Joann Sfar imagine les déboires amoureux d'un vampire. Il raconte des
histoires d'amour d'aujourd'hui, on se sépare, on fait une rencontre, on croit à l'amour alors que l'autre n'est pas amoureux, une jeune fille qui tombe amoureux d'un homme plus mûr, le tout décalé dans l'univers des vampires, et ces petites
histoires presque mesquines et ordinaires prennent alors une dimension fantastique, joyeusement baroque et furieusement gothique. Les références s'accumulent, à son oeuvre antérieure, aux classiques de la littérature aussi bien qu'à la pop culture, du populaire au plus intellectuel.
Le dessin est brut, les contours des vignettes ondulent, c'est coloré, vivant, foisonnant et un peu bordélique, les couleurs participent à cette ambiance étrange, des couleurs saturées et même parfois acides viennent mettre un peu de désordre dans la vie rangée de Fernand aux ton naturels et sombres. C'est d'un équilibre subtil, toujours sur le fil, le dessin est beau, mais à la limite de la laideur, les
paroles sont triviales et la poésie se tient à l'affût, le fond de l'histoire parait futile mais la grandeur et le lyrisme transpirent dans toutes les pages.
On a l'impression que Grand Vampire ne raconte pas grand chose, alors que c'est magnifique et lyrique, comme une petite chanson de
Prévert, la plus anodine qui soit, vient nous rappeler l'essentiel, la joie de vivre.
« Les
histoires de cercueils
C'est triste et pas joli
Reprenez vos couleurs
Les couleurs de la vie »
(
Jacques Prévert, “Chanson des escargot qui vont à l'enterrement d'une feuille morte”)
… Et comme les deux escargots, je m'en retourne chez moi, je m'en vais très ému, très heureux et je sais que là-haut dans le ciel, la lune veille sur nous.