mis ces révélations à la toute fin ?
Pour ménager un suspense ? Il ne s'agit pas d'un polar mais d'une histoire vraie, dramatique.
Pour respecter l'ordre chronologique des entretiens - car pour Mary Bell, mettre en mots ce qu'elle a vécu revenait à dire l'indicible - ?
Je ne sais.
Mais dommage, j'aurais certainement lu toutes ces 400 et quelques pages différemment...
La journaliste le répétait régulièrement : ce qui est arrivé à Mary Bell ne la dédouanait pas de ses crimes. Mais n'ayant pas connaissance des événements dramatiques de sa vie, l'empathie de l'auteur pour elle m'apparaissait déplacée et même me dérangeait !
J'aurais donc mieux compris...
A tout le moins, si vous vous engagez dans cette lecture, attendez-vous à être bousculés et à y rencontrer beaucoup de noirceur.